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« L’homme aux mains d’or »

Émile Wanono (1920-2007)
 
Créé le : mardi 11 juillet 2023 par Thierry Liévois

Dernière modificaton le : mardi 11 juillet 2023

« L’homme aux mains d’or » Émile Wanono (1920 - 2007)

Avec l’aimable participation de ses filles Macha et Nadine Wanono


De gauche à droite : Émile Wanono, Raymond Kopa et Just Fontaine
Préparation pour la Coupe du Monde de Football 1958
(Photo Var matin 2007)

Émile Wanono est né le 14 septembre à Casablanca en 1920 au Maroc. Très jeune, il fait ses preuve à Casablanca en tant que sauveteur en mer : Afin de porter secours aux personnes en détresse, il met au point une bouée équipée d’un solide filet qui permet à̀ une personne seule de ramener au bord un noyé inconscient ou un nageur en difficulté, désorienté et paniqué.

Sportif accompli, excellent nageur, rugbyman, pratiquant des sports de combat, il choisit de quitter une vie confortable au Maroc pour entreprendre à Paris des études à l’E.F.O.M (École Française d’Orthopédie et de Massage, devenue Fondation EFOM Boris Dolto) pour être diplômé en massage hygiénique et sportif puis en tant que masseur kinésithérapeute en 1949.

Diplôme de Massage Hygiénique et Sportif de l’E.F.O.M obtenu le 23 Juillet 1946

Avec sa future épouse, Christiane Macaux, rencontrée à l’E.F.O.M, ils font partie des premiers diplômés de l’E.F.O.M. Rapidement, en qualité de chef kinésithérapeute il intègre l’hôpital Saint-Antoine, et l’équipe du professeur Maurice Mayer qui pratique la technique alors novatrice de l’accouchement sans douleur.

Son insatiable quête de connaissance pour de tenter de soulager son prochain le mène en Suède à Lillsved afin de suivre des cours de gymnastique suédoise et en Grande-Bretagne, terre de la thérapie manuelle et de l’ostéopathie.

C’est à la faveur d’une conférence sur l’accouchement sans douleur qu’il découvre par hasard l’ostéopathie. Il racontait volontiers cette histoire peut être enjolivée, car dans ses jeunes années, il se plaisait à amuser ses auditeurs et à rajouter un peu de fantaisie aux banals incidents du quotidien. Une médecin désireuse de partager son savoir-faire veut lui montrer comment traiter manuellement le bassin d’une femme enceinte. Au cours du travail pratique, elle le prend comme cobaye et lui déclenche dans l’heure qui suit une crise de sciatique aiguë. Comme souvent, sa première rencontre avec « l’ostéopathie » a été déterminante dans son cheminement personnel. Alors qu’il rentre à l’hôtel, tordu de douleur, une âme charitable lui conseille de consulter un ostéopathe à la British School of Osteopathy (B.S.O). C’est donc à Londres qu’il se fait traiter avec succès pour la première fois en ostéopathie par le directeur de la B.S.O.

Ses séjours en Angleterre lui donne aussi l’occasion de rencontrer un brillant étudiant en ostéopathie en la personne de Eric Twinberrow. Avec lui, il étudie et parfait ses connaissances en ostéopathie. Une longue amitié était née ! Emile sera témoin de son mariage avec Jacqueline sa femme française. Ils resteront en contact toute leur vie.

Dans les années 50, le monde de l’ostéopathie est petit et tous les ostéopathes français se connaissent. C’est ainsi qu’il rencontre Paul Gény qui l’invite à rejoindre la toute jeune Société de Recherches Ostéopathiques (S.R.O.) Mais pour valider ses acquis ostéopathiques et obtenir la qualité de D.O (Diplômé en Ostéopathie) de cette école privée, il faut passer un examen payant portant sur la colonne vertébrale avec un fil à plomb devant le Professeur Padovani, éminent chirurgien et un jury d’ostéopathes. Émile, malgré le respect qu’il porte au professeur Padovani, refuse catégoriquement considérant qu’il a suffisamment fait ses preuves et qu’il n’a pas à passer un examen devant des ostéopathes qui pour certains ont été formés par lui-même et qui en connaissent moins que lui. (Wanono interviews 2003 – 2004)

De son côté, son ami Eric Twinberrow devenu Chairman des ostéopathes au Royaume Unis participe à des nombreux échanges avec les ostéopathes français de la S.R.O de Paul Gény. D’ailleurs, en 1963, il apportera même sa contribution en publiant un article « Le mauvais état de santé – une approche personnelle » dans le numéro 48 Mars – Avril 1963 de La Revue Française d’ostéopathie.

En Grande Bretagne, au cours de son évolution professionnelle, il rencontre John Wernham qui le sollicite en qualité de conférencier dans son école.

Émile Wanono accepte son invitation et porte la parole de l’ostéopathie du sport à Maidstone dans ce qui est devenu aujourd’hui The John Wernham College of Classical Osteopathy. C’est bien la preuve de son talent de praticien car John Wernham revendique une pratique de l’ostéopathie en ligne directe avec celle de John Martin Littlejohn, et il n’était pas connu pour être un personnage facile.

En 1955, Wanono est un des rares professionnels à se revendiquer ostéopathe et ex Masseur–Kinésithérapeute. Il est d’ailleurs le premier non-médecin à publier un livre sur la matière aux éditions Maloine. Scientifique convaincu, il démystifie la manipulation vertébrale en donnant des explications cohérentes, et il écrit à ce propos : « Seuls les empiriques remettent une vertèbre à sa place. De par leurs imbrications articulaires, les vertèbres ne peuvent se démettre qu’en cas de fracture. » (Wanono page 12 1955)

1er livre d’ostéopathie français par un non médecin
La technique ostéopathique démontrée par la photographie.
Édition Maloine 1955

En 1956 il participe à une conférence au Midlands Group de l’Association Ostéopathique d’Angleterre sur la préparation physique et le traitement de la future maman. Il y explique l’influence du diaphragme lors de la phase de l’accouchement sur le système sympathique et parasympathique (La Revue Française d’ostéopathie n°48, Mars – Avril 1963)

Au cours de l’un de ses séjours anglais, il est l’un des premiers ostéopathes français, et peut être même le premier à être initié à l’ostéopathie crânienne par Clem Middleton (1906 – 1984), diplômé de la B.S.O en 1934. Ce dernier, est un ancien élève de John Martin Littlejohn et il a appris l’ostéopathie crânienne auprès de Denis Brookes (Zachary Comeaux 2005). Devenu un pilier de la B.S.O, Clem Middleton enseigne cette nouvelle matière à Emile Wanono lors ses nombreux passages à Londres.

Clem Middleton un pilier de la British School of Osteopathy en 1934,
Formateur de Émile Wanono en ostéopathie crânienne

(Collins Martin 2016)

Toujours avant-gardiste, et bien avant l’arrivée à Paris en 1964, des Américains Harold Magoun, Viola Fryman et Thomas Schooley, Émile Wanono fait découvrir dès 1960 aux praticiens français l’ostéopathie crânienne dans son livre Atlas ostéopathique. Manuel de perfectionnement technique, en y consacrant toute une partie agrémentée de photos. D’ailleurs à ce propos il dit :

« Personnellement j’ai été initié à cette technique en mai 1956 lors d’une de mes conférences en Angleterre par Clem Middleton Professeur d’ostéopathie à la British School of osteopathy. Aussi ai-je attendu quatre années pour mieux assimiler cette curieuse et extraordinaire technique. » (Wanono, page 214. 1960)

En France, ses talents de praticien le font jalouser, et il découvre la difficulté d’exercer l’art ostéopathique. Il est donc poursuivi plusieurs fois pour exercice illégal de la médecine. Malgré un non-lieu, il vit très mal le fait d’avoir été soumis à des interrogatoires et à une perquisition. Cela n’est sans doute pas étranger à sa décision d’exercer partiellement à Milan (Italie) en association avec le médecin de Paul VI. Il y travaillera pendant dix-sept ans.

Devenu un Ostéopathe mondialement reconnu, Émile Wanono soigne les plus grands tant du monde sportif que de la politique et des arts.

Parmi les sportifs, citons plus particulièrement les joueurs de football, Just Fontaine, Raymond Kopa, Luisito Suarez (Ballon d’or), Michel Hidalgo (futur sélectionneur de l’équipe de France) et toute l’équipe de Monaco, les équipes de Reims, Sochaux, Auxerre, de l’Inter de Milan avec Helenio Herrera, le Real de Madrid, ainsi que Jacques Hairabedian (Chamipion d’Europe de boxe) mais aussi Roger Rivière, Louison Bobet pour le cyclisme, Patrick Pera pour le patinage artistique, Nicola Pietrangeli pour le tennis (Double vainqueur de Roland Garros en 1959 et 1960).

Pour les arts, Attilio Labis et Christiane Vlassi, danseurs étoiles de l’Opéra de Paris, Robert Hossein, comédien et metteur en scène, Joe Dassin, Charles Aznavour, Léon Zitrone...

En 1958, Émile Wanono prend en charge les joueurs de l’équipe de France de football en partance pour la coupe du monde en Suède, parmi eux, figure un certain Just Fontaine. Or ce dernier souffre d’une pubalgie et sa participation est incertaine. Pris en charge par « l’homme au mains d’or », le miracle eût lieu, les douleurs disparaissent et Just Fontaine se révèle comme le meilleur buteur de la coupe du monde 1958 avec un record de 13 buts qui à ce jour n’a toujours pas été égalé. La France finit troisième de la compétition.

Symboliquement Just Fontaine remercie les compétences de
Émile Wanono en embrassant sa main qui l’a soigné

Ses résultats exceptionnels font qu’il est surnommé affectueusement « il mago » par la presse sportive italienne, « le sorcier » par les sportifs de haut niveau. Personnage atypique de l’ostéopathie, il a contribué à donner une image valorisante de notre profession. Grâce à lui l’ostéopathie est rentrée dans le monde fermé du sport. En dehors de son activité de professionnel, il s’est efforcé de faire connaître l’ostéopathie en étant auteur de plus de 10 ouvrages sur le sujet. Sollicité par de nombreux éditeurs et par de nombreux de ses collègues il a toujours refusé de les rééditer. Homme de cœur et de conviction, à propos de l’ostéopathie française, il disait : « Tout m’invite à la neutralité et je ne désire pas donner mon avis sur la question ! ».

Au-delà de la relation thérapeutique, il tisse des liens personnels avec certains patients. Par exemple Jacques Hairabedian devient le parrain de sa fille cadette Nadine, et entre Jacques Chaban-Delmas (Président de l’Assemblée Nationale et Premier Ministre) et lui, se noue une amitié sincère.

C’est peut-être cette amitié qui le mène à s’engager dans la vie sociale et politique tout d’abord dans le Var où, ému par le sort des personnes âgées vivant d’une maigre retraite dans une région où les prix flambent à la belle saison, il fait campagne en leur faveur et alerte les pouvoirs publics.

En compagnie de Jacques Godet, alors directeur du Journal L’Équipe et du Tour de France, il y mène ensuite une campagne municipale dans le but de promouvoir cette cause qui lui est chère. Puis c’est à Boulogne-Billancourt où son épouse et lui exercent sous le nom de Wanono-Macaux, elle, la kinésithérapie et lui, l’ostéopathie, qu’il est élu en tant que Conseiller municipal de Georges Gorse. Il s’implique à nouveau en faveur des personnes âgées et parvient à obtenir l’allocation de solidarité aux personnes âgées la plus élevée du pays.

Sa lutte contre la douleur, pour la dignité, s’étend aussi à la souffrance animale : À l’âge de 40 ans, il décide de devenir végétarien afin de ne pas participer aux sévices infligés aux animaux. `

Par ailleurs, jusqu’à la fin de sa vie, il n’a cessé de lire et d’étudier.

Lui qui disait que l’on doit apprendre l’anatomie complète du corps humain sept fois au cours d’une vie de praticien, avait diversifié le champ de ses recherches et s’était attelé à une étude approfondie de la physiologie cellulaire, ayant l’intuition que c’est peut-être du côté de la structure de la membrane cellulaire que l’on pouvait trouver un moyen d’aborder les mécanismes à l’œuvre dans la propagation des cellules cancéreuses.

Il s’est également essayé à l’écriture historico-romanesque (sur Raspoutine, sur le sort réservé aux Japonais vivant aux États-Unis après l’attaque sur Pearl Harbour...)

Autant de qualités et d’engagements qui lui valurent de recevoir de nombreuses distinctions. Émile Wanono fut commandeur des Palmes Académiques, Chevalier de l’ordre du Mérite de la République italienne, Sociétaire des Gens de lettres de France et médaillé d’honneur pour Actes de courage et de dévouement. Homme d’engagement, et même s’il est un ostéopathe convaincu, il restera néanmoins solidaire de la kinésithérapie. D’ailleurs, il sera Président des Masseurs Kinésithérapeutes Ostéopathes de France, et donnera des cours aux kinésithérapeutes aveugles. Plusieurs de ses ouvrages ont été traduits en braille.

Toujours alerte et passionné, il a continué de travailler jusqu’à l’âge de 86 ans au 197 Boulevard Jean Jaurès 92100 Boulogne Billancourt. En 2005 il cesse définitivement son exercice pour aller se reposer dans sa résidence secondaire des Salins dans le Var. Il s’éteint paisiblement le 24 novembre 2007.

Excellent praticien, personnage charismatique, il a contribué à donner à l’Ostéopathie du Sport ses lettres de noblesse. Un bel hommage lui a été rendu, en son temps le 8 mai 1964, par Eric Twinberrow, Président de l’Osteopathic Association of Great Britain :

« La France a de la chance de posséder un homme de la trempe de mon ami et confrère Émile Wanono dont l’intelligence est toujours à la vérité, et qui grâce à ses mains a pu soulager et guérir des milliers de gens. »

Plus tard, le 14 aout 2009, Robert Perronneaud-Ferré, premier président et membre fondateur du Registre des Ostéopathes de France (R.O.F) déclare

« C’était un grand qui a donné des parts de son immense savoir et de sa gentillesse à plusieurs kinésithérapeutes, dont je fus. Il m’a ouvert la porte de l’Ostéopathie me permettant ainsi de créer le Registre des Ostéopathes de France en 1981. Ses livres sont toujours d’actualité et il est dommage que la réédition n’ait jamais été envisagée. J’aurais aimé pouvoir en faire une compilation pour le plus grand profit des jeunes générations d’ostéopathes. »


Livres principaux de Émile Wanono


- La technique ostéopathique démontrée par la photographie. Édition Maloine 1955

- Traumatismes sportifs : Leurs traitements manuels. Préface Dr Jean Carle Secrétaire Général du Comité Olympique Français. Éditions Maloine 1956

- Atlas ostéopathique Manuel de perfectionnement technique. Édition Maloine 1960 (1000 exemplaires)

- Ligaments et vertèbres, Massages ou craquements ? Éditions Maloine 1968

- Comment garder la forme sans vraiment se fatiguer. Éditions Solar 1971

- Synthèse des techniques thérapeutiques vertébrales, ostéopathie, chiropractic, chirothérapie. Édition Maloine 1977

- La vertébrothérapie et les massages. Éditions Famot 1977

- 101 Trucs contre le mal de dos. Éditions Hachette 1980

- Le magnétisme. Éditions Ramsay – Image 1980

- Conservez votre jeunesse grâce à la gym – les exercices de longévité. Éditions Solar 1983

- 500 Conseils du kinésithérapeute pour votre dos. Éditions Josette Lyon 1992

- Un bon dos pour la vie. Éditions Josette Lyon 2000



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