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L’ostéopathie est-elle en mouvement ?

Créé le : mardi 5 septembre 2023 par Cyril Clouzeau

Dernière modificaton le : mardi 5 septembre 2023

  En cette rentrée 2023-2024, 34529 à 38470 praticiens [1] exercent l’ostéopathie plébiscitée des patients [2] en France, et la lecture de la carte démographique professionnelle actualisée de Klemen et Konrad [3] est à double lecture.

  La première est de se féliciter d’un tel déploiement de l’ostéopathie en France, donnant à penser son succès public avéré depuis que l’on sait qu’un quart des Français consulte annuellement leur ostéopathe [4].

  La deuxième est moins souriante si on rapproche les chiffres avec ceux de 2001, proposés comme base d’étude de marché, fixant à 5000 habitants par ostéopathe, le seuil de « bonne vie » professionnelle.

  Et, pour finir cette introduction, 2025 verra le chiffre des 40000 ostéopathes atteints, pour une population de 69 millions d’habitants, soit sans complexifier mes mots, un constat évident :
La France est le pays du monde ayant la plus grande densité professionnelle d’ostéopathes :

1 ostéopathe pour 1725 habitants.

  Et alors ?

  Ne serait-il pas temps de bouger un peu la profession vers un statut et une situation claire, précise, en donnant à l’ostéopathie le « niveau de preuve », le statut médical, et le grade de formation master, en inscrivant par exemple les écoles privées sous une tutelle universitaire de leurs régions respectives, offrant une reconnaissance encore plus légitime ?

  Ne serait-il pas l’heure de penser une authentique identité professionnelle ?

  Il n’existe toujours pas de définition claire de l’ostéopathie en 2023 [5] et en attendant une meilleure reconnaissance, les réflexions autour d’une sémantique consensuelle professionnelle spécifique pourrait être un moyen d’unifier la profession, et de permettre une avancée sur le plan législatif.

 Discours déjà tant de fois lu, entendu, auquel on ne croit plus l’ostéopathe français ?
 Mais, où est la flamme, où est le CRI (Cranial Rythmique Impulse) qui devrait dynamiser les nouvelles générations d’ostéopathes, ouvrir les portes de la complémentarité, alimenter la synergie de soins avec les partenaires de santé, maintenant que les combats d’ego sont terminés ?
 Quelle posture enseignante ?
 Donner les clés d’une compréhension nouvelle, d’un art manuel en construction, évoluant au gré des découvertes de modèles plus globaux, comme le modèle bio-psycho-socio-environnemental, ou répéter des pseudo-concepts historiques aux allures de dogmes sans réelle véracité si ce n’est leur forte résistance au changement du fait de leur inhérente facilité pédagogique ?

  2020-2022 nous a montré que les savoirs ne tiennent pas et vacillent au moindre virus mutant venu de Chine, et que les IRM si puissants, et les systèmes si complexes sont anéantis intellectuellement par quelques nucléotides et acide désoxyribonucléiques variants.
 Quels discours ? Comment penser la communauté ou corps professionnel ostéopathique ?

Selon John L. Austin, le langage ne sert pas principalement à exprimer une pensée mais est essentiellement un moyen d’agir. La manière de dire est pour lui une façon de faire, c’est un acte de langage. Les patients savent qu’on leurs fait du bien, on leur doit de leur expliquer comment, pourquoi, et tout en gardant une part de mystère qui fait la beauté de la nature humaine.

Les ostéopathes doivent donner le sens, de leurs actes et paroles quand ils enseignent, et arrêter de dire, ça marche, et faites-moi confiance, ça fait 20 ans que je pratique : affirmation assertotique.

  NON, cela n’a jamais suffi, et ne suffira jamais à nourrir les esprits.

  La compréhension du langage va se faire par la découverte du « performatif » qui est une énonciation visant à faire quelque chose de ce qui est dit. Puis il sera nécessaire de distinguer les actes de langage qui accomplissent les actes et ceux qui accomplissent les actes par des moyens plus implicites, donnant à classer les actes en locutoires, illocutoires et perlocutoires [6].

  Comment y remédier ? En développant la recherche en ostéopathie : oui, j’entends déjà en vos têtes, oh , mais encore le refrain de la recherche, mais oui, mais c’est la base.

  Décrire ce que l’on fait, par des registres épidémiologiques, et des descriptions ethnographiques, sociologiques des actes et consultations, adopter une sémantique commune pour donner sens et précisions pratiques descriptives aux gestes et tests polysémiques, dont l’exemple est l’écoute.

  Un test d’écoute tissulaire est opérationnel chez de nombreux ostéopathes qui « travaillent » avec les tissus mais que signifie ce jargon spécifique pour un médecin, un patient, un biologiste ?
  Enfin, il serait judicieux de s’unir autour de principes qui nous fédèrent.

  Qu’attendre de la recherche sinon qu’elle réponde à cette demande publique que l’ostéopathie soit reconnue, considérée comme médecine, surtout dans la prise en charge de ce qui coûte à la société, en arrêts de travail, ce qui coûte aux patients, en temps de souffrance, et ce qui exaspère une partie de la pharmacopée : les douleurs fonctionnelles chroniques ?

  La recherche qui doit corréler la force de prévention inhérente à la prise en charge régulière, au suivi ostéopathique, qui doit démontrer, son action dans le domaine de l’immunologie. A quand l’étude qui montre que le sujet suivi trimestriellement par un ostéopathe a 2,7 fois moins de risque [7] d’être malade durant l’année ?

  Nous, enseignants, formateurs, avons un devoir envers les étudiants qui eux, ont des droits : Apprendre les principes et la philosophie, l’essence et le sens de l’ostéopathie, un art manuel majeur, qui se positionne en médecine préventive, et curative pour les troubles fonctionnels du corps fondée sur une conceptualisation systémique du corps humain dans son environnement.
  Une pratique manuelle éclairée, fondée sur la physiologie et l’anatomie spécifique unique et relative propre à chaque être humain, qui donne à chaque praticien une réflexion unique.
  Non, il n’y a rien de commun et de général, toute anatomie est relative et représentative d’un individu. Si l’anatomie s’apprend sur des planches, statistiquement représentative, elle n’est en pratique, au moment clinique que découverte, et adaptation à la mécano-morphogénèse du patient.

  L’ostéopathie est subjective, et non, ce n’est pas une science, c’est une évidence rationnelle, mais c’est cette évidence qu’il faut décortiquer, expliciter, et partager à nos pairs, collaborateurs de santé. Il faut déplier la « boulette épistémologique » ostéopatique, et montrer aux partenaires, aux acteurs et décideurs de santé, qu’il y a, dans l’ostéopathie les potentialités de compréhension, non pas des maladies, mais du corps humain. Car demain, ce n’est plus uniquement contre les maladies qu’il faut lutter, la médecine allopathique conventionnelle y parvient très bien, non, nous, ostéopathes, devons prendre le rôle préventeur de potentialiser le corps humain qu’on doit faire performer, améliorer, en faisant attention à son mode d’emploi : il faut lire la notice physiologique, psychologique, entendre la récit de vie, adapter le corps à son contexte de vie pour optimiser la santé, et permettre cette autonomie défensive, face aux agressions multiples de la vie.

  Bien s’alimenter, bouger, avoir une hygiène de vie, mentale, physique, spirituelle, et appliquer des principes de vie, sains, justes, adaptés à nos civilisations, et savoir se servir d’un corps qui est vraiment bien construit, et qui sait s’auto-réguler, à la condition de le respecter sans outrepasser ses normes physiologiques de fonctionnement.
  Il faut prendre le temps de lire la « notice » pour bien se servir de toutes les potentialités du corps.
 Et, nous ostéopathes, savons percevoir, et tenter de comprendre cette « notice » de chaque être humain, alors soyons conseillers, donnons, le vrai, le beau, le pur de l’ostéopathie, et je m’engage avec vous à livrer avant les 150 ans de l’ostéopathie, le 22 juin 2024, les bases publiques d’une médecine ostéopathique.
  Travailler sur les mots, les actes de langages, et proposer un langage commun : « le fait d’une ou plusieurs personnes [8] » qui parleraient le même langage, pour penser un corps professionnel cohérent, une communauté (ensemble de personnes vivant en collectivité ou formant une association d’ordre politique, économique ou culturel [9]). La distinction des deux termes est primordiale dans la formation d’une unité ostéopathique.
 Comment construire cette profession autour d’une communauté ostéopathique ?

  La question identitaire de l’ostéopathie est essentielle et actuelle [10], européenne [11], tout comme notamment la sous-représentation des ostéopathes dans les principales associations socio-professionnelles (4000 inscrits [12] pour 38000 ostéopathes [13]).
  S’interroger sur le fondement d’une communauté en ostéopathie peut s’aborder à partir du langage pour reconnaître une identité ostéopathique, mais aussi à partir d’un moyen de communiquer sur des discours et des théories sur les sciences ostéopathiques.
  Il y a nécessité de trouver une base épistémologique solide, commune permettant de décrire les modalités pratiques, les modes de pensées réflexives, la perception singulière de l’ostéopathe, non pas pour les normer seulement mais pour comprendre leur essentielle diversité.
  Le danger serait de ne pas trouver de langage commun et communautaire et de s’en voir imposer un par des personnes externes à cette communauté de l’ostéopathie.
  Pourtant des définitions existent : Glossary of Osteopathic Terminology Usage Guide [14], ou le Dictionnaire de médecine ostéopathique [15].
  La notion de définition, semblerait pratique, sous réserve de rester vigilant à ce que cette approche univoque ne rate pas l’essence même du mot. Être vigilant pour moduler en un langage de façon plus étendue pour être compris de la majorité sinon de tous les ostéopathes, mais aussi des autres professionnels de santé et des patients. Le défi est grand, il est surtout d’actualité.

  Pour finir ce billet d’humeur ? J’ose dire que l’année universitaire sera bonne si l’ostéopathie évolue, en intégrant des approches scientifiques plurielles, de la clinique épidémiologique à la philosophie.
  Concernant le discours , l’écrit, les mots ont toujours une correspondance.
  Pour Frege, et Husserl, la représentation des mots et donc des choses est quelque chose de fixe dans une langue : il leur semble absurde que la signification des mots, par définition accessible à tous les locuteurs compétents d’une langue, puisse être réduite à des représentations mentales subjectives, susceptibles donc de varier d’individu à individu [16].

  Et vous avez entièrement le droit de ne pas être d’accord, c’est la base de toute liberté.
  J’ose annoncer, et propose à ceux qui le veulent, d’être partenaire de cette mission, car en France, le ministère de la Santé est aussi un ministère de la Prévention qui tient à améliorer la santé de ces citoyens. Aussi parce que la chronicité coûte, les traitements affectent des secondarités physiologiques, et à y bien penser l’ostéopathie répond à beaucoup de critères salvateurs.
  Notre ex-ministre de la Santé François Braun a demandé, le 14 décembre 2022 à 8h45 à la galerie des fêtes de l’Assemblée Nationale, s’il fallait attendre d’être malade pour parler de notre santé ?
  Il a suggéré de mieux penser le développement de la politique de prévention en France pour les années à venir, en proposant un calendrier opérationnel et des fonds conséquents autour d’axes de recherche précis, donnant en juin 2023 une feuille de route centrée sur 4 axes.
  Participons ! Les constats doivent fournir des hypothèses, et produire des actes utiles :

  • Pour les patients sous forme de communication faites à leurs principales associations
  • Pour les formateurs (sous forme de charte, de normes) pour qu’ils parlent d’une seule voix
  • Pour les étudiants pour que, dès le début de leur formation, ils écrivent leur propre définition de l’ostéopathie sur un blog d’échanges puis l’alimentent chaque année avec leurs acquis d’expérience.
  • Pour les professionnels pour qu’ils se décentrent d’eux-mêmes, en écoutent les autres et pour que cela constitue une trame de construction de leur identité.
  • Pour le public avec communication sur les réseaux sociaux car beaucoup de gens ne savent pas encore au juste ce qu’est un ostéopathe « tout court ».
  • Pour les détracteurs qui veulent préserver leur pré carré séculaire pour qu’ils comprennent que « nous faisons ce qu’ils ne font pas » et que « nous ne faisons pas ce qu’ils font très bien » après leurs dix ans d’études. Et ce, avec communication pourquoi pas aux principaux syndicats ou en page ouverte sur des revues scientifiques de grade A ou B ou des revues de la pratique médicale : Le Quotidien du Médecin.

 Sans avoir peur des sciences, qui ne réduiront pas l’ostéopathie à des simples gestes techniques, à des mots, des concepts creux, ou éthériques, certains ont déjà produit, et le meilleur article clinique jamais produit en France, LC ostéo [17] en mars 2021, a été très mal accueilli.
  Certains ostéopathes en n’ayant lu que 3 lignes sur 100, l’ont critiqué, fortement et c’est vrai que j’ai pensé que la recherche était morte, qu’on n’y arriverait jamais tellement la résistance des ostéopathes à « évoluer » est forte.
  Puis en réfléchissant aux raisons d’une telle âpre résistance, il faut se demander ce qui est à protéger, ou ce qui est à perdre. Une réponse ?
  Ma réponse : notre identité professionnelle.
  En étudiant la psychologie, la psychanalyse, la philosophie des sciences, les mathématiques, l’histoire, l’anthropologie, la sociologie et l’ethnologie, j’ai trouvé que ces sciences étaient les piliers d’un projet pluri disciplinaire qui ne peut qu’être utile à l’ostéopathie.

  Ensemble, nous, motivés, pouvons aller vers un mouvement respiratoire secondaire majeur, donnant à l’ostéopathie son vrai rang de médecine fondée sur les faits.
  Une autre médecine dont nous avons besoin, ici et maintenant.
  Donc ? si l’ostéopathie se met en mouvement : vers quoi ? Vers un idiome spécifique qui lui donne sens et réponde à l’exigence d’explicitation comme l’écrit L.Wittgenstein « Tout ce qui proprement peut être dit peut être dit clairement, et sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence [18] ».
  Bougeons !

  Cyril Clouzeau

[1https://www.osteopathes.pro/fr/cartographie consulté le 19/08/2023.

[3Klemen SEVER et Konrad FLORKOW, osteopathes.pro, site web : https://www.osteopathes.pro/fr/cartographie

[5Pierre Luc L’HERMITE, Introduction à la science ostéopathique, approche épistémologique, éd. Ellipse, Paris, 2020, p. 45.

[6Termes définis au point 2.c. ii.

[7Indice fictif pour illustrer les propos, et ne s’appuyant sur aucun résultats cliniques probants

[8https://www.cnrtl.fr/definition/commun consulté le 19/08/2023.

[11European Federation and Forum for Osteopathy. Regulation of osteopathy in Europe ; 2021.

[12Ibid.

[13https://www.osteopathes.pro/fr/cartographie consulté le 21/08/2023.

[14Prepared by the Educational Council on Osteopathic Principles (ECOP) of the American Association of Colleges of Osteopathic Medicine (AACOM). Revised July 2006.

[15S. BEAUME, éd. Elsevier Masson, Paris, 2014.

[16P. LUDWIG, Grand dictionnaire de la philosophie, éd. Larousse CNRS, Paris, [2003], 2012, p.592.

[18L.WITTGENSTEIN, Tractatus logico philosophicus, éd. Gallimard collection Tél 1993 p.31.



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