Étude réalisée par Anne-Dominique Clermont et Clément de Brugada
Enseignants – Ostéopathes
Introduction
Les techniques médiastinales sont utilisées dans différents traitements en thérapie manuelle : action sur le drainage lymphatique mais également action sur le péricarde, sur l’œsophage, sur le nerf vague (1) (2) (3) (4).
La technique de “pompe lymphatique du médiastin” (AMLPM, Active manual lymphatic pumping of the mediastinum du Docteur Miller ou « thoracic pump technique ») est souvent décrite et a un effet objectivé sur le drainage lymphatique mis en évidence dans des études chez l’animal (5) (6). Mais La technique de pompe médiastinale montre un résultat délétère sur des mesures évaluant la respiration chez les patients présentant des pathologies bronchiques. Elle favoriserait les spasmes bronchiques et le volume d’air non mobilisé (7) (8) (9) .
L’effet sur la respiration de la technique de pompe médiastinale n’a pas été testé sur une population sans pathologie avérée.
Elle pourrait comme chez les patients souffrant d’une pathologie bronchique avoir un effet délétère sur la respiration. Il faudrait alors en tenir compte dans ses indications.
Elle pourrait a contrario améliorer les mesures spirométriques des patients dont l’appareil bronchique est sain. Cet effet pourrait être lié à l’amélioration de la compliance de la cage thoracique (10) (11) (12), à une action sur le nerf phrénique, ou sur le système neurovégétatif (nerf vague ou ganglions sympathiques thoraciques).
L’efficacité d’une technique sur le diaphragme a déjà été évaluée sur une population en bonne santé avec des effets notables objectives par spirométrie (13).
Cette étude a pour objet de tester les effets respiratoires de la technique de pompe médiastinale sur une population sans pathologie avérée. Deux mesures spirométriques(14) (15), le volume expiré à la première seconde (VEMS1) et du débit expiratoire de pointe (DEP), seront comparées avant et après la technique.
Matériel
Population
Étudiants en ostéopathie âgé entre 21 et 39 ans acceptant de participer à l’étude.
Condition d’inclusion
– Ne pas présenter de pathologies bronchiques ou pulmonaires : bronchite, asthme, infection ORL…
– Pas d’incident cardiaque dans le mois précédent
Conditions dans lesquelles les mesures et la technique sont effectuées
– Pas de repas lourd 2 heures avant l’examen
– Pas de tabac 1 heure avant l’examen
– Pas d’alcool 4 heures avant l’examen
– Pas d’exercice physique intense 30 minutes avant l’examen
– Pas d’habit trop serré
– Absence de douleur abdominale, thoracique ou faciale importante
Tableau présentant la population de notre étude
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Appareil de mesure
Spiromètre Débimètre Electronique Portable ASMA-1 Vitalograph
Le spiromètre débitmètre électronique Vitalograph Asma-1 est un instrument pour le dépistage précoce de l’obstruction bronchique.
Le spiromètre débitmètre électronique Vitalograph Asma-1 mesure :
– Le Débit Expiratoire de Pointe pendant les premières six secondes de l’expiration (DEP) avec une précision de +/- 10%
– Le Volume Expiré Maximum à la première seconde de l’expiration ( FEV1 VEMS) avec une précision de +/- 3%
Un indicateur de qualité équipe le spiromètre débitmètre électronique Vitalograph Asma-1. Cet indicateur invite le patient à renouveler le test en cas de toux ou de souffle suspect.
Les spécifications précisées dans la déclaration de de conformité sont respectées et notamment l’éloignement de tout appareil électro-magnétique pouvant interférer avec les mesures.
Mesures
Les mesures seront prises en essayant de respecter au mieux les guidelines (15) et les conseils (16) et en les adaptant au matériel utilisé pour l’étude.
Position du patient (photo)
Position de test
– Assis sur une chaise, ceinture ouverte, pantalon desserré, col ouvert
– Dos légèrement décollé du dossier
– Bras reposant sur les accoudoirs (photo)
– Membres inférieurs non croisés, pieds au sol
Mesures relevées :
– DEP
– VEMS 1 (FEV1)
Méthode de mesure
1. Inspiration maximale sans avoir l’embout en bouche (pour diminuer le risque de contamination croisée)
2. Expiration dans le spiromètre :
– bouche étanche autour de l’embout (éviter les fuites)
– sans l’obstruer par la langue
– expiration d’emblée maximale, le plus fort et le plus longtemps possible
Critères d’évaluation de la fiabilité de la manœuvre de mesure
– L’effort fourni par le patient est maximal
– L’effort fourni est reproductible trois fois
– Différence de 150 ml au maximum entre les deux plus grands VEMS
Comparaison
Sur les 3 mesures répétées, les valeurs les plus hautes du VEMS et du DEP seront retenues.
La comparaison se fera entre les mesures prises avant et après la technique.
Technique sterno-médiastinale d’ampliation thoracique
Technique
Différentes techniques médiastinales et positions de mains sont répertoriées dans les livres français sur l’ostéopathie (3) (2) (4).
La technique de pompe médiastinale (7) adaptée et renommée : “technique sterno-médiastinale d’ampliation thoracique” sera réalisée comme décrit ci-dessous :
Patient
Patient, torse nu, en décubitus, bras le long du corps.
Praticien
– Debout en fente latérale à droite du patient
– Main gauche : Talon de la main placé au niveau de l’angle de Louis du sternum doigts dirigés en direction de l’appendice xiphoïde.
– Main droite : Paume de la main sur la main gauche, doigts dirigés obliquement à 45° vers l’épaule gauche du patient.
Technique
Le praticien se positionne bras tendus buste à l’aplomb de ses paumes de main. Il exerce une pression postérieure avec ses deux mains par déport de son centre de gravité antérieurement et la maintient. Il demande alors au patient d’effectuer en respiration buccale trois cycles respiratoires : trois fois une inspiration suivie d’une expiration.
Lors de l’inspiration le praticien conserve la mise en tension, à chaque expiration le praticien va gagner en mise en tension postérieure. Lors du début de l’inspiration qui suit la troisième et dernière expiration, le praticien va relâcher promptement la mise en tension (relâchement de type recoïl).
Les praticiens réalisant la technique pour l’étude ont au préalable harmonisé leur pratique.
Méthode
Remise d’un questionnaire
Demander au sujet de remplir un questionnaire concernant :
– Les affections pulmonaires, bronchiques ou ORL
– Son statut de fumeur ou non
– Ses habitudes sportives
– Seront également demandés son genre, taille, poids, âge….
Les patients ne remplissant pas les critères d’inclusion sont exclus.
Test spirométrique Pré intervention
Les critères d’inclusion sont vérifiés par l’examinateur (pas de repas lourd dans les 2h précédent, pas de cigarette ou d’exercices physiques dans la demi-heure qui précède l’expérimentation). Les appareils électroniques sont éloignés à plus de 3m pour éviter toute interférence (comme préconisé pour ce type d’appareil de mesure).
Le sujet est positionné dans la position de référence pour la réalisation des tests : ceintures enlevées, col ouvert….
3 mesures sont effectuées successivement et notées immédiatement.
Les 3 mesures sont ensuite reportées dans un tableau Excel.
Réalisation de la technique
La technique et les mesures sont réalisés dans une salle dédiée (Salle 5) au sein de l’école d’ostéopathie ISO Paris. Le matériel utilisé et le réglage du chauffage seront identiques lors des 2 sessions de mesures.
Test spirométrique Post intervention
Le sujet est positionné dans la position de référence pour la réalisation des tests.
Les mesures sont effectuées 3 minutes après la réalisation de la technique
3 mesures sont effectuées successivement.
Les mesures sont notées puis reportées dans un tableau Excel.
Plan de l’étude
Résultats
Tableau présentant l’ensemble des résultats de l’étude
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Analyse
Tableau présentant l’évolution des résultats avant et après la technique
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Les différences entre les DEP max et les VEMS max avant et après la techniques sont calculés en pourcentage. Seuls les résultats faisant état d’une variation supérieure à la précision de l’appareil sont retenus dans un 2e temps.
Après avoir effectué la technique, le DEP a en moyenne évolué de 1,9 L/mn avec un écart type, de 54.1. Nous pouvons observer une très grande dispersion des résultats. Nous avons effectué un test statistique du signe, ce test est non-paramétrique et compare deux séries de mesures ordinales non-appariées. Ce test est effectué via le logiciel Anastat. A ce test la p-value est égale à 0,5. L’ensemble de ces résultats analysés ne permet pas de conclure en l’efficacité de cette technique sur le DEP.
Le VEMS a en moyenne évolué de 0,034 L/s avec un écart type de 0,24. Nous avons comme pour le DEP une grande dispersion des résultats. A ce même test de signe, p-value égale 0,30. Comme pour le DEP nous ne pouvons pas conclure en faveur de l’efficacité de cette technique médiastinale sur le VEMS.
Nous avons ensuite analysé les résultats par catégories :
– fumeur / non-fumeur,
– non-sportifs / sportifs (d’après l’OMS une personne doit faire au moins trois heures de sport hebdomadaire pour être sportive),
– sexe,
– IMC.
Aux vues des résultats statistiques inférentielles, nous ne pourrons faire que des observations liées à cette étude par catégories.
Ce diagramme nous permet d’observer que le sexe n’a que très peu d’influence sur l’efficacité de la technique. Cependant nous observons également que la technique est plus efficace sur la variation du DEP chez les sportifs, les non-fumeurs, et chez les sujets avec un IMC inférieur ou égal à 25. A l’inverse la technique semble délétère pour le DEP chez les non-sportifs et les sujets avec un IMC supérieur à 25.
Nous avons ensuite réalisé une analyse en fonction de ces mêmes catégories par rapport à l’évolution du VEMS suite à la technique étudiée
Nous pouvons observer que la technique semble avoir été plus efficace sur le VEMS pour les fumeurs, les sportifs, les sujets avec un IMC inférieur ou égal à 25 ainsi que pour les sujets ayant été testés le 17/12/2020. A l’inverse la technique a été plutôt délétère pour les autres catégories.
Discussion
Cette étude ne permet pas de conclure sur un effet positif ou négatif sur la respiration de la technique de pompe médiastinale sur une population sans pathologie avérée. Il apparait tout de même que la technique serait plus profitable pour certains types de patients : patients sportifs et ayant un IMC inférieur ou égal à 25. La technique pourrait donc être utilisée sans restriction sur cette population.
Les mesures concernent uniquement les flux. La mesure de la Capacité Vitale Forcée permettrait d’objectiver un effet éventuel sur les volumes.
Les effets mesurés le sont à court terme. Il reste à déterminer si un effet à plus long terme existe.
Références
1. Barral J-P. Le thorax : manipulations viscérales. Paris: Elsevier; 2005.
2. Paoletti S. Les fascias : rôle des tissus dans la mécanique humaine. Vannes: Ed. Sully; 2012.
3. Curtil P, Métra A. Traité pratique d’ostéopathie viscérale. Paris: Ed. Frison-Roche; 1997.
4. Mercier P. Chapitre 6 – « Le médiastin ». In: Mercier P, éditeur. Ostéopathie de la cage thoracique [Internet]. Paris: Elsevier Masson; 2008 [cité 22 févr 2020]. p. 89‑101. Disponible sur: http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/B9782842999773500074
5. Knott EM, Tune JD, Stoll ST, Downey HF. Increased lymphatic flow in the thoracic duct during manipulative intervention. J Am Osteopath Assoc. oct 2005;105(10):447‑56.
6. Hodge LM. Osteopathic lymphatic pump techniques to enhance immunity and treat pneumonia. Int J Osteopath Med IJOM. mars 2012;15(1):13‑21.
7. Bordoni B. Lymphatic Pump Manipulation in Patients with Chronic Obstructive Pulmonary Disease. Cureus [Internet]. 2019 [cité 20 oct 2019];11(3). Disponible sur: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6510565/
8. Cicchitti L, Martelli M, Cerritelli F. Chronic Inflammatory Disease and Osteopathy: A Systematic Review. d’Acquisto F, éditeur. PLOS ONE. 17 mars 2015;10(3):e0121327.
9. Noll DR, Degenhardt BF, Johnson JC, Burt SA. Immediate effects of osteopathic manipulative treatment in elderly patients with chronic obstructive pulmonary disease. J Am Osteopath Assoc. mai 2008;108(5):251‑9.
10. Tomruk M, Keleş E, Özalevli S, Alpaydin AÖ. Effects of thoracic kinesio taping on pulmonary functions, respiratory muscle strength and functional capacity in patients with chronic obstructive pulmonary disease: A randomized controlled trial. Explore N Y N. 18 sept 2019;
11. Engel R, Grace S, Broadbent S. The effect of manual therapy and exercise on age-related lung function: study protocol for a randomised controlled trial. Trials [Internet]. 13 mars 2019 [cité 24 nov 2019];20. Disponible sur: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6417040/
12. Yilmaz Yelvar GD, Çirak Y, Demir YP, Dalkilinç M, Bozkurt B. Immediate effect of manual therapy on respiratory functions and inspiratory muscle strength in patients with COPD. Int J Chron Obstruct Pulmon Dis. 20 juin 2016;11:1353‑7.
13. González-Álvarez FJ, Valenza MC, Cabrera-Martos I, Torres-Sánchez I, Valenza-Demet G. Effects of a diaphragm stretching technique on pulmonary function in healthy participants: A randomized-controlled trial. Int J Osteopath Med. 1 mars 2015;18(1):5‑12.
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