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Parésie spastique des jarrets ou trouble de la FTM ?

La génisse qui a grandi trop vite ! - Claude CAZAUBON
 
Créé le : mardi 16 novembre 2010 par Claude Cazaubon

Dernière modificaton le : vendredi 8 décembre 2017

Nous connaissons tous, dans notre pratique vétérinaire courante des « syndromes » ou maladies, connus depuis longtemps et regroupant un ensemble de symptômes variés, bien référencés. Ces syndromes, souvent graves, présentent l’avantage de mettre un mot, un diagnostic, sur des pathologies d’apparence complexe, souvent orphelines de traitement allopathique. Les noms donnés à ces syndromes reprennent le plus souvent les symptômes observés sur l’animal, mais pas toujours, comme dans le cas du syndrome d’Hoflund (arrêt de la rumination ou rumination incomplète, bien connu chez les bovins).

La parésie spastique des jarrets des veaux est aussi un de ces syndromes.
Comme son nom l’indique, il s’agit donc d’une parésie avec spasmes des postérieurs intervenant sur les veaux.
On peut trouver dans la presse vétérinaire une bibliographie sur cette pathologie ; voir article « l’évolution récente de la parésie spastique du veau » dans l’hebdo vétérinaire n°176, 21 février 2006.
Il apparaît que ce syndrome affecte toutes les races de bovins mais surtout le Blanc Bleu Belge. Une transmission génétique de la maladie n’est pas exclue. L’étiologie n’est pas davantage connue.
Quant au traitement proposé, il s’agit de névrectomie ou ténectomie des postérieurs orientées selon les groupes musculaires touchés.
Le pronostic après traitement chirurgical est alors très variable (de la guérison à l’euthanasie).
On voit donc que les causes de ce syndrome, comme souvent, restent très floues. Les causes étant floues, il devient donc difficile de prévenir et de guérir, et surtout de comprendre.
Comprendre pourquoi, tout d’un coup, si l’on met de côté l’éventuel problème génétique, un veau normal développe un syndrome si grave.

Mon collègue est appelé en mai 2010 pour consulter une génisse née en janvier avec un comportement très anormal d’apparition subite.
Cette génisse appartient à un éleveur de vaches Blonde d’Aquitaine très pointilleux, avec des animaux présentant une très bonne conformation.

Consultation du 20 mai 2010

La génisse est dans un box avec une autre de la même classe d’âge, elles sont nourries au foin et au tourteau.
La génisse présente une parésie spastique bilatérale des pattes arrières. L’animal est très essoufflé et a du mal à rester debout longtemps. Elle est normotherme. Mon collègue constate aussi qu’elle tremble, et elle tombe quand on essaie de l’attraper.

L’éleveur explique que ces symptômes ont été subits, cette génisse ayant grandi correctement jusque là. Il explique même que c’était la génisse qui avait le plus fort potentiel : génisse très grande à la naissance, très bonne lignée, ayant grandi plus vite que les autres.
Le comportement de l’animal étant très marqué, mon collègue met en place un traitement allopathique large pour aider son système musculo-squelettique ainsi que des antibiotiques. Deux jours plus tard, l’animal ne présente aucune amélioration.
Face à la gravité des symptômes et à la difficulté de poser un diagnostic précis, il met la vidéo en ligne sur Vétofocus deux jours plus tard pour avoir des conseils et des avis de confrères. (voir Vétofocus, rubrique « j’ai besoin de votre avis », auteur : Oliarj). Allez voir, c’est impressionnant…

Les réponses à cet appel vont dans le sens d’une lésion du système nerveux central.
Quelques étiologies ressortent : un abcès ou une fracture au niveau de la moelle épinière mais le syndrome parésie spastique des jarrets semble le plus probable. Le diagnostic est donc un peu plus avancé ; mais le pronostic…

Consultation du 26 mai 2010

Je suis appelée quelques jours plus tard pour vacciner des veaux chez cet éleveur (FCO, quand tu nous tiens….)

La génisse est présente dans le box des veaux. Je n’ai entendu parler de ce cas par mon confrère que très succinctement, et je n’ai pas eu le temps de regarder la bibliographie concernant ce fameux syndrome parésie spastique des jarrets (dont c’est le premier cas que je vois en pratique).
L’éleveur m’explique qu’il va attendre un peu, mais comme le traitement allopathique n’a rien donné, la génisse étant encore plus mal qu’au départ, il compte l’euthanasier dans les jours qui viennent.
Je lui propose alors de faire une séance d’ostéopathie sur cette génisse, surtout par curiosité, mais aussi par intuition… trouble de la FTM ???

Séance ostéopathie :
L’animal a du mal à rester debout, elle finit par se coucher, épuisée, au milieu de la séance.
Dysfonctions trouvées :
  FTM+++
  Sensation de dos « mort »
  Énormes contractures musculaires sur toute la ligne du dos
  Entrée de la poitrine
  Poumons
  Séries de dysfonctions crâniennes osseuses et membraneuses (faux)++

Je constate que l’animal porte sa queue relevée, comme si elle s’enfonçait dans le bassin.
J’explique à l’éleveur le principe des troubles de la FTM. Le profil de cette génisse, à très fort potentiel, semble raisonner complètement avec les dysfonctions trouvées. Il accepte que je suive l’animal « perdue pour perdue ».
Si une amélioration se produit, cela lui permettra au moins de commercialiser la génisse pour la « viande », aucune autre sortie n’étant envisageable pour l’instant vu les symptômes de l’animal.
En rentrant au cabinet, je me suis évident empressée de lire la bibliographie disponible sur le syndrome parésie spastique… avec beaucoup de perplexité.

Consultation du 04 juin 2010

Une semaine plus tard, je reviens voir la génisse comme prévu.

L’animal est beaucoup moins essoufflé, son allure est beaucoup moins hésitante. La parésie des postérieurs est toujours présente, avec la raideur, mais les mouvements involontaires sont presque absents.

Dysfonctions : je retrouve les même dysfonctions que la première fois, mais très atténuées. Ressortent la FTM toujours présente, et la compression de l’entrée de la poitrine.
Les dysfonctions crâniennes sont bien atténuées. La génisse reste debout toute la séance.
L’éleveur m’explique que la génisse se précipite maintenant pour manger le tourteau, chose qu’elle n’avait plus fait depuis mai.
Face à l’amélioration de l’animal, il est décidé de refaire une séance quinze jours plus tard (la question de l’euthanasie n’est plus d’actualité).

Consultation de fin juin

J’ai réalisé une autre consultation fin juin, la génisse présentait alors une diarrhée aigüe, son état général était stationnaire par rapport au début juin.
La consultation a mis en avant les mêmes dysfonctions.

L’espoir, né lors de la première séance vu l’amélioration de l’animal, s’étiole un peu car l’animal s’est beaucoup amélioré certes, mais n’est pas revenu à un état « normal ». Cependant, on peut envisager de la commercialiser maintenant, l’éleveur m’explique qu’il va attendre un peu, de toute façon l’animal est sous temps d’attente.

L’été s’est passé sans que je revoie l’animal et l’éleveur.
A l’automne, je croise celui-ci par hasard et il m’explique que la génisse va très bien, qu’elle est magnifique. Bref, il va encore attendre un peu…

27 octobre 2010

A l’occasion d’une visite chez cet éleveur, je lui demande de revoir la génisse. Celle-ci a failli être vendue pour la reproduction, mais finalement l’éleveur a décidé de se la garder pour lui.

La génisse a rattrapé tout son retard de croissance, sa conformation est effectivement magnifique. Elle a cependant le boulet arrière gauche porté en dedans et les sabots trop longs ; mais cela peut-être mis sur le compte du fait que l’animal n’est pas sorti de son box.
L’éleveur va la remettre avec ses congénères dans quelques jours et espère qu’elle fera une bonne carrière de reproductrice.

Discussion

L’existence d’une force de traction médullaire pouvant être perturbée lors de la croissance de l’animal fait aujourd’hui école.

Les troubles de la FTM commencent à être étudiés et référencés. Si ces troubles surviennent lors de la croissance, on peut supposer que, plus la croissance est rapide, intense, plus l’animal a un potentiel élevé, plus l’animal est poussé, plus le système déraille facilement ?

Chez nos quadrupèdes, on peut aussi supposer que ces troubles n’auront pas tout à fait les mêmes conséquences que chez nous, bipèdes.
Les zones de tensions fortes sur la moelle (zones de courbures notamment), conséquentes des troubles de la FTM, peuvent pénaliser le fonctionnement des plexus nerveux afférents aux membres (plexus brachial et lombo-sacré par exemple). Et alors, le quadrupède boite !
Et dans les cas les plus graves, où le processus de croissance se grippe complètement, l’animal présente alors des symptômes graves. Peut-on envisager l’hypothèse que la parésie spastique des jarrets est un de ces grippages délétères ?

Il me semble aujourd’hui, à la lueur de ce cas, que cette hypothèse est envisageable.
La parésie spastique des jarrets ne serait qu’une conséquence, grave dans ce cas, d’un trouble de la FTM. On peut aussi émettre l’hypothèse que le fait que ce syndrome affecte les animaux culards, ou de certaines lignées pourrait être corrélé en fait au fort potentiel de croissance de ces animaux, et donc à leur fragilité relative ?

J’ai consulté d’autres génisses présentant, elles aussi, des troubles graves de la croissance mais sans parésie spastique.

Les résultats sont très variables (de la guérison à l’euthanasie).

Le but de ce texte n’est donc pas de dire que l’ostéopathie soigne tous ces troubles graves de la croissance.
Mais l’ostéopathie offre dans ce cas, par sa vision globale de l’être en croissance, une explication de ce qui se passe !

Ce qui ne me semble pas être le cas lorsqu’on s’arrête au « syndrome de parésie spastique des jarrets ». Là où l’allopathie traite les conséquences, l’ostéopathie propose et essaie de traiter les causes.

En comprenant le problème, on offre des solutions : gestion de l’alimentation des génisses en croissance, sélection de lignées de vaches à fort potentiel certes, mais rustiques, réflexions sur la sélection etc…
Un autre élément de réflexion se pose alors : pourquoi certains animaux présentant des troubles très forts de la FTM, comme cette génisse, réagissent très bien à l’ostéopathie et pourquoi d’autres, semblant moins atteints restent grippés dans leur développement, sans possibilité de déblocage ?
Existerait-il une limite physiologique de non retour, non corrélée à la gravité des symptômes ?
Si oui, laquelle ?



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