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Karl Philipp Mc Connel (1874-1939), un pionnier (injustement) oublié

Benoît Cauvin pour l’AAE-IFSOR
 
Créé le : mardi 3 novembre 2020 par Benoît Cauvin

Dernière modificaton le : mardi 3 novembre 2020

Parmi les pionniers qui ont forgé l’histoire de l’ostéopathie et qui ont eu la difficile tâche de succéder à Andrew Taylor Still, il en est un que l’on oublie fréquemment et, pour ma part, injustement.

Carl P. McConnell (1874-1939)

Mac Connel quittera la maison mère pour rejoindre Chicago où évolue un certain Littlejhon. Il écrira 250 ouvrages sur l’ostéopathie, 3 livres (parmi les premiers édités) et deviendra le président de l’académie, le directeur de publication du premier journal (JAOA) et enfin le directeur de la « Still resaerch institute ».

Excusez du peu… Un pédigrée qui mérite bien qu’on s’attarde sur ce personnage.Mac Connel entre curieusement dans l’histoire de l’ostéopathie. Atteint « d’un nerf optique » suite à un traumatisme aux cervicales, il se fait soigner à Kirksville par le frère de Still qui le sort d’affaire en quelques semaines. L’ostéopathie trouve un nouvel adepte qui intègre le collège, puis devient professeur à la maison mère de Kirksville. Il y enseigne à la fois la théorie et la pratique. Il est le jeune bras droit de Still et devient un des piliers et acteurs de la naissance de l’ostéopathie.

Tout semble bien se passer jusqu’à la sortie de son premier livre qui irrite le patron qui trouve son contenu trop technique à son goût et pas assez philosophique. Ce qui tombe plutôt bien puisque Still avait écrit des tartines sur la philosophie (surtout la sienne) mais rien de très concret sur les techniques qu’il utilisait. C’était son choix.Mais en ostéopathie, technique et philosophy (au sens américain du terme et non européen) sont indissociables, l’un et l’autre se nourrissant et co-évoluant. Parler de l’un sans jamais parler de l’autre est une erreur. Mac Connel dans son ouvrage « practice of ostéopathy » paru en 1898 semble vouloir corriger le tir. « One osteopath should never give a manipulation or movement unless he understands why  »(Practice of Osteopathy, 1899, p.61 [1920, p.69]). Il parle technique et en parle même bien mais toujours en se référent au fondamental Stillien, sans jamais l’écorcher. Pourquoi s’en priver. Les techniques ostéopathiques existaient certainement avant ce nouveau modèle qui les a fait évoluer.

 De la philosophie ostéopathique

La philosophy de Mac Connel reste fidèle à celle de Still et à ses postulats que sont rappelons :

- L’organisme humain possède tout en lui pour assurer son bon fonctionnement
- L’organisme est un tout indivisible, un système où tous les éléments sont liés.
- Il est soumis aux lois de la physique dont dépendent ses fonctions vitales .
- Il existe un lien privilégié entre structure et fonction (et vice versa).

Sa définition de la lésion rejoint également celle de Still. En gros, est défini comme lésion ostéopathique tout ce qui entrave la libre circulation des fluides et des influx et qui viendrait entraver l’autorégulation. Il les nomme « Anatomical derangement » ou « structural perversion » : « Displacement of any tissue bones, tendons, ligaments. Various atmospherical changes, overwork, strains, slips, falls, blows… affect tissue and displace them partially, and they interfere with the blood, lymph, and other fluids with inequal or abnormal distribution  ». Ces bloquages entraineraient la pathologie. Au passage, le terme « affecte tissue » définit bien la lésion comme un problème structurel qui engendre une dysfonction.

5 types de lésions sont décrits :
Lésion osseuse, musculaire, ligamentaire, viscérale, composite (= combinaison de plusieurs de ces lésions qu’il associe souvent aux problèmes posturaux). Elles sont provoquées la plupart par :

Ces lésions entrainent comme symptômes « maladjustement, contracted muscle, tenderness, limites movement. »- Changement climatique,
- exercices violents et postures prolongées (qui peuvent provoquer des spasmes musculaires) et
- séquelles de traumatismes directs (strains, falls, blows..),
- problème de nutriments qui arrivent aux tissus
- mécanismes de compensation et réflexes qui peuvent irriter les muscles. (diapo 14 du diaporama)

Il est très difficile pour ceux qui ont étudié l’œuvre de Still de savoir ce qu’on fait de ces lésions concrètement dans la pratique. Still s’intéressait peu aux techniques, en tout cas à leurs descriptions. L’œuvre de Mac Connel semble remplir en partie ce vide laissé. Il en a la légitimité puisqu’il enseigne la pratique dans la première et unique école d’ostéopathie aux côtés du père fondateur.
Au travers de ses pages émerge la manipulation structurelle et la place majeure qui lui est attribuée au début de l’ostéopathie. Le geste technique est déjà très abouti semble t-il et est décrit et codifié de façon extrêmement précise et réfléchie. « The time is coming when the technique will be taught graphically and mathematically. » En voici quelques principes.

 Des techniques ostéopathiques

Directe sans bras de levier : la manipulation structurelle est toujours localisée et seulement localisée à la lésion On peut se cacher derrière un traitement général mais le mieux est de rester sur les zones dites anormales.(p.52) Le traitement général devient la tendance : c’est une erreur. Il doit être utilisé dans certains cas uniquement. L’utilisation des bras de levier est restreinte. « Si la lésion est en C4, ne faire que C4  ». Mac Connel parle de traitement spécifique et exclue ainsi toute approche globale ou générale qui ferait nous quitter de la science et de l’ostéopathie pour rentrer dans du confort . « Do not Hide behind generality » précise t-il à plusieurs reprises.Localisée à la lésion objectivée  : l’objectivation de la lésion représente 75% du travail de l’ostéopathe qui doit éduquer son toucher au « sense of résistance of the tissues ». Le thérapeute s’adapte aux spécificités du patient. (p.49)

Avec un minimum de paramètres  : il préconise de manipuler avec un minimum de tension. Des ostéopathes mettent trop de paramètres car n’ont pas localisé correctement la lésion : « locate the lésions exactly and then a specific treatment can be given in every instance.  ». Il arrive cependant de jouer sur la traction ou sur la rotation. Il recherche au sein de cette lésion les paramètres fins qui mettent en évidence l’endroit où la résistance est la plus importante.
D’intensité adaptée  : l’intensité du geste est proportionnelle à la résistance de la lésion et donc à son ancienneté. Le geste est adapté et non violent. D’autres pionniers critiquent la manipulation structurelle comme Hulett qui la juge potentiellement dangereuse et donc préfère l’exclure de son approche. Il explique que la mise en tension au moyen de bras de leviers est trop contraignante. Mac Connel approuve, puisqu’il les prohibe (les bras de levier) de sa pratique. Il critique à plusieurs reprise les techniques globales en flexion et rotation employée par certains « ostéopathes », techniques qui font beaucoup de bruit mais n’ont aucune efficacité thérapeutique et peuvent parfois même être dangereuse !!
Un geste efficient  : on doit apprendre à soigner dans toutes les positions pour mieux s’adapter aux situations. Il faut savoir s’économiser, jouer avec son poids et celui du patient. « Maximum work with a minimum amount of strenght and labour ».
Dans toutes les positions  : Mac Connel invite ses étudiants à manipuler dans toutes les positions, patient assis, debout, allongé décubitus ventral, dorsal, latéral… Cela permet au thérapeute de pouvoir s’adapter aux contraintes du moment et de rester efficace.

Un travail préparatoire sur le muscle contracturé est souvent effectué avant la manipulation afin de la faciliter, par grasping ou par pression légère qui permet d’inhiber le nerf. (On retrouve ces techniques d’inhibition nerveuse dans de nombreux ouvrages des pionniers). D’autres techniques sont utilisées comme celles décrites sur les régions lombaires et dorsales (Practice of Osteopathy, 1899, p.70). Ses descriptions transpirent la pratique et l’expérience.

Mac Connel élève la manipulation structurelle en la rendant rigoureuse, paramétrée et adaptée. Elle en devient à la fois efficace, reproductible (donc adaptée à l’enseignement) et inoffensive (puisque localisée strictement à la lésion et d’intensité proportionnée). La suite du livre décrit ces manipulations (et autres techniques de relâchement) pour chaque partie du corps, articulation par articulation, position par position. Il serait intéressant de traduire et de tenter de reproduire ces techniques ! Peut être l’objet d’une prochaine expérience.

Le reste de l’ouvrage détaille l’ensemble des pathologies par famille, leurs étiologies et leurs traitements. Il est urgent de le traduire ! Avis aux amateurs.

- Benoît Cauvin pour l’AAEIFSOR 

 Conclusion

Très peu d’ostéopathes ont jusqu’ici travaillé sur l’héritage laissé par Mac Connel. Il semble en être de même outre atlantique. Cela donne la curieuse impression que l’ostéopathie moderne n’assume pas cet héritage ou plus simplement ne sait pas quoi en faire. Qu’importe, il est là. Lorsqu’on étudie l’histoire d’une discipline, on ne sélectionne pas les articles ou les ouvrages qui nous arrange. Ce livre appartient à l’histoire de l’ostéopathie, quoiqu’on en dise. Il en est même, avec ceux de Still, de Hulett et de Dain Tasker, un des piliers fondateurs de la discipline. Pour ma part, celui de Dain tasker, (qui au passage évoque Wharton Hood sur 9 pages -374 à 383- et réhabilite en partie l’héritage de Hood dans la naissance de l’ostéopathie) me semble le plus abouti. Il réalise en 1916 une véritable synthèse de tout ce qui a pu être écrit et dit sur l’ostéopathie à ses débuts. Son regard extérieur et objectif tire le meilleur de chacun des concepts. La discipline a grandit grâce à ses pionniers, elle s’est structurée et densifiée. Ce livre sera le premier manuel scolaire destiné à l’ensemble des étudiants de l’ensemble des académies d’ostéopathie… et fera l’objet d’un prochain article.

 En savoir plus 

- Pour lire « Practice of osteopathic » (3e version) facilement sans se perdre (très à long télécharger - NdW).
- Pour télécharger l’ensemble des ouvrages des pionniers
gratuitement, dont les deux majeurs et fondateurs de la discipline de Hulett et Tasker, c’est ici 
- The practice of osteopathy (1920) 1ère édition 1899 - Téléchargeable sur Archive.org (NdW)
- Clinical osteopathy (1917) Téléchargeable sur Archive.org (NdW).
- On consultera sur le site l’article : Premiers temps de l’Ostéopathie : Carl P. Mc Connel (NdW)

Nous remercions Benoît Cauvin et l’AAE-IFSOR* de l’avoir autorisé à publier cet article
*Associations des Anciens Élèves de l’Institut de Formation Supérieure en Ostéopathie de Rennes – IFSOR
Première publication sur le Site de l’Ostéopathie le 02-12-2013



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