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Rapport 2023 de l’IGAS

mercredi 24 mai 2023 par Jean Louis Boutin

Évaluation de la procédure d’agrément et des capacités d’accueil des établissements de formation en ostéopathie et en chiropraxie et propositions d’évolution

Auteurs : Claude GADY-CHERRIER, Françoise ZANTMAN (inspection générale des affaires sociales)


Télécharger le rapport de l’IGAS n°2021-095R


 Synthèse


1. Par lettre de mission du 26 octobre 2021, le Ministre des Solidarités et de la Santé, a chargé l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) d’une évaluation du processus de délivrance de l’agrément des écoles de formation initiale et continue en ostéopathie et chiropraxie, suite au non-renouvellement de l’agrément de neuf écoles d’ostéopathie. Ces professionnels suivent un cursus spécifique de cinq ans dans des écoles privées agréées par l’Etat depuis que la loi Kouchner de 2002 a ouvert l’usage du titre d’ostéopathe aux professionnels non-médecins. Cette loi ne reconnaît pas les professionnels exerçants exclusivement l’ostéopathie (dits exclusifs) comme des professionnels de santé réglementés au livre III de la quatrième partie du code de la santé publique.

2. Créées au XIXe siècle aux États Unis, l’ostéopathie et la chiropraxie font partie du champ des médecines intégratives, encore appelées thérapies complémentaires, alternatives ou non conventionnelles. Près de 197 000 ostéopathes exerceraient à travers le monde. Leur essor en France date du milieu du XXe siècle. Si la majorité des pays reconnaît l’ostéopathie, peu ont réglementé son exercice. De statut variable, les ostéopathes peuvent être obligatoirement médecins (Etats Unis et Russie), auxiliaires médicaux (Espagne) ou ostéopathes exclusifs (Royaume Uni, Pays Bas ...). Dans de nombreux pays (Allemagne, Italie ...) cohabitent des ostéopathes ayant une formation initiale de professionnel de santé et des ostéopathes issue d’une formation spécifique.

3. En France, jusqu’en 2002, seuls les médecins pouvaient exercer l’ostéopathie. Le conseil de l’ordre des médecins reconnaît plusieurs diplômes universitaires permettant aux médecins de se prévaloir du titre d’ostéopathe. La loi Kouchner de 2002 a ouvert le champ de l’exercice de l’ostéopathie en faisant cohabiter des ostéopathes médecins, des auxiliaires médicaux et des non professionnels de santé. En 2011, un décret a défini les conditions d’exercice de la chiropraxie et en a organisé la formation à l’identique de celle des ostéopathes. A de très rares exceptions près, les chiropracteurs ne sont pas des professionnels de santé.

4. La France se singularise depuis deux décennies par une démographie très dynamique des ostéopathes qui la place au premier rang mondial en termes de densité et de progression. On peut estimer à 15 000 le nombre d’ostéopathes exclusifs. Une estimation haute évalue à 10 000 le nombre de professionnels de santé réalisant des actes d’ostéopathie, majoritairement de masseurs kinésithérapeutes. Sous ces réserves, la densité globale des ostéopathes peut être estimée à 42/100 000 habitants, alors qu’elle est de 34/100 000 aux Etats Unis et de 8/100 000 en Allemagne et au Royaume Uni. Les chiropracteurs seraient environ 1300 à exercer.

5. Dans le même temps on assiste à une évolution constante du nombre d’ostéopathes en formation : la DGOS fait état de 10 300 étudiants en formation dans les 31 écoles en 2020, et de 1 831 diplômés en 2021. Si les capacités maximales étaient atteintes, ce serait plus de 2 300 ostéopathes qui pourraient être diplômés chaque année à partir de 2026. La capacité de la seule école de chiropraxie est de 1 000 places. Elle diplôme 200 étudiants par an.

6. Les nombreuses investigations de la mission menées auprès de l’ensemble des membres de la commission consultative nationale d’agrément (CCNA), chargée de donner un avis au ministre chargé de la santé sur l’agrément des écoles d’ostéopathie, des représentants des professionnels ostéopathes et chiropracteurs quel que soit leur exercice, des universitaires, des ordres professionnels, des personnes qualifiées, d’opérateurs nationaux et régionaux et de ses déplacements sur site ont confirmé une réalité sociale et démographique préoccupante.

7. L’étude des rémunérations des ostéopathes exclusifs témoigne de revenus modestes, inférieurs au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) pour la moitié d’entre eux, comparables à ceux des psychologues, avec une paupérisation des jeunes diplômés, qui contraint certains à cumuler plusieurs emplois voire à renoncer à leur activité d’ostéopathe. Le revenu moyen des chiropracteurs se situe à un niveau légèrement supérieur de celui des ostéopathes.

8. Devant l’augmentation incontrôlée de la démographie et les difficultés d’insertion professionnelle, la mission recommande une réduction du capacitaire de formation sur les cinq prochaines années. Elle préconise de fiabiliser les données tenant à la délivrance des diplômes et aux conditions d’exercice des ostéopathes et des chiropracteurs pour permettre la publication régulière d’atlas démographiques des ostéopathes et des chiropracteurs.

9. En France l’ostéopathie est la médecine complémentaire la plus répandue. La situation particulière de ces professionnels, en accès direct pour la population, issus de formations hétérogènes qui partagent un même titre entretient une confusion qui nuit à l’information des usagers. La place de ces professionnels dans le système de santé est un enjeu majeur pour une profession en évolution dans un contexte de restructuration de l’offre de soins. Si les actes d’ostéopathie et de chiropraxie ne sont pas remboursés par l’assurance maladie, de nombreux organismes d’assurance maladie complémentaire les prennent en charge, le plus souvent sous forme de forfait. Le respect d’une prise en charge coordonnée des usagers doit inviter les pouvoirs publics à revisiter les rôles dévolus à chacun des professionnels.

10. L’activité de ces professionnels est encadrée par des référentiels de compétences mais il n’existe aucune étude d’envergure évaluant leur activité réelle. Plusieurs universitaires alertent sur les dangers potentiels de ces activités non contrôlées, d’autant que l’élargissement constaté du périmètre d’exercice de certains ostéopathes et chiropracteurs n’est pas sans conséquence sur la prise en charge des patients. Il est de ce fait primordial que l’exercice de ces professionnels puisse faire l’objet de travaux de recherches scientifiques visant à mieux connaître et évaluer la pratique.

11. La mission a développé une partie du rapport afin d’objectiver une certaine réalité qui reste malgré tout difficile à mesurer. Elle formule deux recommandations essentielles, la mise en place d’une commission nationale chargée de décrire et d’évaluer les pratiques et la mise en place d’un registre des accidents graves consécutifs à ces pratiques.

12. L’agrément par le ministre en charge de la santé des établissements privés formant ces professionnels repose sur un avis préalable délivré par une commission consultative nationale d’agrément (CCNA) dont le secrétariat est assuré par la direction générale de l’offre de soins (DGOS). La procédure est déclarative.

13. En 2010, devant le constat d’une insuffisance de qualité de la formation, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) préconisait un renforcement de la procédure d’agrément. Ces propositions ont été à l’origine d’une amélioration sensible du dispositif. Toutefois, ces avancées se sont montrées insuffisantes et, en 2021, neuf écoles se sont vu refuser leur demande de renouvellement d’agrément. Du fait de l’épidémie de la Covid-19, les décisions sont arrivées trop tardivement pour permettre aux élèves de ces écoles d’être accueillis dans d’autres établissements dès la rentrée 2021-2022. Aussi leur agrément a été prolongé d’un an, sous réserve de mise en conformité.

14. La formation dispensée par certaines écoles d’ostéopathie ne répond pas aux critères d’exigence. L’appréciation de la conformité à la réglementation de plusieurs critères s’avère complexe. Il s’agit en particulier de la qualification des enseignants et de leur temps de présence dans l’école, de la mise à disposition de locaux suffisants au regards de l’effectif des élèves et de la capacité de la clinique interne à proposer le nombre de consultations requises par étudiant.

15. Le caractère déclaratif des éléments produits ne permet pas de s’assurer du respect de certains critères pourtant essentiels touchant en particulier à la pédagogie et au niveau des compétences professionnelles acquises lors des pratiques cliniques internes et externes. Seule une vérification sur site permettrait une évaluation fiable de ces critères. Cette absence de réelle possibilité de valider la qualité de la formation dispensée a pour conséquence la délivrance de diplôme d’école sanctionnant des acquis variables avec des impacts sur la qualité des pratiques et sur la sécurité des usagers.

16. Par ailleurs, le constat des difficultés persistantes au niveau de la procédure d’agrément amène la mission à proposer une révision du fonctionnement de la CCNA touchant à sa composition, à des aspects calendaires, à la formation de ses membres, à des évolutions des outils informatiques et à une standardisation des dossiers. La mission préconise qu’une déconcentration d’une partie de l’instruction du dossier d’agrément nécessitant un contrôle sur site soit portée par les agences régionales de santé (ARS).

17. Concernant l’amélioration des pratiques pédagogiques, la mission estime que des évolutions réglementaires sont nécessaires, notamment sur les attendus de la formation pratique dans les cliniques internes et les stages extérieurs, mais aussi sur le rôle confié au conseil pédagogique qui pourrait voir sa présidence confiée aux ARS. La mission considère que l’introduction d’une unité d’enseignement spécifique d’initiation à la à la recherche, est de nature à porter ces formations aux attendus de l’enseignement supérieur. Une révision de la maquette de formation est à envisager, en rééquilibrant les volumes horaires de certaines matière comme l’anatomie.

18. La mission a pu observer que la collaboration entre le ministère chargé de la santé et des solidarités et le ministère de l’enseignement supérieur de la recherche et de l’innovation était assez limitée. Un rééquilibrage du rôle des acteurs serait de nature à mieux intégrer les expertises de chacun. Par ailleurs elle suggère l’introduction d’objectifs de qualité dans les critères de l’agrément, qui pourraient s’inspirer des outils utilisés dans l’enseignement supérieur. Un rapprochement avec l’université est encouragé sous forme de conventionnements. L’introduction d’une certification indépendante est préconisée.

19. L’agrément des écoles de formation, délivré par le Ministre en charge de la santé, doit garantir la qualité de la formation. Afin d’assurer cet engagement, la mission considère comme prioritaire le contrôle des contenus des enseignements dispensés et l’ouverture de son fonctionnement à des regards extérieurs. Elle alerte sur les dérives possibles au sein de certaines écoles au fonctionnement très internalisé, avec des enseignements doctrinaires, excluant la collaboration avec les autres professionnels

20. En 2002, le législateur a fait le choix de ne pas attribuer un statut de professionnel de santé aux ostéopathes et aux chiropracteurs, en organisant un cadre moins exigeant pour les écoles de formation en ostéopathie et en chiropraxie et pour l’exercice de ces professionnels, qui ne permet pas de garantir la qualité des diplômes et, in fine, la sécurité des usagers.

21. La mission soutient un scénario de renforcement de la procédure d’agrément parallèlement à une évolution réglementaire du dispositif de formation et de validation du diplôme, sans exclure d’autres scénarii inspirés pour certains de comparaisons internationales. Ainsi, afin de garantir la qualité des diplômes délivrés, le cursus de formation pourrait être sanctionné par la validation d’un examen final dont le jury comporterait des membres extérieurs à l’école. La gestion de cet examen pourrait être confiée à une autorité indépendante et organisé régionalement ou nationalement, comme c’est le cas en Allemagne et en ostéopathie animale en France. De manière plus radicale, à instar du modèle anglais, la gestion de la formation et de l’exercice de l’ostéopathie, voire de la chiropraxie, pourrait être entièrement confiée à un organisme ayant délégation de service public. Sous réserve d’une évaluation de ces pratiques, l’intégration de dispositions spécifiques aux ostéopathes et chiropracteurs au livre III du code de la santé publique, à l’instar d’autres professions de santé récemment réglementées, sans pour autant changer les caractéristiques de leur exercice, ouvrirait des possibilités de réguler la démographie de ces professionnels, de s’assurer de la qualité de la formation et de sécuriser les pratiques. La période de cinq ans, ouverte en 2021, entre deux campagnes d’agrément est une opportunité pour engager ces chantiers, parallèlement à celui de l’évaluation des pratiques.


 Recommandations de la mission


À la suite de cette synthèse le rapport de l’Igas propose un certain nombre de recommandations par catégorie avec l’ordre de priorité (1, 2), l’autorité responsable et l’échéance à réaliser. Nous reproduisons ici ces recommandations et entre parenthèses successivement : la priorité, le ou les autorités responsables et la date d’échéance

Exercice

  • Organiser le recueil et mettre en place un registre des accidents graves consécutifs à des actes d’ostéopathie et de chiropraxie (2 – MSS – 2023)

  • Mettre en place une commission nationale chargée de décrire et d’évaluer les pratiques des ostéopathes et des chiropracteurs (2 – MSS, HAS – 2023)

  • Démographie

  • Standardiser et consolider les enquêtes d’insertion réalisées par les écoles d’ostéopathie et de chiropraxie et publier annuellement une synthèse nationale incluant les médecins nouvellement titulaires d’un diplôme universitaire en ostéopathie (1 – MSS – 2023)

  • Élaborer un atlas démographique fiabilisé, régulièrement mis à jour, des ostéopathes et des chiropracteurs en exercice (1 – MSS/DRESS – 2022)

  • Commission Consultative Nationale des Agréments

  • Engager une collaboration effective entre le ministère en charge de la santé et le ministère en charge de l’enseignement supérieur de la recherche et de l’innovation sur des positions communes relatives au contrôle effectif de la formation des ostéopathes et des chiropracteurs (1 - MSS/MESRI – 2022)

  • Adapter le cadre juridique afin d’arrêter d’ici à quatre ans une réduction du capacitaire des écoles en adéquation avec les besoins estimés en ostéopathes (1 – DGOS – 2022)

  • Modifier le calendrier de dépôt des demandes afin de permettre à la CCNA de rendre au ministre les avis de renouvellement d’agrément l’année précédant la fin de l’agrément (1 – DGOS – 2022)

  • Proposer à tout nouveau membre de la CCNA une formation portant d’une part sur le rôle et les engagements des membres et d’autre part sur les critères d’agrément (1 - DGOS – 2022)

  • Faire obligation aux écoles de demander une augmentation capacitaire à la CCNA avant toute ouverture de classes préparatoires (1 - MSS/MESRI – 2022)

  • Élargir la composition de la CCNA à un autre membre du ministère en charge de l’enseignement supérieur de la recherche et de l’innovation et à des personnalités qualifiées et accroître ses compétences pour la faire évoluer vers une instance technique de référence (1 - MSS/MESRI – 2022)

  • Améliorer l’accès et l’ergonomie de la plate-forme informatique AEO utilisée par les membres de la CCNA et standardiser la présentation des dossiers de demande d’agrément ou de renouvellement (1 - MSS – 2022)

  • Déterminer les critères prioritaires à vérifier sur site par l’ARS et élaborer un questionnaire permettant de recueillir les informations utiles (1 - DGOS/CCNA – 2022)

  • Agrément

  • Préciser les attendus qualitatifs et quantitatifs de la formation pratique clinique et de son organisation en faisant évoluer l’article 18 du décret du 12 septembre 2014 relatif à l’agrément des établissements de formation en ostéopathie (1 - MSS/MESRI – 2022)

  • Déconcentrer une partie de l’instruction du dossier d’agrément en confiant aux ARS en particulier la validation des critères nécessitant une visite sur site (1 - MSS/MESRI – 2022)

  • Confier à l’ARS la présidence du conseil pédagogique et renforcer la composition de ce conseil par une représentation systématique de l’ensemble des coordonnateurs de promotion et des tuteurs de stage (1 - MSS/MESRI – 2022)

  • Introduire dans l’agrément une charte d’encadrement des étudiants pour les stages extérieurs précisant les grands principes communs à tous les stages (1 - CCNA – 2022)

  • Renforcer le critère d’agrément portant sur les stages extérieurs en prévoyant des conventions comportant des objectifs et des critères d’évaluation précis et spécifiques (1 - MSS/MESRI – 2022)

  • Ajouter aux critères d’agrément l’obligation de fournir une cartographie des terrains de stage extérieurs conforme à la réglementation (1 - MSS/MESRI – 2022)

  • Mettre en place un programme de contrôle systématique des écoles d’ostéopathie et de chiropraxie réalisé par les ARS (2 - MSS - 2023)

  • Formation

  • Inciter les écoles d’ostéopathie et de chiropraxie à mettre en place une certification réalisée par un organisme extérieur indépendant sur des critères définis par la CCNA (2 - MSS/MESRI – 2023)

  • Systématiser la traçabilité des résultats de validation des acquis dans les outils de suivi de l’étudiant (1 - MSS/MESRI – 2022)

  • Mettre en place un examen diplômant avec la participation de jurés extérieurs indépendants (1 - MSS/MESRI – 2022)

  • Intégrer une unité d’enseignement à l’initiation à la démarche de recherche (1 - MSS/MESRI – 2022)

  • Caractériser des objectifs de qualité à introduire dans la partie pédagogique des dossiers de demande ou de renouvellement d’agrément en s’inspirant de modèles utilisés à l’université (HCERES) (1 - DGOS/CCNA – 2022)

  • Systématiser un enseignement incluant des interventions sur les collaborations interprofessionnelles au service d’un parcours coordonné du patient (1 - MSS/MESRI – 2022)

  • Encourager des rapprochements avec les universités de la région académique, sous forme de conventionnements qui définissent les modalités d’intervention de l’université (2 - MSS/MESRI - 2023)


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