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Réflexions sur la main

Philippe Bolet
 
Créé le : vendredi 15 novembre 2019 par Philippe Bolet

Dernière modificaton le : vendredi 15 novembre 2019

 La main comme manifestation de la pensée

« Instrument des instruments » comme le disait Aristote à son époque.

Paul Valéry, illustration : 1 : Mains dessinées par Paul Valéry. Mention calligraphiques

Prolongement du cerveau, comme l’écrivent certains physiologistes, en effet au niveau cortical il existe une représentation sensorielle et motrice de chaque partie du corps, une projection corticale de l’homme nommée homonculus sensitif et moteur.

L’homonculus : site sur la Plasticité cérébrale

La main sur cet homonculus représente 10 à 50 % de sa surface selon sa fonction ; il est aisé de comprendre dans la cartographie corticale la différence entre la main du pianiste et celle du footballeur. Sur cette main corticale, le pouce à lui seul peut occuper la majeure partie de celle-ci, en effet notre faculté de préhension est essentiellement liée à l’opposition du pouce cela nous différencie du singe. Alexis Carrel, prix Nobel de médecine écrivait que « nous n’aurions jamais acquis la maitrise de la matière sans la main ».

Je pourrais multiplier les citations, cependant j’aimerai surtout vous faire partager une autre notion ; celle de la main comme manifestation de la pensée - du ciel de l’homme vers sa terre - et celle de la main comme éducation de la pensée - de la terre vers son ciel -. La main comme moteur d’une quête de soi et de l’autre ; une main en recherche spirituelle et évidemment, comme ostéopathe, une main pour soigner, pour dynamiser les forces de santé et de guérison en l’homme, c’est mon métier avec mes deux mains. Des mains pour aider l’homme à aller vers lui et retrouver en lui une harmonie, source de vie et de plénitude… des mains en quête de lumière et de souffle de vie en soi et en l’autre.

Rudolf Steiner (1861-1925), médecin philosophe autrichien - Source de l’image : Wikipédia

Pour nourrir cette quête et pour mieux vous faire partager ma vision de la main, j’aimerais vous présenter un de mes référents depuis 30 ans dans cette réflexion sur l’Homme, Rudolf Steiner.

Rudolf Steiner (1861-1925), médecin philosophe autrichien, créa un courant philosophique dès 1913. Courant qu’il qualifia de chemin de la connaissance, lien entre le visible et l’invisible, entre l’homme et les mondes spirituels, l’anthroposophie qui mène du spirituel en l’homme jusqu’au spirituel dans l’univers. Il participera à l’édition des œuvres de Goethe (1749-1832) et rédigera « Goethe et sa conception du monde » et publiera des livres sur Nietze, fréquentera Kafka (1883-1924) et surtout le célèbre peintre russe Kandinsky (1866-1944), un des artistes les plus importants du XXe siècle, toujours en quête de spiritualité, de beauté intérieure qu’il exprimait par le travail des couleurs ; mettre du spirituel dans l’art avec les pinceaux à la main était l’essentiel de son œuvre .

Kandinsky Une voix inconnue (1916), Musée national d’Art Moderne, Centre Georges Pompidou, Paris - Wikipédia

Steiner parcourra l’Europe, en faisant des milliers de conférences pour exposer sa conception de l’homme et de l’univers qu’il avait partagé avec tout ce courant, son œuvre littéraire majeure est « Philosophie de la liberté ».

Sa recherche, est à l’origine d’un projet global, pour l’homme ; à la fois

- éducatif « les écoles Steiner et Waldorf » (un peu comme celles de Montesorri) ;
- thérapeutique, médical et pharmaceutique, la médecine anthroposophique avec les laboratoires pharmaceutiques Weleda ;
- social avec des communautés de vie, il fut aussi le père de l’agriculture biodynamique.

Dans ce concept, l’enseignement intellectuel est articulé avec l’artistique, le manuel et le spirituel ; le corps et la main participent pleinement à l’apprentissage, la transmission seule des savoirs ne suffit plus dans l’éducation. Comprendre l’intérêt et la beauté de tous les domaines du savoir, des mathématiques à l’histoire en passant par le théâtre, la poterie, etc. c’est dans cet esprit que l’enseignement est réalisé avec une participation intensive du corps et de tous ses organes des sens. Actuellement 250.000 élèves de la maternelle au lycée dans le monde suivent ce type d’enseignement de savoir et de vie ; en France 2.500 élèves dans 20 écoles, notamment au sein de « l’école Perceval » de Chatou dont le comité pédagogique est composé de quatre membres éminents en quête d’humanisme, le généticien Albert Jacquard, le biologiste Jean Marie Pelt, le peintre Tomi Ungerer et René Barbier enseignant à Paris VIII.

Nancy Houston écrit que « ce type d’école a fait basculer sa vie », elle y a trouvé des valeurs comme l’humanisme, l’ouverture vers l’autre et le pluralisme, alors qu’elle était en échec scolaire. Depuis 1994, un partenariat important avec l’UNESCO est développé, même si en France la loi anti secte a failli faire fermer ce type de structure.

Le souhait de Steiner était essentiellement d’être à l’origine d’une réforme spirituelle dans les domaines de l’art, de l’éducation, de la politique et de l’économie, de la médecine, de l’agriculture et de la religion chrétienne. La perception intérieure du monde spirituel et la spiritualisation de tous les domaines de la vie constituent le thème central de son œuvre. Dans ses écoles, le développement des perceptions du corps et de la main comme outil d’apprentissage et d’expression, par le travail manuel et le travail artistique, est essentiel. Le corps et notamment la main comme outil de développement des savoirs ne peut plus être négligée, dans le secondaire on apprend l’anglais et le tricot ou la cuisine !

Steiner était persuadé que la connaissance de soi permettrait de « pénétrer progressivement les fondements de l’univers ». Le spirituel s’incarne dans « l’organisme universel », sa manifestation la plus haute et la plus achevée est la pensée humaine et cette pensée comme l’aurait écrit le célèbre théologien Teilhard de Chardin (1881-1955) fait partie de la cosmogonie universelle, en termes simples, nos pensées sont en interrelations avec les pensées de tous ; cette vision du monde préfigurait déjà la mondialisation diffusée par le Net, sans la main qui matérialise nos pensées cette mondialisation du savoir aurait été impossible. C’est la main, outil des outils, qui sera aussi une des manifestations de cette pensée. Derrière le monde visible existe un monde invisible qui est tout d’abord caché aux sens ainsi qu’à la pensée liée à ces sens ; il est possible à l’homme de pénétrer dans ce monde caché s’il développe certaines facultés qui sommeillent en lui ; c’est un voyage intérieur, pour moi la main a été mon guide.

Le développement de la main permet d’entrer dans cette nouvelle dimension, elle permet de faire le lien entre sa perception de l’autre et sa pensée. Cet outil des outils permet en développant sa capacité de perception de rentrer dans un autre monde une autre dimension une autre écoute et compréhension de l’autre… cette main permet de « toucher la vie » « toucher le souffle de vie », cette respiration tissulaire. C’est pour moi l’essentiel de ce qu’est la main, quête de l’autre, rencontre de l’autre.

 La tripartition de l’homme

Steiner a aussi développé une vision de la tripartition de l’homme [1] qu’il avait hérité de diverses traditions vieilles comme le monde.

Corps, âme et esprit - le corps agit, l’esprit pense et l’âme crée - le physique, le non physique éthérique, le métaphysique….- corps physique, corps éthérique (l’aura) et corps astral (corps des désirs, des chakras...) - dans cette construction de l’homme infini, la notion de lemniscate est incontournable.

La lemniscate

La lemniscate c’est une courbe plane en forme de 8 qui possède deux axes de symétrie un vertical et un horizontal et un centre 0 ou G, en forme du signe de l’infini, sa construction fait appel aux suites de Fibonacci et le nombre d’or afin de lui donner « une divine proportion », l’ensemble des structures anatomiques de l’homme peut être étudié avec cette vision spiralée de sa structure et même au sein du noyau de la cellule, notre ADN représente une lemniscate sous forme de deux hélices entrelacées. XV siècles avant JC les Yogis connaissaient en méditation cette notion de spirale énergétique le long du rachis, la Kundalini,

Derviche tourneur

les derviches tourneurs au Moyen Orient tournent comme une toupie pour atteindre une forme de transe avec une main droite dirigée vers le ciel pour obtenir les faveurs d’Allah et une main gauche vers la terre pour répandre ces faveurs.

Ces lemniscates, ces 8, se matérialisent bien dans la représentation que Léonard de Vinci a faite de l’homme de Vitruve, cet homme parfait intégré dans l’étoile !! Cet homme aux proportions parfaites est construit sur ce principe de lemniscates, Léonard de Vinci ne posait pas de frontière entre l’art et la science&nbsp ;

La lemniscate de Bernouilli

cette lemniscate de Bernouilly selon certains mathématiciens, rappelle le jeu du diabolo, le sablier, c’est d’ailleurs ce type de courbe qui a permis à l’homme d’aller sur la lune grâce au LEM, qui a décrit une lemniscate pour se rendre sur cet astre. Ces lemniscates dans l’homme se matérialisent dans les trois plans de l’espace (comme la kundalini), cependant pour simplifier dans la structure globale de l’homme imaginez là verticalement avec une boucle supérieure la tête, un centre O ou G au niveau du thorax et abdomen, une boucle inférieure les membres inférieurs et supérieurs ; symboliquement la pensée élaborée dans la tête est mise en mouvement dans le corps par le thorax, là où ça vibre (le cœur, les poumons le diaphragme) et enfin réalisée par les membres inférieurs et supérieurs, qui deviennent l’expression de la pensée. Cette lemniscate sur l’ensemble du corps peut être visualisée sur un membre avec une épaule qui représente la pensée du mouvement du membre supérieur, un coude qui met en mouvement cette pensée et enfin une main qui réalise cette pensée… Enfin la boucle est bouclée la pensée est matérialisée par la main qui aura besoin d’un outil… et le travail de cette main influencera en retour la pensée de l’homme.

L’homme de Vitruve

Peu de substantifs peuvent s’allier à autant de verbes ; la main masse, touche, attouche, effleure, caresse, impose, prend, serre, tient, soulève, agrippe, enserre, étreint, saisit, arrache, glisse, échappe, se promène, se balade, cueille, pince, scelle, donne, vole, offre, épouse, cède, s’abandonne, reçoit, retient, sème, façonne, exécute, manipule, travaille, écrit, applaudit, supplie, frappe, lance, tue, prie, bénit, aime …..Tous ces verbes et bien d’autres avec comme sujet les mains, expriment et manifestent un grand nombre de nos pensées et de nos actes. La main est bien l’outil des outils, elle servait aux bâtisseurs des cathédrales à réaliser leur projet conçu dans leur esprit et leurs pensées, elle nous sert à évoluer.

Pour un développement complet de l’être et du faire, il est nécessaire que ce sens du toucher lié à l’éducation de la main soit associé au développement des 4 autres sens que sont l’ouïe, l’odorat, le goût, la vision ; ces 5 sens symbolisant les 5 points de l’étoile dans laquelle Leonard de Vinci a construit l’homme parfait en harmonie corps, esprit et âme.

 Source des images

Image de la main
Paul Valéry, illustration : 1 : Mains dessinées par Paul Valéry. Mention calligraphiques : "2° de l’opération de l’esprit, (...) L’œil et la main", Cahiers , Fonds Paul Valéry Gallica, B.N.F, Paris. Image publiée par Renaud SUBRA dans son mémoire : « La main, siège de l’esprit créateur ? Une préoccupation valéryenne suspendue ». Mémoire de Renaud SUBRA - Master II Arts Recherche - Année 2011/2012 - Université Bordeaux 3 - UFR Humanités - Directeur de recherche : Pierre SAUVANET. Consultable sur www.cryrs.com (format pdf).

Image de l’homonculus
Site sur la Plasticité cérébrale

Rudolf Steiner
(1861-1925),médecin philosophe autrichien : Wikipédia

Kandinsky
Une voix inconnue (1916), Musée national d’Art Moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, Source : Wikipédia

Les autres images provinnent du © Site de l’Ostéopathie

 Note

1. « Le temps de la tripartition et la fondation de l’école Waldorf à Stuttgart en 1919 » avec une étude sur Rudolf Steiner et sa pédagogie ainsi que l’évolution des écoles Waldorf entre 1919 et 1938.Mémoire de maîtrise d’histoire, écrit par Peter Geiger sous la Direction de M.P. Ayçoberry, professeur d’histoire contemporaine à la Faculté de l’Université des Sciences Humaines et Sociales, Strasbourg.1987. www.triarticulation.fr/AtelierTrad/Geiger.pdf /tabs

Le Site de l’Ostéopathie (SDO) remercie Philippe Bolet de l’avoir autorisé à publier cet article
1re publication sur le SDO le 25-03-2015



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