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Douleur ambulatoire de l’enfant

Roselyne Lalauze-Pol - Réalités Pédiatriques 2017
 
Créé le : mercredi 22 mars 2017 par Roselyne Lalauze-Pol

Dernière modificaton le : mercredi 6 mars 2024
  Sommaire  

Douleur ambulatoire de l’enfant :
la place de l’ostéopathe dans une consultation douleur de l’enfant

Roselyne Lalauze-Pol*


Le dossier - Thérapies complémentaires - in Réalités Pédiatriques - n° 208, Février 2017, p.16-20 - Site de la revue Réalités Pédiatriques
* Centre d’Évaluation et de Traitement de la douleur - Hôpital Robert Debré, Paris

Le Site de l’Ostéopathie remercie Roselyne Lalauze-Pol et la revue Réalités Pédiatriques de l’avoir autorisé à publier cet article


 Résumé


Roselyne Lalauze-Pol
Centre d’Évaluation et de Traitement de la douleur - Hôpital Robert Debré, Paris

L’ostéopathie a fait une entrée récente à l’hôpital, et, depuis 2012. l’AP-HP autorise sa pratique en son sein. L’enfant douloureux chronique a souvent un long parcours pourtant il a rarement bénéficié d’une consultation ostéopathique. Lors de certaines hospitalisations de Jour, l’enfant est pris en charge par trois praticiens : un médecin algologue, un psychologue clinicien et un ostéopathe. Le traitement ostéopathique va s’intéresser au corps de l’enfant dans sa globalité : de la posture, les fonctions musculo-squelettiques, les tensions viscéro-abdominales à la fonction respiratoire en ne négligeant pas les cicatrices post chirurgicales.
Les pathologies prises en charges sont multiples : syndrome douloureux régional complexe de l’enfant, apophysites, rachialgies. douleurs post-chirurgicales ou celles en lien avec une pathologie neurologique, génétique ou un handicap

L’enfant douloureux chronique a souvent un long parcours pourtant il a rarement bénéficié d’une consultation ostéopathique. Lors de certaines hospitalisations de Jour (HDJ), l’enfant est pris en charge par trois praticiens : un pédiatre algologue, un psychologue clinicien et un ostéopathe. Le traitement ostéopathique va s’intéresser au corps de l’enfant dans sa globalité : de la posture, les fonctions musculosquelettiques, les tensions viscéro-abdominales à la fonction respiratoire en ne négligeant pas les cicatrices post-chirurgicales.

Les pathologies prises en charge sont multiples : syndrome douloureux régional complexe de l’enfant, apophysite(s), rachialgies, douleurs post-chirurgicales ou celles en lien avec une pathologie neurologique, génétique ou un handicap.

En 2012, l’AP-HP a donné son autorisation pour une entrée officielle des médecines complémentaires en son sein. Après10 ans de pratique bénévole en service de stomatologie et de chirurgie maxillo-faciale, une ostéopathe faisait officiellement partie de l’équipe douleur.

Les enfants présentant des douleurs chroniques qui viennent en HDJ ont souvent un long parcours avec de multiples consultations. Ils ont été peu ou non soulagés par un traitement classique médicamenteux. Pour le Dr Chantal Wood avec le Dr Alexis Ferrari, qui mettaient en place une unité à l’hôpital Robert Debré, devenue Centre d’Évaluation et de Traitement de la Douleur (CETD), associer l’ostéopathie à d’autres disciplines telles l’hypnose et l’acupuncture paraissait évident.

Au CETD, nous sommes deux ostéopathes : un médecin chirurgien orthopédique pédiatrique et une ostéopathe DO (Diplôme d’Ostéopathie) qui depuis 20 ans a une pratique clinique ostéopathique uniquement pédiatrique. Leurs pratiques se complètent, le choix d’adresser à l’un ou l’autre de l’équipe est fait, en amont à la lecture des dossiers en fonction du "parcours douloureux" du patient. Seul l’ostéopathe exclusif effectue des consultations ostéopathiques.

La consultation d’HDj est réalisée par trois intervenants : le médecin algologue, la psychologue et l’ostéopathe. La consultation de psychologie est un entretien particulier. Cependant, nous avons volontairement choisi de faire une consultation conjointe algologue-ostéopathe, ce qui évite au jeune patient ou à ses parents d’avoir deux interrogatoires répétitifs. Les enfants sont adressés pour tous types de douleurs chroniques : de la douleur qui apparaît insidieusement augmentant au fil du temps, celle d’apparition brutale, à la douleur postopératoire qui n’a pas cédé aux médications classiques. Elles peuvent avoir des localisations multiples : viscérales, rachidiennes, ou localisées à un ou plusieurs membres.

Les pathologies prises en charges sont multiples :

  • syndrome douloureux régional complexe de l’enfant (SDRC ou ancienne algodystrophie) ;
  • apophysites du pré-adolescent et l’adolescent (maladie de Sever Osgood-Schlatter), avec des situations moins classiques telles le sourcil cotyloïdien ou l’épine iliaque antérieure ;
  • hyperlaxité constitutionnelle, voire syndrome d’Ehlers Danlos
  • douleurs post-chirurgicales, devenues chroniques qu’elles soient orthopédiques, viscérales ou suites d’amputation
  • rachialgies plus ou moins complexes [1] :
  • certaines migraines et céphalées de tension rebelles au traitement médicamenteux :
  • douleurs en lien avec une pathologie neurologique, génétique ou un handicap [2].

Après la prise de contact avec l’enfant et sa famille, l’enfant dessine sur un schéma, la ou les zones algiques. Puis, au fil de l’interrogatoire, vont être précisés la périodicité, l’intensité de la douleur, ce qui calme l’enfant tout comme la qualité du sommeil ou l’absentéisme scolaire. Ce sont autant de données qui vont orienter notre diagnostic.

La lecture minutieuse du carnet de santé tout comme le récit précis des circonstances de survenue de la douleur initiale avant qu’elle ne devienne chronique, sont indispensables. Le carnet de santé de l’enfant douloureux chronique est souvent très "rempli" dès la première année :coliques du nourrisson [3], otites, bronchiolites, bronchites et qu’il y a eu parfois une intervention chirurgicale (phimosis, adénoïdectomies, amygdalectomies, etc.). On sait aujourd’hui que cette expérience précoce et fréquente de la douleur fait le lit de la douleur chronique ou de la migraine [4].

Certains enfants ont un index de masse corporelle trop important, ce qui peut majorer les rachialgies ou les douleurs des membres Inférieurs.

Une auto-évaluation de la douleur ou une hétéro-évaluation si l’entant est trop jeune, immature ou handicapé, est faite. Cette étape ainsi que l’évaluation de la distance mains-pieds seront à nouveau réalisées à la fin de la consultation ostéopathique afin d’apprécier le seuil douloureux résiduel et la mobilité récupérée.

Les enfants ont souvent eu nombre d’examens complémentaires, et parfois, d’autres examens s’imposent. À la lecture de l’imagerie médicale, il n’est pas rare de trouver une anomalie rachidienne non objectivée précédemment (fig. l et 2).

Avant tout examen clinique sur la table d’examen. une observation attentive de la marche, couplée aux marches digitigrade et sur les talons, est très utile. Un examen postural est aussi réalisé.

En fonction de la localisation douloureuse plusieurs paramètres sont appréciés : distance mains-pieds, mobilités rachidiennes en latéroflexion et en rotation ainsi que des amplitudes articulaires des membres, la distance mains-pieds en flexion rachidienne. Ces évaluations permettent de repérer les troubles du tonus postural, les asymétries fonctionnelles si elles sont patentes, ainsi que les restrictions de mobilité articulaires.

En fin de consultation cette étape sera réitérée afin de voir si le trouble postural s’est atténué, si le déplacement est plus aisé, la perception douloureuse est amoindrie.

L’examen clinique est classique, il est toujours complété par un examen neurologique complet, et les douleurs neuropathiques telles les allodynies, si elles sont présentes, sont repérées et cotées sur une échelle.

Après ce temps, l’examen clinique palpatoire ostéopathique débute, l’ostéopathe va apprécier la mobilité des articulations, le tonus musculaire, l’ampliation respiratoire, la sphère abdominale, mais aussi la vascularisation des téguments, la qualité de la peau (fig. 3 et 4).

La chaleur ou la froideur d’une zone, la finesse ou la transparence des téguments ou une sudation locale, et les adhérences cicatricielles sont autant d’éléments diagnostiques.

Dans notre prise en charge, l’articulé dentaire est systématiquement pris en compte. Certaines douleurs rachidiennes, notamment des cervicales, peuvent être induites ou aggravées par un articulé non équilibré (fig.5). L’aide d’un orthodontiste peut être déterminante.

L’examen ostéopathique sur la table s’intéresse à l’ensemble du corps. L’ostéopathe s’attachera à retrouver un équilibre postural en diminuant les tensions musculosquelettiques, celles relatives aux adhérences, drainer un œdème articulaire ou local, améliorer la vascularisation locorégionale, toujours en s’intéressant à la course diaphragmatique qui est souvent réduite chez les enfants et adolescents présentant des douleurs chroniques.

Chez certains enfants, la douleur est si intense que la région algique ne peut être abordée d’emblée. Le plus souvent les zones à distance sont relâchées avant d’aborder celle(s) douloureuse(s).

Nous sommes particulièrement attentifs aux cicatrices, notamment celles liées à une intervention thoracique ou abdominale de la petite enfance. Le tissu cicatriciel ayant une moindre élasticité, les adhérences peuvent engendrer des douleurs régionales ou à distance, très invalidantes lors des poussées de croissance.

Les douleurs post-interventions sur scoliose [5,6] demandent un ajustement particulier, le rachis ayant été rigidifié par l’arthrodèse, par exemple T2-L4, les zones mobiles sont réduites. L’ostéopathe va détendre les contractures musculaires mais aussi les adhérences cicatricielles afin de retrouver une souplesse tissulaire.

Certaines douleurs de croissance sont très handicapantes, elles sont parfois confondues avec des douleurs articulaires. Ces enfants viennent en consultation au CETD avec un ou plusieurs examens radiologiques se limitant au seul espace articulaire (scanner et/ou IRM). Un jeu de radiographies face et profil du segment de membre aurait permis de faire le diagnostic d’apophysite. Une fois toutes les autres causes éliminées, le traitement est simple : arrêt de l’activité sportive en charge avec des étirements quotidiens fréquents (20 minutes journalières).

Les premiers étirements sont réalisés passivement par l’ostéopathe puis exécutés par l’enfant, mais l’arrêt du sport en charge est souvent mal vécu (fig. 6).

La consultation HDJ "douleur" dépasse les 90 minutes, le temps consacré à l’approche de la zone algique et les mobilisations nécessitent du temps, d’autant plus que la douleur a souvent été trop longtemps négligée. Parfois, nous sommes obligés de mobiliser la zone en miroir, c’est-à-dire de faire travailler le membre opposé pour obtenir un gain articulaire du côté algique. Sous hypnose [7] on peut faire imaginer à l’enfant qu’il fait le geste quand il n’est pas en capacité de le faire d’emblée.

Quelle que soit le pathologie, la course diaphragmatique est systématiquement investiguée. La plupart des enfants ont une diminution de l’ampliation thoracique ce qui peut modifier les échanges gazeux et diminuer l’oxygénation des muscles locomoteurs en augmentant les contractures.

Les activités en piscine sont conseillées, ainsi que l’auto-massage ; cela permet de reprendre contact avec une partie du corps dans des conditions non désagréables pour les zones algiques.

L’enfant algique comme sa famille a besoin d’explications pour comprendre sa douleur et l’apprivoiser, la gérer. L’auto-hypnose, enseignée par le psychologue, peut être d’une grande aide à côté de la "construction" ou de la "reconstruction" d’un schéma corporel fonctionnel.

Les résultats sont parfois spectaculaires, la perception douloureuse diminue souvent en cours de consultation. Repartir avec moins d’appréhension de poser un talon ou des tensions musculaires amoindries est un plus pour l’enfant.

Dans son analyse sur les médecines complémentaires, le Pr B. Falissard dit que : « L’approche que proposent ces soins doit faire réfléchir les médecins conventionnels. Nous sommes peut-être trop fixés sur le symptôme et l’organe. Il faudrait sans doute davantage aborder les patients dans leur globalité... »

Pars on approche, l’ostéopathe a une place charnière entre l’algologue réalisant un examen clinique par "modules" : appareil locomoteur, appareil viscéral, examen neurologique, etc.et le psychologue.

C’est une manière de raisonner et d’appréhender le corps dans sa globalité : les os, articulation, les fascias, les viscères, le derme, la peau, etc. sont en constante relation et en continuité dans le corps, tant dans leurs constitutions anatomiques et physiologiques que par leur l’origine embryologique.

Dès 2005, le Dr Chantal Wood avait cette conception prééminente de la globalité de l’être humain ; aujourd’hui, c’est l’ensemble de l’équipe douleur du CETD de l’Hôpital Robert Debré qui la partage.

La prise en charge pluridisciplinaire est un pas vers la remédiation et la résilience ; elle permet à l’enfant d’être pris au sérieux, de se réinsérer dans le cercle familial, dans la vie scolaire.


 Bibliographie

1. Hayden JA, Mior SA, Verhoef MJ. Evaluation of chiropractie management of pediatric patients with low back pain : a prospective cohort study. J Manipulative Physiol Thor. 2003:26:1-8.
2. Castle KI, Imms, Howie I. Being in pain : a phenomenological study of young people with cerebral palsy. Dey Med Child Neurol. 2007 ;49:945-949.
3. ROMANELLO S et al. Association between childhood migraine and history of infantile olic. Jama, 2013:309:1607-1612.
4. MANEYAVANIIA SB, VENKATASUBRAMANIAN A. Relationship between significant perinatal events and migraine severity. Pediatrics. 2005 ;116:555+558.
S. SIEBERC CB.SIMONS LE.EDELSTEIN MR et al. Pain prevalence and trajectories following pediatric spinal fusion aurgery. Pain. 2013 ;14:1694-1702.
8. KNUTSON GA. Vectored upper cervical manipulation for chronic sleep bruxism, headache, and cervical spine pain in a child. Knutson GA. J Manipulative Physiol Ther.2003:26:16.
7. WOOD C, BIOY A. Hypnosis and pain in children. J Pain Symptom Manage. 2008:35:437-446. 

L’auteure a déclaré ne pas avoir de conflits d’intérêts concernant les données publiées dans cet article.



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