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Prévenir des troubles et y remédier peut n’être...

Créé le : vendredi 1er février 2008 par Jean Louis Boutin

Dernière modificaton le : vendredi 29 octobre 2021

Prévenir des troubles et y remédier peut n’être pas médical : Décret « ostéopathes » et Conseil d’État — Critères de « diagnostic et prescription préalables », Conséquences pour les psychologues et psychothérapeutes

François-R. Dupond Muzart - www.lta.frdm.fr

Sommaire

1. La loi et le décret « ostéopathes »
2. L’arrêt principal du Conseil d’État sur les ostéopathes
3. Commentaire : Les Critères de diagnostic et prescription préalables systématiques — Conséquences pour les psychologues et psychothérapeutes
4. Sur la notion juridique nouvelle de « profession réglementée relative à la santé », non profession « de santé »
5. Sur la notion de « profession à titre exclusif » selon l’expression du Conseil d’État, et la notion de « titre »

 1. La loi et le décret « ostéopathes »

Résumé

À partir de la mention laconique législative « Un décret établit la liste des actes que les praticiens justifiant du titre d’ostéopathe ou de chiropracteur sont autorisés à effectuer, ainsi que les conditions dans lesquelles il sont appelés à les accomplir », le décret d’application indique sur quoi les ostéopathes sont autorisés à agir, en résumé (et à la lumière de l’article L. 4161-1 CSP relatif à l’exercice illégal de la médecine), il s’agit de :

  • Troubles fonctionnels du corps humain
    • à l’exclusion des pathologies organiques qui nécessitent une intervention thérapeutique [1], médicale, chirurgicale, médicamenteuse ou par agents physiques
  • Prévenir ces troubles, y remédier
    • “seul but autorisé” (i.e., à l’exclusion de « diagnostic » et de « traitement » de « maladies [n.b. : maladies “réelles ou supposées”] »)
  • Par manipulations et mobilisations
    • manipulations et mobilisations non instrumentales, directes et indirectes, non forcées, exclusivement manuelles et externes, musculo-squelettiques et myo-fasciales
    • dans le respect des recommandations de bonnes pratiques établies par la Haute Autorité en santé (HAS)
  • ne peuvent agir lorsqu’il existe des symptômes justifiant des examens paracliniques
  • sont tenus, s’ils n’ont pas eux-mêmes la qualité de médecin, d’orienter le patient vers un médecin lorsque les symptômes nécessitent un diagnostic ou un traitement médical, lorsqu’il est constaté une persistance ou une aggravation de ces symptômes ou que les troubles présentés excèdent son (sic, au lieu de « leur ») champ de compétences
  • Après un diagnostic établi par un médecin attestant l’absence de contre-indication médicale à l’ostéopathie, le praticien justifiant d’un titre d’ostéopathe est habilité à effectuer les actes suivants :
    • 1º Manipulations du crâne, de la face et du rachis chez le nourrisson de moins de six mois ;
    • 2º Manipulations du rachis cervical

JORF du 5 mars 2002 page 4118 — texte nº 1 — LOI nº 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé — NOR : MESX0100092L

Note

1. - « … à l’exclusion des pathologies organiques qui nécessitent une intervention thérapeutique » : Il ne s’agit pas d’« intervention thérapeutique » tout court, encore faut-il que cette intervention thérapeutique soit nécessitée par des « pathologies organiques », pour être exclue du champ d’activité des ostéopathes — les ostéopathes peuvent donc pratiquer des « interventions thérapeutiques », à condition que celles-ci ne portent pas sur des pathologies organiques. « Remédier à des troubles fonctionnels du corps humain » (compétence des ostéopathes, et notamment ostéopathes « à titre exclusif »), correspond à « intervention thérapeutique en l’absence de pathologie organique ».


Article 75

Alinéa 5 - Un décret établit la liste des actes que les praticiens justifiant du titre d’ostéopathe ou de chiropracteur sont autorisés à effectuer, ainsi que les conditions dans lesquelles il sont appelés à les accomplir.

Alinéa 4 - […] L’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé [devenue depuis Haute autorité de santé, HAS], est chargée d’élaborer et de valider des recommandations de bonnes pratiques. […]


Article R.161-72 du Code de la Sécurité sociale — Créé par Décret nº2004-1139 du 26 octobre 2004 - art. 1er

Dans le domaine de l’information des professionnels de santé et du public sur le bon usage des soins et les bonnes pratiques, la Haute Autorité : (…)

5º Établit les recommandations de bonnes pratiques concernant les ostéopathes et les chiropracteurs et est consultée sur les dispositions réglementaires prises pour l’application de l’article 75 de la loi nº 2002-303 du 4 mars 2002 modifiée relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ; (…)

Nota Bene

Il s’agit des seules professions-activités (ostéopathes et chiropracteurs) pour lesquelles la Haute autorité de santé est chargée d’une telle mission. Et ceci est bien souligné dans l’avis rendu par la HAS pour l’application de l’“article 75” en ce qui concerne les ostéopathes. Un simple décret en Conseil d’État a suffi à conférer ces obligations particulières à la Haute autorité de santé. Il faut noter le glissement de terme : art. 75 de la loi du 4 mars 2002, la Haute autorité de santé établit « des » recommandations de bonnes pratiques — Code de la sécurité sociale, elle établit « les » recommandations de bonnes pratiques, pour les professions-activités d’ostéopathe et chiropracteur.


DÉCRET nº 2007-435 du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d’exercice de l’ostéopathie —JORF nº73 du 27 mars 2007 page 5662 — texte nº 20 — NOR : SANH0721330D

Texte établi après avis de la Haute Autorité en santé, HAS.

N.B. : L’avis de la Haute autorité de santé, rendu sur les projets de décrets, fait état de version de projet modifiée ensuite et en tenant compte de cet avis.

Chapitre 1er : Actes autorisés

Article 1

[Alinéa 1er] Les praticiens justifiant d’un titre d’ostéopathe sont autorisés à pratiquer des manipulations ayant pour seul but de prévenir ou de remédier à des troubles fonctionnels du corps humain, à l’exclusion des pathologies organiques qui nécessitent une intervention thérapeutique, médicale, chirurgicale, médicamenteuse ou par agents physiques. Ces manipulations sont musculo-squelettiques et myo-fasciales, exclusivement manuelles et externes. Ils ne peuvent agir lorsqu’il existe des symptômes justifiant des examens paracliniques.

[Al. 2] Pour la prise en charge de ces troubles fonctionnels, l’ostéopathe effectue des actes de manipulations et mobilisations non instrumentales, directes et indirectes, non forcées, dans le respect des recommandations de bonnes pratiques établies par la Haute Autorité de santé Lien externe.

Article 2

Les praticiens mentionnés à l’article 1er sont tenus, s’ils n’ont pas eux-mêmes la qualité de médecin, d’orienter le patient vers un médecin lorsque les symptômes nécessitent un diagnostic ou un traitement médical, lorsqu’il est constaté une persistance ou une aggravation de ces symptômes ou que les troubles présentés excèdent son champ de compétences.

Article 3

I. — Le praticien justifiant d’un titre d’ostéopathe ne peut effectuer les actes suivants :

1º Manipulations gynéco-obstétricales ;

2º Touchers pelviens.

II. — Après un diagnostic établi par un médecin attestant l’absence de contre-indication médicale à l’ostéopathie, le praticien justifiant d’un titre d’ostéopathe est habilité à effectuer les actes suivants :

1º Manipulations du crâne, de la face et du rachis chez le nourrisson de moins de six mois ;

2º Manipulations du rachis cervical.

III. — Les dispositions prévues aux I et II du présent article ne sont pas applicables aux médecins ni aux autres professionnels de santé lorsqu’ils sont habilités à réaliser ces actes dans le cadre de l’exercice de leur profession de santé et dans le respect des dispositions relatives à leur exercice professionnel.

 2. L’arrêt principal du Conseil d’État sur les ostéopathes

Conseil d’État statuant au contentieux — Nos 304478, 304479, 304480, 304481,305545, 305969, 305980, 305981, 306004, 306005, 308110,309649 — ASSOCIATION FRANÇAISE EN OSTÉOPATHIE (AFO) et autres — Séance du 9 janvier 2008 Lecture du 23 janvier 2008 — (Section du contentieux, 1re et 6e sous-sections réunies)

Voir dans un autre article, commentaire d’extraits choisis et à la suite texte intégral de l’arrêt : Conseil d’État Arrêt Décrets ostéopathie et ostéopathes — Commentaires enseignements partiels quant au titre de psychothérapeute

 3. Les Critères de diagnostic et prescriptions préalables systématiques — Conséquences pour les psychologues et psychothérapeute

Dans son arrêt rendu sur le contentieux sur le décret relatif au titre et à l’activité d’ostéopathe, le Conseil d’État indique dans ses considérants que les dispositions réglementaires attaquées « n’affectent pas (…) la portée des articles L. 4161-1 et L. 4323-4 du code de la santé publique relatifs à la répression de l’exercice illégal de ces professions (de médecin et masseur-kinésithérapeute) ».

Et en particulier, compte tenu des recours examinés, le Conseil d’État indique que les dispositions du décret « n’ont ni pour objet ni pour effet d’habiliter les ostéopathes qui n’ont pas la qualité de médecin à établir un diagnostic en méconnaissance de l’article L. 4161-1  ».

Donc, les ostéopathes « à titre exclusif » (expression employée par le Conseil d’État) ne pratiquent, en respectant le décret d’application, aucun acte entrant dans le champ de la médecine largement entendu (incluant les actes paramédicaux).

Le Conseil d’État indique encore : « il résulte de l’article 75 de la loi du 4 mars 2002 précité que les ostéopathes à titre exclusif, qui n’ont pas le statut de profession médicale tel que défini par les livres Ier et III de la quatrième partie du code de la santé publique, ne sont pas placés dans une situation identique à celle des professionnels de santé ».

Il en résulte que les ostéopathes à titre exclusif ne sont, ni par leurs actes, tels que prévus au décret, ni par leur statut, tiré de l’article législatif les concernant, des professionnels de santé, ni plus largement des professionnels dont les actes empiètent sur le monopole médical et paramédical (et cependant, l’article législatif de même que le décret d’application les soumettent à des « recommandations de bonnes pratiques » à émettre par la Haute autorité de santé ).

Il résulte des textes « confirmés » par le Conseil d’État que les ostéopathes à titre exclusif ne peuvent agir dans les cas nécessitant « diagnostic et traitement » ou nécessitant des examens « paracliniques » (radiologie, etc). Ils ne peuvent agir par massages (qui restent réservés aux masseurs-kinésithérapeutes).

Mais que font donc alors les « ostéopathes à titre exclusif » ? Ce qu’il leur « reste » à faire comme non-professionnels de santé consiste, selon le décret les concernant, en manipulations et mobilisations musculo-squelettiques et myo-fasciales, directes et indirectes, exclusivement manuelles et externes, non instrumentales, non forcées, dans le respect des recommandations de bonnes pratiques établies par la Haute Autorité de santé, sans empiéter sur aucune des compétences des professions de santé, et le tout dans le but exclusif de « prévenir des troubles fonctionnels du corps humain et y remédier ».

Par conséquent, selon les textes et la confirmation par le Conseil d’État, « prévenir des troubles fonctionnel du corps humain et y remédier » ne relève pas du monopole médical, paramédical, ou monopole des professions de santé, et n’entre pas dans le champ de ce monopole. Les « ostéopathes à titre exclusif » n’agissent qu’en dehors de ce monopole, et non pas à l’intérieur de ce monopole. Les textes et leur « confirmation » par le Conseil d’État conduisent à conclure que ce monopole n’inclut donc pas globalement la prévention des troubles (fonctionnels) du corps humain et leur remédiation. Comme il s’agit manifestement de soins à la personne, nous avons là incidemment la confirmation que la notion de « soins à la personne » ne relève nullement du monopole médical et paramédical ; seuls relèvent de ce monopole les soins caractérisés de « médicaux » ou « paramédicaux ». Et ne rentrent pas dans cette catégorie les soins de « prévention des troubles du corps humain et leur remédiation », ou du moins, la totalité de ces soins, puisque les soins prodigués par les ostéopathes sont l’exemple de soins de ce type qui ne sont qualifiés ni par les textes (décret), ni par le Conseil d’État, de soins relevant du monopole des professions de santé. En semi-clair, les ostéopathes ne « traitent » pas de « maladies » fonctionnelles du corps humain, ils ne font que « prévenir » des « troubles » fonctionnels du corps humain et y « remédier ».

On a tout de même la curiosité de l’emploi du terme « remédier », sur la racine lat. mederi, qui est aussi la racine de « médecin ». Cet emploi du terme « remédier » est sans commune mesure avec celle de « soin », qui ne provient pas d’une racine commune avec les termes relatifs à la médecine.

Ce modèle « de soins à la personne » non médicaux, de « prévention et remédiation de troubles » hors du champ médical et paramédical, pourrait-il être transposé aux « psychothérapeutes à titre exclusif » ? Et pourrait-il être transposé aux psychologues ?

Ceci à première vue semble le cas, et d’autant plus que les psychologues, et psychothérapeutes, ne semblent pas fréquemment avoir de contact de soin avec le corps de leurs patients (ceci se rencontre cependant dans certaines psychothérapies).

On serait dans ce cas amené à dire que les psychologues (et psychothérapeutes) « préviennent des troubles psychologiques-psychiques et y remédient », non pas bien sûr par des « manipulations », le terme serait malvenu dans ce domaine, mais par des « entretiens et-ou exercices thérapeutiques » (le terme générique de « thérapie » n’étant nullement réservé aux disciplines médicales et paramédicales, pas plus que l’expression générique « soins à la personne », et pas plus que les termes « prévenir des troubles fonctionnels du corps humain et y remédier », d’après l’arrêt du Conseil d’État ici commenté, qui tranche une nouvelle et bonne fois la question).

Mais paradoxalement, l’on se heurte à un obstacle : les principaux « troubles » psychologiques-psychiques, tels que la « dépression », sont qualifiés de « maladie » par l’OMS, et ceci se retrouve par exemple dans la récente campagne de l’INPES relative à la dépression .

En conséquence, il est difficile d’imaginer que des soins (y compris sous la forme d’entretiens verbaux), qui s’appliqueraient à « remédier » à la dépression d’un patient, dûment diagnostiquée au préalable par un médecin comme la campagne INPES sur la dépression l’exige, il est difficile d’imaginer que de tels soins ne soient pas inclus dans le domaine des soins médicaux et paramédicaux, et que les professionnels qui les pratiquent puissent être considérés comme agissant en dehors de ce champ.

En effet, dans son arrêt relatif aux ostéopathes, le Conseil d’État prend la précaution d’indiquer « que le législateur n’a pas subordonné la possibilité d’effectuer des actes d’ostéopathie à un diagnostic médical préalable, non plus qu’à une prescription médicale systématique » (ici le Conseil d’État énonce une curiosité : le décret qui était attaqué ne comporte pas la moindre notion de « prescription », il comporte uniquement, pour certains cas, la constatation médicale de « non contre-indication de l’ostéopathie » ; ce point sera réexaminé in fine). Or, s’il y a maladie (au sens au moins de l’INPES : la dépression), il y a nécessité de diagnostic préalable par médecin (ce que la campagne de l’INPES souligne de bout en bout), et les professionnels psychologues ou psychothérapeutes ne peuvent participer au traitement de cette maladie dans l’état actuel des textes, qui ne prévoient pas pour ces professionnels cette compétence empiétant sur le champ médical et paramédical de « traitement de maladie », on peut dire aussi dépendant de ce champ : cf. Code la la Santé publique, article L. 4161-1 relatif à l’exercice illégal de la médecine .

Dans l’état actuel des textes, si la dépression est officiellement et dans les faits qualifiée de « maladie » (« maladie réelle ou supposée », précise l’article L.1461-1 précité), la prescription médicale, ou « délégation », par un médecin, de soins psychiques de la dépression, à effectuer par un psychologue ou un psychothérapeute, constitue une incitation à l’exercice illégal de la médecine — y compris dans les institutions publiques et à commencer par celles-ci.

On peut alors se demander pourquoi le Conseil national de l’Ordre des médecins ne poursuit pas à titre disciplinaire les médecins (psychiatres) qui pratiquent ces « délégations » dans les institutions publiques, et ne poursuit pas au pénal les psychologues qui exécutent ces « délégations » illégales. La réponse semble limpide : pour l’Ordre des médecins, l’extension maximale de ces « délégations » illégales est pain bénit, puisque lorsque le système ne pourra plus fonctionner sans ces « délégations », il suffira de constater que les psychologues agissant en vertu de ces prescriptions et délégations se sont comportés en personnels paramédicaux, et qu’il faut leur reconnaître cette qualité pour ne pas les poursuivre au pénal d’exercice illégal de la médecine… Or, les institutions médicales poursuivent depuis des dizaines d’années le projet de voir les psychologues soumis au corps médical comme personnels paramédicaux. Comme la situation d’infraction pénale des médecins délégants et des psychologues délégués favorise in fine la paramédicalisation des psychologues, les institutions médicales se gardent bien et continûment d’agir contre ces infractions pénales, et attendent au contraire qu’elles se développent pour favoriser leurs vues.

On voit bien que dès lors que la « dépression » (notamment) est qualifiée de « maladie » nécessitant en premier lieu un diagnostic avant tout traitement (cf. campagne INPES), l’on n’est pas du tout dans le cas constaté par le Conseil d’État s’agissant des ostéopathes : l’on est dans le cas inverse, où les troubles sont déjà qualifiés par principe de maladie, ce qui par hypothèse rend nécessaire le diagnostic avant tout traitement. Et dès lors, tout parallélisme avec la situation des ostéopathes exclusifs est brisé, puisque ceux-ci au contraire n’empiètent pas sur le champ médical, selon les constatations du Conseil d’État en vertu des textes en vigueur, alors même que leurs actes consistent en « manipulations et mobilisations musculo-squelettiques et myo-fasciales ».

Subsidiairement, que dire des « psychanalystes à titre exclusif » ? Tout dépend comment l’on décrit d’activité des psychanalystes. Si l’on décrit comme elle doit l’être cette activité en termes de « description juridique des faits », l’on arrive à la conclusion suivante : l’activité du psychanalyste consiste en incitation à, ensemble but de libre association des paroles par l’analysant, ensemble développement des effets de celle-ci. Ce n’est pas l’aspect thérapeutique qui est recherché, c’est la libre association des paroles par l’analysant et le développement des effets de cette libre association. Il se trouve que ces effets peuvent être thérapeutiques, il se trouve que cet aspect de la psychanalyse peut-être celui recherché par l’analysant, mais cet aspect ne se manifeste et cet effet n’est obtenu que parce qu’ils ne font pas l’objet directement de l’activité du psychanalyste. Dès lors, l’aspect thérapeutique que comporte la psychanalyse ne devrait pas même pouvoir faire l’objet de prescription ou de « délégation » médicale.

C’est ici que l’on retrouve le considérant du Conseil d’État qui avait éveillé notre vigilance : « que le législateur n’a pas subordonné la possibilité d’effectuer des actes d’ostéopathie à un diagnostic médical préalable, non plus qu’à une prescription médicale systématique » : ici le Conseil d’État énonce une curiosité : le décret qui était attaqué ne comporte pas la moindre notion de « prescription », il comporte uniquement, pour certains cas, la constatation médicale de « non contre-indication de l’ostéopathie ». Pourquoi le Conseil d’État alors s’exprime-t-il en terme de « prescription », alors précisément que parler en ce terme suppose que ce qui est prescrit fait partie du champ médical ? Alors que tout l’arrêt consiste à démontrer que, dans les termes du décret attaqué, les ostéopathes à titre exclusif n’ont aucune activité entrant dans le champ médical ou paramédical ? On peut penser évidemment à une erreur d’écriture : l’adjectif « systématique » aurait dû être apposé après « diagnostic médical préalable », et non pas après « prescription ».

Mais il se peut, comme cela est fréquent, que le Conseil d’État donne là une indication de réponse à d’autres contentieux potentiels. Dans ce cas, le Conseil d’État a indiqué que même si les actes des professionnels concernés avaient été partiellement soumis à prescription médicale, cela n’aurait pas fait entrer leur activité dans le champ des activités médicales. C’est seulement le caractère systématique, à la fois du diagnostic et de la prescription médicale préalables, qui aurait pu faire entrer les activités des ostéopathes à titre exclusif dans le champ des activités médicales et paramédicales.

Or, les mémoires devant le Conseil d’État des requérants ostéopathes citaient et commentaient l’article 52 relatif à l’usage du titre de psychothérapeute, pour en tirer des moyens de raisonnement contre le décret qu’ils visaient.

Le Conseil d’État était donc parfaitement « conscient » des termes de l’article 52, en rédigeant la décision relative aux ostéopathes. On peut dès lors estimer que le Conseil d’État a répondu par avance à une question non posée dans le contentieux qui lui était soumis : celle de savoir si des activités de professionnels s’effectuant pour partie sur prescription médicale entraient de ce fait ipso facto dans le champ des actes médicaux et paramédicaux. Selon cette lecture « positive » de l’anomalie dans l’arrêt commenté, le Conseil d’État a répondu que non.

Dès lors, l’on pourra invoquer l’arrêt « ostéopathes » dans le futur, pour soutenir que même si les psychologues et psychothérapeutes agissent partiellement sur prescription (ou « délégation ») médicale, cela ne suffira pas à faire entrer leurs activités dans le champ des activités médicales et paramédicales.

Mais reste à savoir si même l’on aura l’occasion de soulever un tel argument, alors que nombre d’organisations de psychologues, et de psychothérapeutes, réclament l’intégration de ceux-ci dans le « système de santé », voire réclament un ordre professionnel dont l’instauration semble ne pouvoir qu’entraîner la paramédicalisation des « intéressés ».

Voir long article récapitulatif et prospectif : 20071226 / 2008 : Le point sur « article 52 », ordres professionnels, paramédicalisation des psychologues et psychothérapeutes — Article Évolutif

 4. Sur la notion juridique nouvelle de « profession réglementée relative à la santé », non profession « de santé »

Il faut « tout de même bien voir » l’enjeu social de la décision du Conseil d’État, dépassant de beaucoup le cas des seuls ostéopathes, consistant à entériner la définition d’une « profession relative à la santé », sans qu’il s’agisse d’une « profession de santé ». À cette occasion, le Conseil d’État a entériné la méthode du pouvoir réglementaire, consistant à soigneusement isoler du « champ de la médecine » une nouvelle profession réglementée, relative à la santé.

Qu’aurait-on obtenu, si, à l’inverse, le Conseil d’État avait décidé que le décret était mal formulé, s’il devait s’agir d’une profession dans le champ médical, d’une profession « de santé » : l’on aurait obtenu une extension indéfinie du champ de la médecine. C’était la position du Conseil national de l’Ordre des médecins dans le contentieux ici commenté. Le Conseil d’État a entériné que ce choix n’était ni souhaité, ni souhaitable.

Le Conseil d’État a donc entériné une méthode selon laquelle des professions réglementées, mais non dans le cadre du Code de la santé publique, pouvaient pour autant être soumises à recommandations de bonnes pratiques par la Haute autorité de santé, et à obligation de formation continue, à l’instar des professions « de santé ».

L’enjeu social n’est pas que de principe (consistant à limiter une extension indéfinie du champ du monopole « médical »), cet enjeu porte aussi sur le système d’assurance sociale, car toute profession « de santé » a vocation à voir intégrer ses actes dans le système d’assurance « maladie ». Or, les difficultés de tous ordres de celui-ci ne semblent pas inciter à une extension indéfinie du champ des professions « de santé », lorsque la qualification peut se limiter à celle de « profession relative à la santé ».

Le pouvoir réglementaire, par le choix opéré dans le cas des ostéopathes, a inauguré une catégorie qui semble nouvelle, de profession relative à la santé mais non profession de santé, et cette catégorie a vocation à recouvrir d’autres professions qui ne sont pas (ou pas encore) réglementées (psychologues : il s’agit uniquement d’un titre, et non d’une profession réglementée ; psychothérapeutes, de même).

Dans ces conditions, l’on peut s’attendre à ce que tant les psychologues que les psychothérapeutes rejoignent à terme cette catégorie, et soient dès lors soumis à recommandations de bonnes pratiques par la Haute autorité de santé et à obligation de formation continue, mais sans ordre professionnel ni même « règles professionnelles » proprement dites (décret de règles professionnelles).

Par une telle méthode, le pouvoir réglementaire laisse implicitement à la Haute autorité de santé le soin de cerner les actes de ces professions, sans avoir à provoquer d’extension indéfinie du champ des « professions de santé », sans avoir à créer de nouvelle structure (ordre professionnel) ni même à édicter directement de règles professionnelles (décret), lesquelles supposent une définition juridique précise des actes visés (mission impossible dans le cas et des psychologues, et des psychothérapeutes).

Une définition très générique des actes suffira alors (comme « prévenir des troubles psychologiques-psychiques et y remédier »), et pour plus de précision il sera renvoyé aux recommandations de bonnes pratiques de la Haute autorité de santé. Je prévois donc que la demande d’ordre professionnel par le SNP, le SPEL et le RNP, celle de « code de déontologie » sans ordre professionnel faite par la FFPP, la demande de « code de déontologie » par la FF2P, etc., aboutiront à provoquer une réglementation identique à celle entérinée par le Conseil d’État s’agissant des ostéopathes.

 5. Sur la notion de « profession à titre exclusif » selon l’expression du Conseil d’État, et la notion de « titre »

À la suite de l’arrêt du Conseil d’État du 23 janvier 2008 et déjà auparavant, l’on trouve des discussions étonnantes sur des sites relatifs à l’ostéopathie et aux ostéopathes : l’on trouve en substance que le « titre » d’ostéopathe étant partagé par les praticiens exerçant des « professions de santé », d’une part, et par les praticiens n’exerçant pas de profession de santé (les « ni-ni »), d’autre part, cela signifierait que « la profession d’ostéopathe n’existe pas ».

La même question se pose au sujet des psychothérapeutes, dans l’article 52 de la loi du 9 août 2004.

Selon la logique par l’absurde, il s’avérerait que les praticiens ostéopathes (ou les psychothérapeutes) non professionnels de santé (les « ni-ni ») n’exerceraient… aucune profession : « sans profession ».

Mais le Conseil d’État a répondu à la question, par l’expression « ostéopathes à titre exclusif » : tous les ostéopathes qui ne sont pas en même temps des « professionnels de santé » sont des ostéopathes « à titre exclusif ». Ici il ne faut pas confondre « diplômé médecin non inscrit à l’Ordre exerçant l’ostéopathie » et « médecin exerçant l’ostéopathie, inscrit à l’Ordre » : le diplômé médecin non inscrit à l’Ordre, exerçant l’ostéopathie, est, selon les termes du Conseil d’État, un « ostéopathe à titre exclusif ».

L’expression « à titre exclusif » désigne évidemment, dans l’arrêt du Conseil d’État s’agissant des ostéopathes, ceux qui n’exercent pas de profession de santé réglementée au Code de la Santé publique : l’arrêt est on ne peut plus clair là-dessus (à défaut de pédagogie par l’arrêt sur d’autres points de droit, sur celui-ci, le raisonnement présenté par l’arrêt est extensif). Cette terminologie « ostéopathe à titre exclusif » sera retenue par les juristes avec le sens indiqué ici, quelles que soient les discussions qu’en feront les intéressés.

En conséquence, le terme « ostéopathe » pris isolément désigne un titre, partagé entre « professionnels de santé » et « non professionnels de santé », tandis que l’expression complète « ostéopathe à titre exclusif » désigne à l’évidence la profession des intéressés porteurs du titre. Car bien évidemment, exercer l’activité professionnelle à laquelle un titre est relatif est constitutif de profession. Ici, rappel incessant, il faut bien sûr se sortir de l’esprit que les lois sont nécessaires pour que les professions existent : les professions existent indépendamment des lois, que les lois les « reconnaissent » ou pas. C’est exactement le raisonnement du Conseil d’État : il n’est jamais question d’attendre que la loi énonce que telle activité constitue une profession pour ceux qui l’exercent, c’est tout simplement inconcevable. La profession « ostéopathe » des « ostéopathes à titre exclusif » est un fait, et il n’y besoin d’aucune loi pour que ce fait soit constaté par le droit (par le raisonnement juridique, pratiqué au premier chef par les juridictions).

Mais il faut ici limiter le parallélisme de situation entre les ostéopathes et les psychothérapeutes : en effet, l’article 52 de la loi du 9 août 2004, relatif au titre de psychothérapeute, désigne non pas les médecins, mais les titulaires d’un diplôme de docteur en médecine, et désigne les psychologues par leur titre résultant de diplômes. Parmi les titulaires d’un diplôme de docteur en médecine, certains mais pas tous sont « médecins », c’est-à-dire inscrits à l’Ordre des médecins. L’on retrouve tout de même le parallélisme précité sous l’expression « psychothérapeutes à titre exclusif » : bien entendu, cette dénomination de profession inclura les titulaires d’un diplôme de docteur en médecine qui ne sont pas inscrits à l’Ordre et qui feront usage professionnel du titre de psychothérapeute.

Nous remercions particulièrement M. François-R. Dupond Muzart de nous avoir autorisé à publier cet article sur le Site de l’Ostéopathie



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