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Les bruits articulaires

Dossier constitué par Jean-Louis BOUTIN
 
Créé le : vendredi 2 décembre 2005 par Jean Louis Boutin

Dernière modificaton le : vendredi 5 avril 2024

Dossier : Les bruits articulaires 

Dossier constitué par Jean-Louis BOUTIN


L’ensemble de ce dossier est un condensé des différentes réponses du groupe de discussion Groupe des ostéopathes qui existait sur Yahoo.com (groupe disparu) à la question :
  • « Quelle est l’origine et la physiopathologie du bruit articulaire. »

Ont participé à cette discussion :

  • Olivier Auquier - Pascal Michaud - Henri Durougenot

Nous remercions les auteurs qui ont participé à la discussion et ceux qui écrit les différents articles que nous citons et qui ont donné leur accord.


 1. Questions


  • Quelle est l’origine du craquement articulaire fait volontairement par le patient (surtout les doigts) ou lors d’une manœuvre effectuée par un thérapeute tel que les chiropraticiens, certains rhumatologues et les ostéopathes.
  • Quel est le mécanisme physique ou chimique qui provoque le fameux "clac" lors d’une manipulation vertébrale ?
  • Quel est le mécanisme neurophysiologique déclenché lors du clac, à l’origine de tant de bienfaits thérapeutiques.
  • Quelle est la valeur thérapeutique des craquements articulaires des manipulations ?

 2. Les différents bruits articulaires


Il existe différents bruits articulaires qui sont soit spontanés soit provoqués :

  • le craquement que l’on produit quand on fait claquer ses doigts. Ce bruit articulaire ne se reproduit que de temps en temps. Il n’est pas reproductible à l’infini comme dans d’autres mouvements. Il semble que se soit le même bruit articulaire quand un sujet se fait "craquer les vertèbres", que ce soit les cervicales ou les lombaires.
    Ce "clac" est étudié dans la deuxième partie
  • le craquement qui se passe dans une articulation quand le sujet effectue un mouvement. Ce bruit articulaire se reproduit la plupart du temps à chaque mouvement. Il peut ou non exister si l’articulation en question est mise en mouvement de manière passive. Nous avons par exemple :
    • les craquements qui se situent parfois dans l’épaule dans les mouvements de circumduction. Ce bruit se reproduit à chaque mouvement.
    • les craquements qui se situent dans l’articulation de la hanche pendant les mouvements de renforcement des abdominaux, en décubitus dorsal, toujours dans les mouvements de rotation ou de circumduction. Il est à noter que dans ce dernier mouvement, le bruit articulaire se situe dans une hanche et non dans les deux (très rarement). Ce bruit se reproduit à chaque mouvement.
    • les craquement au niveau du genou dans le mouvement de flexion en charge. Ce bruit se reproduit quoiqu’il arrive à chaque flexion.
    • le bruit dans les chevilles, toujours dans les mouvements de circumduction, et toujours reproductible à chaque mouvement.
  • Ici, il s’agit de craquement tendineux (1, 2, 4), de mauvais positionnement de la rotule (3). En homéopathie, on dit qu’un terrain "acide" provoque des craquements, notamment dans les hanches ! (cette hypothèse n’a jamais été confirmée).
  • Le craquement que le sujet ressent quand il effectue un mouvement tout à fait anodin (ou qui semble anodin). Ce craquement articulaire est souvent ressenti comme "une remise en place" d’une vertèbre par le sujet.
  • Le craquement que le sujet ressent lors d’un blocage articulaire ou lors d’une entorse ligamentaire (vertébrale, du genou ou de la cheville)
  • Le craquement lors d’une déchirure : que ce soit lors d’une déchirure discale avec hernie, lors d’une déchirure musculaire (claquage ou franche déchirure), tendineuse (rupture du tendon d’Achille, du long biceps ou de la coiffe des rotateurs).
  • Le fameux "cloc" émis lorsque l’on tire énergiquement un pli de peau situé sur une épineuse.... (il ne semble pas que la vertèbre fasse un fort mouvement lors de cette manœuvre...).
  • Le craquement de la mâchoire qui est le bruit que fait le ménisque lors de l’ouverture ou de la fermeture (parfois dans les deux cas) de la bouche et qui correspond à une luxation du ménisque de l’articulation temporo-mandibulaire.
  • Le craquement du thérapeute quand il manipule une vertèbre avec une technique structurelle. Il est à noter que le bruit articulaire qui se manifeste alors existe aussi bien dans les techniques structurelles "à haute vélocité" et "forcées" que lorsqu’on effectue une manœuvre de correction directe, même au ralenti, quasiment sans force, pourvu que l’orientation de la poussée corrective soit parfaite.

 3. Valeur thérapeutique du craquement articulaire


Il est important de comprendre que le "bruit articulaire" n’a aucune vertu thérapeutique même si, dans certains cas, ce bruit s’accompagne d’une sensation (parfois très passagère) de bien être ou d’une sensation d’amélioration de l’état pathologique. En d’autres termes, ce n’est pas le bruit articulaire provoqué par le thérapeute qui indique que la lésion ostéopathique est résolue et la guérison obtenue !

L’action thérapeutique provient de la remise en mouvement d’une articulation dont la mobilité réduite à été corrigée. Durant la manœuvre correctrice, un "bruit articulaire" peut ou non se faire entendre. La manœuvre correctrice est réussie si l’articulation retrouve sa mobilité articulaire et non pas en fonction de l’importance du "Clac".

Rappelons que le bruit articulaire n’a pas de vertu curative ni thérapeutique.


 4. Essai d’explication de l’origine du bruit articulaire


Nous ne parlerons ici que de deux sortes de craquements : le craquement effectué par le sujet avec ses doigts et celui provoqué par un geste thérapeutique.

On a avancé plusieurs théories sur l’origine de ce bruit articulaire.

La plus répandue et la moins probable est celle qui affirme que le bruit articulaire provient de la compression ou au contraire de la formation (par dépression intra-articulaire) de bulles d’azote ! Pourquoi l’azote ? Pourquoi du gaz dans une articulation qui a horreur du "vide" ?

Il faut avant tout savoir que les phénomènes en causes lors du craquement sont difficilement mis en évidence et que les modèles présentés sont pour le moment hypothétiques même si l’observation tend à confirmer l’hypothèse de la libération gazeuse.

Pour comprendre ce modèle, il faut avant tout prendre en considération quelques notions de physique :

  • Pour transformer une substance d’un état à un autre, il faut fournir une énergie d’extraction
  • Les forces de cohésion d’un gaz sont bien plus faibles qu’un liquide et les particules sont nettement plus éloignées les unes des autres.
  • L’état d’ébullition d’un liquide dépend à la fois de la température (agitation moléculaire) et de la pression (appelée pression de saturation).
  • La pression de saturation croît avec la température et dépend de la substance en cause.

« Lors d’une manipulation, la pression intra-articulaire chute, abaissant ainsi la valeur de la pression de saturation et permettant à certaines substances d’entrer en ébullition (formation de gaz) telles que la nitrogène (voilà la fameuse notion d’azote) et la dioxyde de carbone (CO2). Ce passage se fait relativement rapidement vu que l’énergie fournie (le thrust) est faite par une haute vélocité. On a ainsi un changement quasiment instantané de la compliance articulaire (variation du volume par rapport à la variation de pression). L’articulation subit alors une mise en tension de son appareil ligamentaire (surtout la synovie contre la capsule) provoquant ainsi le fameux clac ! » Henri Durougenot

Commentaires

« Cette hypothèse est intellectuellement très séduisante mais il faut bien reconnaître qu’elle prend de l’âge. On en retrouve la trace presque mot pour mot dans un ouvrage édité par la faculté de médecine de Bruxelles en 1968. Et depuis, sauf erreur, cette hypothèse n’a jamais pu être vérifiée d’une manière fiable et reproductible. Il s’agit d’un modèle et le protocole expérimental nécessaire pour vérifier sa véracité est des plus difficile à mettre en ouvre.

Et je suis prêt à donner davantage de crédit à "l’hypothèse de libération de gaz" dans un cas précis : celui qui consiste, par un mouvement brutal et non physiologique à dépasser les limites articulaires « comme lorsque l’on fait craquer ses doigts » ou que « l’on fait craquer sa nuque » par exemple. Dans ces cas précis, le mouvement articulaire n’étant pas restreint, le bruit entendu ne peut être attribué à la récupération brusque de la totalité de l’amplitude articulaire » Olivier Auquier D.O. :

Plus sérieusement, il y a tout lieu de penser que le bruit articulaire survient lors de la libération des surfaces articulaires fixées depuis longtemps.

« D’autres hypothèses peuvent être émises.

En effet, pour qu’il y ait émission du gaz intra-articulaire, une brusque dépression doit être provoquée. Or, ce claquement articulaire est également émis lors d’une compression articulaire.

C’est notamment le cas pour un nombre important de blessures articulaires dites « en divergence ». Elles correspondent à une élévation des facettes articulaires (dans le cas d’articulations intervertébrales) avec mise sous tension importante de la capsule articulaire. La manœuvre thérapeutique consiste alors à les rapprocher. Dans ce cas, une « compression » intra-articulaire est très logiquement associée et pourtant, un bruit articulaire se fait entendre.

Nous avons nous-mêmes pu vérifier et « recréer » ces bruits articulaires en laboratoire en 1981. À l’époque, nous devions étudier l’influence des contraintes liées aux forces gravitationnelles exercées par les condyles fémoraux sur le plateau tibial. Les pièces anatomiques étaient fraîches, mais la capsule articulaire avait été disséquée pour faciliter les observations.

Lors de la décharge de l’articulation, lorsque nous mobilisions les segments osseux pour continuer l’étude sous une autre « angulation », le « craquement » articulaire était systématiquement perçu, et même très bien perçu ! Voilà assurément une expérimentation facile à reproduire.

J’ajouterai qu’il n’est pas nécessaire d’effectuer une manœuvre à haute vélocité pour qu’il y ait émission d’un bruit articulaire. Ce célèbre craquement est parfaitement audible lorsqu’on effectue une manœuvre de correction directe, même au ralentit, quasiment sans force, pourvu que l’orientation de la poussée corrective soit parfaite.

En fonction de cette expérience pratique, je recherche donc (et je ne suis pas le seul) une autre explication. Le bruit articulaire serait émis lors de la remise en mouvement des portions de surfaces articulaires bloquées ; cela me paraît plus simple et probablement plus réaliste.

S’il fallait trouver une analogie pour illustrer mes propos, je dirais que ce craquement survient à la manière du grincement qui est émis lorsque l’on remet en mouvement une vielle porte bloquée depuis longtemps sur ses gonds, et dont l’huile s’est quelque peu figée en perdant ses qualités intrinsèques de lubrifiant.

Notons, pour ceux qui l’ignoreraient, que cette mauvaise habitude rend hypermobiles des articulations parfaitement fonctionnelles à l’origine. » Olivier Auquier D.O.

« Il faut avouer que l’origine du craquement articulaire ne doit pas résulter que d’un phénomène mais de plusieurs facteurs qui peuvent être plus ou moins interdépendants. Il est connu que la mise en tension de structures ligamentaires provoque le bruit en question. L’origine du bruit au niveau des tissus conjonctifs (ou plutôt des tissus riches en tissu conjonctifs) montre en effet qu’il pourrait y avoir d’autres origines du fameux "bruit". Une chose reste cependant importante : rien ne montre que ces différents sons ont le même mécanisme d’origine. Les modèles (vieux certes) sont hypothétiquement plausibles même si ces explications ne recouvrent pas tous les différents bruits audibles. L’hypothèse du grippage articulaire reste controversée actuellement. Je dois reconnaître toutefois qu’on doit retrouver d’autres phénomènes qui peuvent provoquer des bruits de craquement. » Henri Durougenot


 Le pop articulaire
Paul Vaucher


Les études de Broder R. (1) résument au mieux les phénomènes intervenants lors du fameux " crack ! " articulaire.

  • Selon son étude bibliographique, le son produit lors d’une manipulation (également lors d’autres circonstances) serait dû à une dépression intracapsulaire qui provoquerait la libération de gaz (passage d’un état liquidien en un état gazeux) dans la cavité articulaire. Ce gaz représente environ 15% du volume articulaire et est composé d’approximativement 80% de dioxyde de carbone.
  • Deuxièmement, lors d’une manipulation thérapeutique, le mouvement est effectué de façon suffisamment rapide à ce que le réflexe d’étirement des muscles periarticulaires n’ait pas le temps d’avoir lieu. Ceci met en tension l’ensemble du système ligamento-tendineux de l’articulation. Il a été suggéré que lors des manipulations thérapeutiques, le son de craquement pourrait être dû par le rappel élastique de la capsule synoviale lorsqu’il rejoint l’interface capsule et liquide synovial. Ces hypothèses sont mieux expliquées par Nye D.A.(3) La libération de gaz diminuerait la résistance articulaire et permettrais une distension supplémentaire qui provoque un écartement rapide des deux structures avoisinante mettant en tension les éléments les liants et provoquant ainsi le son de craquement. Selon lui, la substance gazeuse est visible par fluoroscopie.
  • Selon McFarland et coll.(2), l’origine du bruit articulaire n’est pas vraiment compris et il existe plusieurs hypothèses (ils mentionnent la libération de nitrogène). Il faut bien différentier le craquement articulaire de la notion de ressaut (passage freiné d’un tendon ou d’un ligament lors d’un mouvement avec une libération sec par la suite) qui est un diagnostique différentiel important. (2)

Paul Vaucher


 Le craquement articulaire : une explication par IRM


Nous sommes nombreux à faire craquer nos doigts et comme par miracle, un soulagement immédiat, une détente dans la main mais cela ne dure que quelques secondes.
Le site Actu Kiné sous la plume de Antoine Zaczyk explique ce qu’est ce phénomène physique « qui correspond au changement d’état de gaz présent à l’état dissous dans le liquide synovial (80% de CO2) ».
L’auteur donne les caractéristiques de ce phénomène de cavitation : écartement, traction nécessaire, durée du bruit, temps nécessaire à la reproduction, température et l’absence presque totale de risques à répéter cette manœuvre.
L’article propose la référence d’une étude canadienne qui a analysé ce phénomène de cavitation par IRM sur 10 articulations métacarpo-phalangiennes.

Article de Antoine Zaczyk sur Actu-Kiné : Bruit articulaire, craquement : définition, effets, visualisation par IRM


 Autres articles


Gregory N. Kawchuk, Jerome Fryer, Jacob L. Jaremko, Hongbo Zeng, Lindsay Rowe, Richard Thompson : Real-Time Visualization of Joint Cavitation - Pour télécharger l’étude de Kawchuk & all. (format pdf)

  • Référence de cette étude : Kawchuk GN, Fryer J, Jaremko JL, Zeng H, Rowe L, et al. (2015) Real-Time Visualization of Joint Cavitation. PLoS ONE 10(4) : e0119470. doi:10.1371/journal.pone.0119470

D’où vient le bruit d’un craquement de doigt ?

Quel est le mécanisme à l’origine du bruit, lorsqu’on fait craquer les articulations de son doigt ? Heureusement, il existe des chercheurs (on adore les chercheurs sur Big Browser) pour répondre à nos questions. Une équipe internationale de l’université de l’Alberta, au Canada, a utilisé la technique de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) pour filmer le craquement en direct.

Deux articles (payants) de Pierre Trudelle
dans Kinésithérapie la revue expliquent ce phénomène :

- Trudelle P. Beaucoup de bruits autour du bruit articulaire. Kinésithérapie, les cahiers, n°29-30, Mai-Juin 2004, p76-80.
- Trudelle P. Mythes autour du bruit articulaire par cavitation. Kinésithérapie, la Revue, 2014, vol14 (148), p35-37.
Et une présentation (Power Point) du même auteur en accès libre : Bruit articulaire : la fin d’un mythe. JFK 2009. Disponible sur Slideshare



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