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Syndromes douloureux régionaux complexes

Journal International de Médecine (JIM)
 
Créé le : mardi 8 janvier 2013 par Journal International de Médecine (JIM )

Dernière modificaton le : vendredi 5 avril 2024
Copyright © JIM

Syndromes douloureux régionaux complexes
diagnostic et prise en charge

H. BLAIN*, E. THOMAS**

Journal International de Médecine (JIM)

*Pôle de Gériatrie, Centre Antonin Balmes, CHU de Montpellier
**Département de Rhumatologie, Hôpital Lapeyronie, CHU de Montpellier


Copyright © Len médical, Gérontologie pratique, mai 2012

Le Site de l’Ostéopathie remercie le Journal International de Médecine de l’avoir autorisé à publier cet article.


Illustration : IRM évocatrice de SDRC

Depuis 1995, on dénomme syndromes douloureux régionaux complexes (SDRC) les tableaux cliniques dénommés auparavant algodystrophie sympathique, algoneurodystrophie, syndrome épaule-main, ou maladie, atrophie de Sudeck, médecin allemand qui le premier a décrit ce syndrome(1).


 Diagnostic et évolution clinique


Critères cliniques de diagnostic

Depuis 2010, le diagnostic du SDRC repose sur les critères de Budapest (2) (tableau). Pour retenir le diagnostic, le patient doit présenter :

  • une douleur articulaire continue, disproportionnée par rapport à l’événement incident, de type allodynie (stimulation habituellement non douloureuse ressentie comme douloureuse) ou hyperalgésie (stimulation douloureuse ressentie comme très douloureuse).
    Il s’agit d’une douleur mécanique (aggravée par le mouvement articulaire) ou au toucher, aggravée le soir et par le froid (parfois par la chaleur). Cette douleur est souvent décrite comme une brûlure ;
  • des troubles vasomoteurs en phase initiale, la zone douloureuse étant le plus souvent chaude et inflammatoire, plus rarement froide. Le plus souvent, la couleur cutanée est anormale tantôt rouge, témoin de l’inflammation ou prend un aspect marbré ou pâle et cireux ;
  • des troubles sudomoteurs ou œdèmes : le plus souvent, on note un œdème diffus au niveau de l’extrémité atteinte et des modifications de la sécrétion de la sueur en regard ;
  • des troubles moteurs ou trophiques :
    – la force musculaire active est diminuée en regard de l’articulation atteinte rendant difficile la réalisation de mouvements du quotidien, tels que fermer le point et les doigts quand le SDRC touche le membre supérieur.
    La faiblesse musculaire peut être accompagnée de tremblements, myoclonies ou de dystonie ;
  • un certain nombre de SDRC ont une évolution chronique avec possibilité de troubles trophiques touchant les structures sous-cutanées périarticulaires et osseuses, le plus souvent distaux. Ainsi, les ongles peuvent pousser plus rapidement et deviennent fragiles et cassants, une hyperpilosité puis souvent une peau glabre.

Sur le plan cutané, on peut noter une hyperkératose, puis une peau mince et luisante. Les coussinets adipeux des phalanges distales peuvent disparaître.

On peut noter une fibrose palmaire ou plantaire. Sur le plan osseux, on note une déminéralisation péri-articulaire.

  • Outre la douleur, devant des troubles sensoriels, vasomoteurs, sudomoteurs, moteurs ou trophiques, le SDRC sera évoqué en l’absence d’autre diagnostic (absence d’arthrite septique ou inflammatoire, de fracture de fatigue ou d’ostéonécrose).

Évolution clinique

Le plus souvent, la forme de début est aiguë ou hyperhémique, chaude, inflammatoire durant quelques semaines jusqu’à 6 mois. Il s’agit d’une « arthrite sans arthrite », sans fièvre, avec des signes inflammatoires articulaires et périarticulaires, les douleurs étant mécaniques.

À cette phase chaude peut succéder une phase dite froide, dystrophique ou ischémique, inconstante jusqu’à la guérison, habituellement après plusieurs mois. C’est dans cette phase que sont observés, outre la douleur, un oedème froid induré, une peau pâle lisse et atrophique, des ongles friables et une acrocyanose, une ankylose articulaire, une fonte musculaire et une déminéralisation osseuse sectorisée ou diffuse. La présentation peut être trompeuse quand la phase initiale est froide.

Plus rarement encore, le SDRC peut évoluer dans une forme douloureuse chronique ou atrophique, la douleur et les signes sensitifs (hyperpathie, hypoesthésie, hypoalgésie, hypothermoesthésie) peuvent irradier en proximal et gagner tout le membre, l’acrocyanose est alors sévère et peuvent apparaître des troubles trophiques, voire des rétractions capsuloligamentaires avec enraidissement articulaire progressif.

Circonstances d’apparition et étiologies

On retrouve un facteur étiologique dans près de 60 % des cas de SDRC.

Causes traumatiques

Ce syndrome apparaît le plus souvent après un traumatisme (50 à 60 % des cas). Il n’y a pas de relation entre la sévérité du traumatisme qui a pu passer inaperçu et l’apparition du SDRC quelques jours à quelques semaines après le traumatisme. Ce traumatisme peut être une fracture (45 % des cas), une entorse ou une luxation au niveau d’un membre (18 % des cas), une chirurgie (12 % des cas) ou faire suite à une rééducation active douloureuse.

Causes non traumatiques

  • neurologiques : un SDRC peut apparaître secondairement à une hémiplégie, une hémorragie méningée, un traumatisme crânien, une tumeur cérébrale et, plus rarement, en cas d’atteinte du système nerveux périphérique (sciatique, névralgie, zona) ;
  • viscérales : un SDRC peut apparaître au décours d’un infarctus du myocarde (syndrome épaule-main) (10 à 20 %), après une chirurgie thoracique pour une tumeur intrathoracique, dans un contexte de phlébite, d’arthrite aiguë ou de tumeur (mammaire en particulier) ;
  • médicamenteuses : il s’agit principalement du rhumatisme gardénalique, d’un syndrome épaule-main bilatéral. Plus rarement, ce rhumatisme touche le membre inférieur et son évolution est favorable avec ou sans arrêt des barbituriques. L’isoniazide, les antirétroviraux, la ciclosporine et l’iode radioactif peuvent être à l’origine d’un SDRC. Dans ce cas, l’atteinte peut être plurifocale, ces formes étant très évocatrices d’une cause médicamenteuse ou générale ;
  • métaboliques : le diabète, l’hypertriglycéridémie, l’hypothyroïdie peuvent favoriser l’apparition d’un SDRC, en particulier sous la forme d’une capsulite de l’épaule ;
  • autres facteurs de risque : la prise d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion au moment du traumatisme (de par son effet sur la substance P et la bradykinine) et un niveau important de douleurs (après la fracture du poignet non chirurgicale en particulier) sont des facteurs de risque de SDRC, de même que l’immobilisation totale qui doit être proscrite.

Diagnostic paraclinique

  • Signes biologiques : le bilan inflammatoire et phosphocalcique est strictement normal, sinon il faut évoquer un autre diagnostic (figure 1).
    Figure 1. Arthrite sans arthrite
  • La radiographie standard : les premiers signes sont décalés dans le temps, l’interligne articulaire est toujours respecté. Après plusieurs semaines apparaît une déminéralisation avec amincissement des lames souschondrales, la déminéralisation pouvant apparaître mouchetée, avec parfois disparition complète de la trame et des corticales, cette déminéralisation étant toujours régionale et prédominant à l’extrémité distale du membre (figure 2).
    Figure 2 . Déminéralisation distale
  • La scintigraphie osseuse montre une hyperfixation précoce (avant les signes radiographiques), locorégionale au temps précoce (vasculaire) et tardif (osseux) avec extension aux articulations de voisinage. L’hyperfixation peut être absente pour certaines localisations comme l’épaule et le pied (figure 3).
    Figure 3. Hyperfixation précoce en scintigraphie osseuse.
  • L’IRM montre la présence précocement d’un oedème médullaire sur plusieurs pièces osseuses (hyposignal en T1 et hypersignal en séquence T2). Comme pour la scintigraphie, elle peut être normale en cas de SDRC de l’épaule.

Pronostic

Si l’évolution est favorable après un an dans plus de 75 % des cas, l’évolution peut plus rarement se faire sous la forme de douleurs persistantes et de séquelles modérées (troubles trophiques et enraidissement articulaire, notamment dans les syndromes épaule-main) et, plus rarement, entraîner des troubles trophiques sévères, des rétractions aponévrotiques et tendineuses, douloureuses et handicapantes. La réversibilité du SDRC est habituelle dans le stade hyperémique, la guérison est improbable au stade atrophique. Outre les formes froides qui sont de mauvais pronostic, les femmes ont un moins bon pronostic que les hommes, alors que le pronostic est amélioré en cas de SDRC post-fracturaire.


 Prise en charge


La prise en charge en est incertaine.

Le repos

Il est indique en phase initiale. Pour le membre inferieur, on recommande la suppression de l’appui tant que persistent les douleurs, mais l’immobilisation stricte doit etre proscrite.

Les traitements médicamenteux (4)

 Les bisphosphonates

Les dernières recommandations pour le traitement du SDRC datent de 1998 et ne préconisent pas leur utilisation dans la prise en charge des SDRC (5). Quatre études controlées randomisées contre placebo ont cependant montre l’efficacité d’un traitement par bisphosphonates sur la douleur, l’œdème et la mobilité articulaire a court et moyen termes en cas de SDRC, qu’il s’agisse de l’alendronate, du clodronate ou du pamidronate (6).

La calcitonine, prescrite larga manu il y a quelques années, n’a pas montre d’efficacité dans des études randomisées controlées contre placebo en cas de SDRC ; elle n’est donc plus recommandée dans cette indication.

Les piégeurs de radicaux libres (5)

L’application pendant plusieurs mois d’une crème contenant 50 % de DMSO (dimethyl sulfoxide) à raison de 5 applications par jour associée à de la physiothérapie a montré une légère amélioration sur la mobilité et l’instabilité vasomotrice en phase chaude de SDRC. Ce traitement peut être considéré comme un traitement adjuvant en cas de SDRC.

La N-acetylcysteine (Fluimucyl R) à raison de 600 mg 3 fois par jour a montré un effet modeste sur les SDRC en phase froide. Le mannitol n’a pas montré d’efficacité et ne doit pas être utilisée dans cette indication. Les corticoïdes oraux, utilisés en cure courte et en absence de contre-indication, ou en infiltration intra-articulaire, ont un effet sur l’œdème, la douleur et la mobilité en cas de SDRC a la phase chaude.

Les traitements adjuvants

La kinésithérapie et l’ergothérapie

Elles ont montré des résultats controversés dans la littérature ; le type et la fréquence des séances sont mal précises. En tout cas, la prise en charge devra être douce, non douloureuse, adaptée a la douleur et a la raideur. En phase chaude, on recommandera plutôt une physiothérapie et plutôt une balneotherapie en phase froide ou des bains alternes chaud et froid (bains ecossais) (figure 4).

Figure 4. Une prise en charge douce et indolore.

La kinesitherapie est utile pour prevenir l’enraidissement articulaire dans les SDRC d’evolution non rapidement favorable (figure 5).

Figure 5. Prévenir l’enraidissement articulaire.

Les programmes d’imagerie motrice

Ces programmes ont pour objectif d’améliorer la plasticité cérébrale : il s’agit pour le sujet d’imaginer des mouvements de l’articulation malade pour atteindre des positions montrées sur des images, de renforcer la notion de latéralité des membres droit/gauche et d’effectuer des mouvements en miroir. Ces techniques prometteuses doivent faire l’objet d’études contrôlées avant de pouvoir les recommander en pratique quotidienne.


 Prise en charge des formes chroniques et sévères de SDRC


Formes sévères avec douleurs, signes vasomoteurs et sudomoteurs majeurs

On peut proposer :

  • des blocs nerveux (ganglions stellaires pour le membre supérieur et bloc sympathique lombaire pour le membre inférieur). Il s’agit d’injecter des anesthésiques (lidocaine, bupivacaine) ou d’effectuer une neurolyse chimique (phénolysation) qui aura un effet plus durable que la neurotomie par radiofréquence ;
  • une injection de toxine botulique de type A, qui augmente la durée d’action des anesthésiques. Ces traitements sont à réserver aux formes douloureuses réfractaires aux autres traitements. Les blocs régionaux et nerveux n’ont pas d’effet propre très important mais peuvent prolonger l’effet du bloc du ganglion stellaire ou du bloc sympathique lombaire.

En cas de troubles vasomoteurs majeurs

Il peut être utile d’injecter de la clonidine en épidural (300 μg) quand les blocs sont inefficaces.

 En cas de dystonie sévère

Il est possible d’injecter du baclofène intrathécal (50- 75 μg). La stimulation médullaire n’a que peu d’intérêt dans le SDRC.


 Références


  1. Stanton-Hicks M et al. Pain 1995 ; 63(1) : 127-33.
  2. Harden RN et al. Pain 2010 ; 150 : 268-74.
  3. Marinus J et al. Lancet Neurol 2011 ; 10(7) : 637-48.
  4. Tran de QH, Duong S, Finlayson RJ. Lumbar spinal stenosis : a brief review of the nonsurgical management. Can J Anaesth 2010 ; 57 : 694-703.
  5. Stanton-Hicks M et al. Complex Regional Pain Syndromes : guidelines for therapy. Clin J Pain 1998 ; 14 : 155-66.
  6. Brunner F et al. Biphosphonates for the therapy of complex regional pain syndrome I—systematic review. Eur J Pain 2009 ; 13 : 17-21.


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