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Les principes au cœur de la philosophie ostéopathique

Stephen Paulus
 
Créé le : lundi 4 mars 2019 par Stephen Paulus

Dernière modificaton le : dimanche 17 janvier 2021

Traduit de l’américain par Pierre Tricot, janvier 2014.
L’auteur : Steve Paulus, DO, est ostéopathe et pratique l’ostéopathie aux USA depuis 23 ans. Il est un historien américain reconnu de l’ostéopathie et propose des conférences dans le monde entier sur les questions relatives à la philosophie clinique de l’ostéopathie et les enseignements d’A. T. Still. Pour plus d’informations concernant l’histoire et la philosophie de l’ostéopathie, consulter le site Internet : www.OsteopathicHistory.com ou www.StevePaulus.com. Pour proposer des commentaires sur Les principes essentiels de l’ostéopathie, contacter le Dr Paulus à l’adresse osteopathichistroy chez gmail.com.

 Résumé

L’approche ostéopathique des soins de santé ne se fonde pas sur la conduite séquentielle de techniques manipulatives, mais sur la mise en pratique de la philosophie ostéopathique dans un contexte clinique. Historiquement, peu de tentatives ont été menées dans le but de créer un ensemble de principes cliniques directeurs pertinents. Au sein d’un environnement de soins de santé offrant de nombreuses possibilités de choix, la profession ostéopathique a besoin d’une ensemble unique de principes historiquement justes, exprimant ce qui la distingue de la médecine alternative comme de la médecine classique. Les dix principes essentiels ci-dessous énoncés dérivent des nombreux écrits d’Andrew Taylor Still et sont une amélioration et une transposition du style d’écriture typique du 19e siècle en celui du 21e siècle.

Mots clés
Médecine ostéopathique ; Manipulation ostéopathique ; Traitement manipulatif ostéopathique ; Manipulation musculo-squelettique ; Thérapies manuelles ; Médecins ostéopathes ; Docteur en ostéopathie ; Ostéopathe ; Médecine holistique ; Médecine globale.

 Introduction

Andrew Taylor Still a découvert et développé un système curatif, à la fois art et science, qu’il a appelé ostéopathie. Le système de soin qu’il a créé se fonde sur les actions thérapeutiques de la manipulation ostéopathique. L’approche ostéopathique ne se fonde pas sur la conduite séquentielle de techniques manipulatives, mais sur la mise en pratique de la philosophie ostéopathique dans un contexte clinique. La manipulation ostéopathique est l’application pratique de la philosophie ostéopathique, mais qu’est la philosophie ostéopathique et comment pouvons-nous l’appliquer en clinique ?

Toute bonne philosophie contient un ensemble de principes guides. S’il est extrêmement difficile, sinon impossible, de définir succinctement l’ostéopathie, il est pourtant possible de décrire un certain nombre de principes essentiels et de parvenir ainsi à une philosophie cliniquement pertinente. L’ostéopathie est un domaine artistique et scientifique particulièrement vaste, soumis à de nombreuses interprétations. Il est essentiel qu’une tentative historiquement précise soit menée pour rassembler les composants les plus exceptionnels des enseignements de Still, de manière que l’ostéopathie puisse être connue comme distincte et unique.

Depuis le décès de Still en 1917, peu d’efforts ont été entrepris pour condenser ses enseignements si divers et parfois si elliptiques en un ensemble de principes compréhensibles et concis. La tentative dominante pour créer un ensemble de principes guides a été publiée en 1953 par un comité de praticiens DO américains qui ont créé ce qu’ils ont appelé les concepts ostéopathiques (1). Leur version se limitait aux quatre principes suivants :

1. Le corps est une unité.
2. Le corps possède des mécanismes auto-régulateurs.
3. Structure et fonction sont réciproquement reliées.
4. Une thérapie rationnelle se fonde sur une compréhension rationnelle de l’unité du corps, des mécanismes auto-régulateurs et de la relation mutuelle de la structure et de la fonction.

Plus récemment, ces quatre principes ostéopathiques ont été édités dans cette nouvelle interprétation de la philosophie de Still (2) :

1.Le corps humain est une unité de fonction dynamique.
2. Le corps possède des mécanismes auto-régulateurs qui sont auto-guérisseurs par nature.
3. Structure et fonction sont mutuellement reliées à tous les niveaux.
4. Un traitement rationnel se fonde sur ces principes.

Il arrive parfois qu’une tentative pour organiser une collection complexes d’idées en quelques principes simplifiés élimine les valeurs essentielles d’une philosophie. En voulant trop simplifier un système aussi complexe que l’ostéopathie, ne desservons-nous pas notre profession ? Les quatre principes de l’ostéopathie proposés en 1953 et révisés en 2009 n’expriment pas le caractère distinctif de l’ostéopathie. Il sont plutôt un vague ensemble d’idées que de nombreux professionnels de la santé non-ostéopathes et praticiens de médecine alternatives défendent également.

La philosophie ostéopathique moderne s’est tout d’abord fondée sur un ensemble de principes non-écris et implicites transmis dans la tradition orale. En tant qu’historien de l’ostéopathie, j’ai abondamment étudié la vie et l’œuvre d’Andrew Taylor Still. De plus, j’ai exploré les écrits des ostéopathes pionniers des premiers temps qui ont exprimé leur compréhension de la formation originale reçue du fondateur de l’ostéopathie vers la fin des années 1800 et les premières années 1900. J’ai adopté le point de vue de William Garner Sutherland qui nous demandait de « lire entre les lignes » les écrits de Still, afin d’acquérir meilleure connaissance et perspicacité et de découvrir pour nous-mêmes les trésors à nous transmis par Andrew Taylor Still dans son imposant corpus écrit (3).

Nous avons besoin d’un ensemble de principes essentiels qui nous permettent de nous distinguer en tant qu’ostéopathes. J’ai rassemblé ce que je considère comme les dix principes de l’ostéopathie les plus importants et les plus accessibles. À l’évidence la philosophie de l’ostéopathie est plus vaste et beaucoup plus expansive que ces dix principes. Cependant, il est essentiel pour nous d’embrasser une version plus compréhensible et plus pratique de la philosophie de l’ostéopathie que cette simplification outrancière non distinctive.

 Les principes essentiels de l’ostéopathie comprennent

1. Les êtres humains fonctionnent de manière holistique en un état dynamique d’unité connectée.

Le terme d’« holisme » n’a été forgé qu’en 1926 et il est resté confidentiel et quasiment inconnu jusqu’au début des années 1960 (4). L’holisme se fonde sur la philosophie d’Aristote selon laquelle le tout est plus grand que la somme des parties. Le concept d’holisme est par essence une loi de la nature. C’est l’expression écologique de l’équilibre pour les êtres humains intégrés à leur environnement. Dans une vision très aristotélicienne, Still exprime l’holisme lorsqu’il affirme : « Nous considérons le corps en parfaite santé comme signifiant perfection et harmonie, non dans une partie mais dans le corps entier... » (5).
Le concepts d’holisme infiltre toute l’œuvre de Still et constitue un composant indispensable à la philosophie ostéopathique de base. Nous avons identifié plusieurs mots clés, ou termes correspondants à holisme utilisés par Still. Ils incluent :

Unicité connectée, harmonie, la totalité, l’être tout entier, système entier, tout commun, corps humain en tant que tout, perfection et harmonie de l’ensemble du corps, fonctionnement du corps unifié, l’ensemble avec action harmonieuse, combinaison harmonieuse, unité dans la forme, non pas une partie, mais l’ensemble du corps, achevé dans la forme, universalité du fascia, harmonie mécanique, l’homme dans sa forme achevée et son équilibre normal.

L’expression la plus fascinante de la perception stillienne de l’holisme est celle d’unité connectée. Ce terme est enfoui dans un obscur paragraphe de Philosophie et principes mécaniques de l’ostéopathie et le concept est résonnant avec la manière dont Still fait ressortir l’harmonie, l’entièreté, l’universalité, l’équilibre, la balance et l’interconnectivité des systèmes (5).

2. En présence de maladie ou de blessure, corps et psyché ont la capacité de s’auto-guérir ou de s’adapter. Le respect de cette loi naturelle constitue le fondement de tout traitement.

Still n’a pas nommé les forces de guérison ; il s’y réfère généralement sous le terme générique de Nature. Certaines de ces forces ont été identifiées par la science moderne et d’autres sont ineffables. Still était très explicite en affirmant que l’œuvre de guérison est accomplie par la Nature, à laquelle il accorde l’ascendance (signifiant reconnaissance) pour l’auto-guérison, avec l’aide de la manipulation ostéopathique (6).« La Nature ne cherche pas d’excuse. Elle fait le travail... (7) ». La nature accomplit la réparation et met en place les actions thérapeutiques. La Nature est le véritable médecin qui accomplit les actes ultimes de guérison et les ajustements compensateurs bénéfiques. Si, en tant qu’ostéopathes, nous parvenons à enlever les obstructions qui provoquent la maladie et à soutenir les conditions qui favorisent la guérison, alors la chimie, la pharmacie et les remèdes de la Nature peuvent accomplir les actions nécessaires pour rétablir l’équilibre à tout niveau nécessaire pour ce patient particulier. Still insistait sur l’idée que « la Santé, c’est la Nature » et que la guérison émerge de ce qui chez nous est sain et non de ce qui est malade (5). Notre maxime d’ostéopathe s’exprime au mieux dans cette affirmation sentinelle de Still : « Trouver la santé devrait être l’objectif du médecin. N’importe qui peut trouver la maladie (8) ».

3. La relation mutuelle entre structure et fonction, touche la santé générale du corps entier. La structure (anatomie) et la fonction (physiologie) sont interconnectées et inséparables, dans la maladie comme dans la santé.

Still n’a jamais utilisé la phrase « structure et fonction sont mutuellement reliées. » Mais il a utilisé d’autres expressions qui relient fondamentalement structure et fonction. Il a affirmé : « L’ostéopathie et la science qui [aide le corps] rétablit son équilibre normal de structure et de fonction (6) ».La compréhension du lien essentiel et mutuel entre l’anatomie (structure) et la physiologie (fonction) constitue un fondement indiscuté sur le manière dont les ostéopathes voient et perçoivent le corps, sain et malade. D’un point de vue clinique, nous utilisons la relation mutuelle de la structure et de la fonction pour informer le traitement manipulatif ostéopathique. Still le dit bien mieux lorsqu’il déclare : « La philosophie de la manipulation se fonde sur une connaissance absolue de la forme et de la fonction. » (7)

4. Un diagnostic anatomique précis s’établit en utilisant une palpation pratique du corps. Une fois le diagnostic établi, un plan de traitement ostéopathique adapté au patient peut être élaboré.

La science de l’ostéopathie ne saurait exister sans une connaissance et une compréhension des complexités de l’anatomie, l’unité anatomique étant un des composant de l’holisme. Still dit : « Nous savons que pour espérer connaître le tout, il nous faut tout d’abord connaître les parties (5) ». En connaissant l’anatomie, nous pouvons établir un diagnostic plus précis. En établissant un diagnostic précis, nous sommes plus aptes à appliquer un traitement manipulatif ostéopathique précis. En appliquant un traitement manipulatif ostéopathique spécifique, non seulement nous enlevons les obstructions focales à l’auto-guérison mais augmentons également la santé locale et globale des tissus. En rétablissant la capacité du corps à s’auto-guérir, nous laissons les forces naturelles de guérison faire le travail de réparation, permettant ainsi le rétablissement de l’holisme.

5. Le système musculo-squelettique (os, muscles et tissus conjonctifs) possède une structure- fonction unique qui retentit sur la santé générale de l’organisme tout entier. Lorsque le système musculo-squelettique échoue à remplir son rôle normalement, c’est l’organisme entier qui peut souffrir de désordres localisés ou généraux.

Lorsque Still dit : « Les principes mécaniques sur lesquels se fonde l’ostéopathie sont aussi vieux que l’univers (7) », il fait référence à ce que nous appelons aujourd’hui la biomécanique. Un sous-titre de chapitre de l’un de ses livres s’intitule : « D’abord les os (5) ». En insistant sur le fait que les ostéopathes possèdent une connaissance intime de l’anatomie, il se référait habituellement aux os, mais aussi aux muscles et tissus conjonctifs, en précisant la manière dont ils constituent un bâti mécanique et procurent un portail essentiel ou une prise permettant l’accès aux autres tissus et fonctions corporels. Il n’a pas limité son travail à l’os, aux muscles et aux tissus conjonctifs mais utilisait souvent le système musculo-squelettique comme point de départ de sa philosophie de la manipulation. Il reconnaissait également qu’un désordre ou dérangement anatomique spécifique localisé provoquait souvent des problèmes distants et globaux venant bouleverser l’équilibre de l’ensemble du corps.

6. Les perturbations structurales ou fonctionnelles du système musculo-squelettique, aussi bien que de tout autre système du corps sont traitées par l’application d’un traitement manipulatif ostéopathique individualisé.

La médecine ostéopathique est un système de soin qui dépend de l’utilisation d’une procédure manuelle spécifique, anatomiquement précise et patiente connue sous le nom de traitement manipulatif ostéopathique. L’ostéopathie ne saurait exister sans l’inclusion de la manipulation ostéopathique.

De plus, posséder une connaissance anatomique sans la compréhension de la manière d’effectuer des changements dans l’anatomie via la manipulation ostéopathique s’avère cliniquement sans intérêt. Still l’a mieux encore exprimé en disant : « Une connaissance anatomique est un poids mort si nous ne savons pas comment l’appliquer avec habileté (5). » Il dit également :

« Qu’est-ce que l’ostéopathie ? C’est une connaissance scientifique d’anatomie et de physiologie, utilisée par une personne intelligente et habile, capable de l’appliquer à l’homme malade ou blessé par des tensions, des coups, des chutes, une anomalie mécanique ou un accident. L’ostéopathe moderne doit avoir une connaissance magistrale de l’anatomie et de la physiologie. » (5).

En tant qu’ostéopathes modernes, nous devons constamment nous demander si notre connaissance de l’anatomie et de la physiologie est cliniquement à la pointe, si nous utilisons cette connaissance intelligemment, si nous améliorons nos outils manuels ostéopathiques et si nous évoluons.

7. Le but d’un traitement manipulatif ostéopathique est de rétablir la capacité naturelle à l’auto-guérison – ou à compenser de manière créative en augmentant la santé locale et mentale du corps et en enlevant l’obstruction à la circulation correcte du sang, des fluides et de la fonction nerveuse, permettant le rétablissement du mouvement.

Still n’a jamais utilisé le terme de lésion ou de dysfonction somatique ostéopathique. Si ces termes n’existaient pas lorsque le fondateur a développé le système ostéopathique de soin, alors que diagnostiquait-il et traitait-il ? Quels sont les empêchements à la santé. Qu’est-ce qui empêche le corps d’initier une action d’auto-guérison ? À qui doit s’adresser le diagnostic et la manipulation ostéopathiques dans les tissus pour aider au rétablissement du mouvement et pour augmenter la capacité naturelle du corps à s’auto-guérir ?

L’expérience que font les ostéopathes du « normal » est incorporée aux enseignements de Still. Il insiste sur le fait « qu’un ostéopathe raisonne à partir de sa connaissance en anatomie, compare le fonctionnement du corps anormal au fonctionnement du corps normal (7). » En tant qu’ostéopathe, si nous voulons comprendre pratiquement ce qui est anormal, nous devons avoir une connaissance intime de la structure et de la fonction normales. Pour nous, connaître le cliniquement normal demande de la patience, une dévotion à la pratique et un engagement à apprendre les uniques anatomie et physiologie trouvées en différentes situations cliniques.

J’ai examiné tous les écrits de Still à la recherche de mots clés révélant les catégories de maladie anatomiquement localisées ou des empêchements fonctionnels qu’il a identifiés pendant le processus diagnostique, puis traités par manipulation ostéopathique. Pour décrire ses expériences cliniques, Il a utilisé les termes clés suivants :

Variation de la santé, variation de la santé parfaite, santé ou vitalité diminuée,vie éreintée, dysharmonie, fonction désordonnée, déviations de la normale, déplacements, désorganisation, obstructions, interférence, dérangement mécanique, contrainte, choc localisé, zones de friction, effets distincts de la cause, privation de nourriture musculaire, irritation nerveuse, paralysie locale de nerfs, zones d’inhibition ou de stimulation neurologique, interruption d’apport nerveux, accumulations non-naturelles de fluides, vaisseaux circulatoires resserrés, serrage, contraction du passage du sang, congestion, stagnation, œdème, sang suspendu, congestion veineuse, congestion du fascia, accumulation de fluides, fluides malades, forces suspendues, démonstrations non-naturelles, fluides morts, fluides dévitalisés, et portes fermées.

Une intervention ostéopathique comporte trois composants clés. D’abord, nous établissons un diagnostic anatomique détaillé, tout en vérifiant la vitalité des tissus. Ensuite, nous appliquons un traitement manipulatif ostéopathique spécifique aux tissus et au patient, tout en prêtant attention au milieu non-matériel. Finalement, nous laissons la nature faire son œuvre de réparation et de rénovation, de rétablissement du mouvement et de compensation créatrice. En tant qu’ostéopathes nous nous contentons d’assister la nature en enlevant ce qui empêche la pleine expression de l’holisme et aidons à promouvoir les conditions qui accélèrent les processus ostéopathiques. En tant qu’ostéopathes, notre travail n’est pas mathématiquement additif, mais logarithmiquement expansif. Still enseignait que « L’harmonie ne peut exister que là où il n’y a pas d’obstruction (8) ».

8. L’ostéopathie est un système de santé fondé sur le fait de trouver et de traiter les causes d’une maladie ou d’une blessure plutôt que simplement essayer de s’adresser au symptôme. La douleur est un symptôme, pas une maladie. Si l’on se contente de traiter exclusivement la douleur, sans se préoccuper de remonter jusqu’à l’origine de ce qui la provoque, les actions thérapeutiques sont alors limitées. Les causes de la douleur sont souvent distantes des symptômes.

Still le dit mieux que cela lorsqu’il déclare : « J’insiste pour dire que je considère le traitement des effets comme étant aussi indésirable que de voir un pompier combattre la fumée sans prêter attention à la cause qui la produit (7) ». Les effets (la fumée) sont les symptômes. S’adresser à la cause (le feu) est l’objectif du traitement ostéopathique. La douleur est un effet courant. Parfois, l’effet/fumée se confond avec la cause/feu et en traitant la douleur, nous traitons la cause. Mais la plupart du temps, l’effet/fumée/douleur est distant de la cause et la philosophie ostéopathique exige que nous trouvions cette cause distante et nous adressions à la dysfonction qui crée la réaction maladive.

9. Il existe deux manières distinctes et mutuellement reliées de percevoir au cours du diagnostic et du traitement ostéopathique. Le champ matériel est tangible et contient les éléments biomécaniques qui sont formés par l’anatomie palpable et les fonctions physiques, objectives et mesurables. Le champ non-matériel est invisible et se réfère aux éléments subjectifs bioénergétiques qui sous-tendent la forme matérielle. Le champ non-matériel est l’expression de fonctions subtiles ou de forces inhérentes. Les champs matériel et non-matériel sont unifiés en un état dynamique d’unité connectée.

Cachée dans les écrits de Still, on trouve une distinction perceptuelle essentielle qui aide le diagnostic et le traitement ostéopathiques. Still a délimité deux accès perceptuels auxquels il se réfère en tant que « visible et invisible (5), » et en tant que « matériel et immatériel (5) ». (Je propose d’utiliser le terme de non-matériel parce que dans les définitions de l’anglais moderne, le terme immatériel a des définitions qui ne conviennent pas). Le champ matériel est visible, tangible, objectif et mesurable. Il comprend les éléments physiques quantifiables contenus dans les fonctions anatomiques et physiologiques. Le champ non-matériel coexiste avec les éléments matériels, invisibles, intangibles, subjectifs et non-mesurables. Il contient les éléments de la Nature qui vivifient la structure. Still révèle davantage concernant le non-matériel lorsqu’il affirme :

« La Nature possède-t-elle une matière plus subtile, invisible, mais qui anime tout ce qui est visible pour nous ? À coup sûr, la vie est une substance très subtilement préparée, force animatrice de la Nature, ou encore, force qui anime toute la nature, des univers aux atomes. Elle semble être une substance contenant tous les principes de construction et de mouvement, possédant le pouvoir de doter ce qu’elle construit des attributs nécessaires à transformer l’objet conçu à partir de la matière en être vivant (5) ».

Pour accéder efficacement au non-matériel, nous utilisons nos mains afin d’établir un contact intelligent avec le corps du patient. « Tous les principes de mouvement et de vie, ainsi que tous les remèdes à utiliser en cas de maladie. Il les a placés quelque part dans la structure (6) ». En tant qu’ostéopathe, grâce à notre connexion aux structures, nous accédons à l’invisible qui mobilise tout ce qui est visible.

Les principes cliniques pratiques permettant d’accéder au corps en tant que mécanique matérielle, connectée de manière concomitante aux « qualités vitales de la Nature. »8 sont essentiels à l’approche stillienne de l’ostéopathie. Lorsque William Sutherland affirme : « Le Dr Still ne pouvait parler de toutes les choses qu’il comprenait à propos du corps humain vivant. Nous n’étions pas prêts à l’entendre, » je crois qu’il se réfère aussi aux forces non-matérielles invisibles au sein du corps (3). Les marées et les phénomènes de respiration primaire décrits par Sutherland sont des attributs du non-matériel.

10. La pierre angulaire du système de soins ostéopathiques se fonde sur la confiance envers les forces innommées de la guérison, qui sont en concordance avec la Nature. Chaque ostéopathe cultive une pratique auto-réflective et tend vers ce travail intérieur pour procurer un traitement ostéopathique intimement interconnecté.

Andrew Taylor Still avait une profonde vie intérieure, laquelle a grandement influencé le développement de l’ostéopathie. En tant que praticiens de santé du 21e siècle, nous nous sentons souvent mal à l’aise avec les discussions d’idées religieuses, avec la spiritualité et les références au sacré. Il est important de remarquer que l’ostéopathie n’est pas et n’a jamais été une religion pas plus qu’elle n’a eu d’intentions religieuses. Still était profondément spirituel, mais il n’était pas religieux. Il n’a jamais fait la promotion d’une croyance ou d’une autre et était très ouvert d’esprit relativement aux choix personnels de chacun en matière de religion. Il a en revanche demandé que nous reconnaissions la source de la guérison, révélant que « L’ostéopathie est à mes yeux une science particulièrement sacrée. Elle est sacrée parce que dans toute la nature existe un pouvoir de guérison. » (7). Still était un mystique, pas seulement physicien (médecin), mais également métaphysicien, introduisant un sens de l’holisme s’étendant bien au-delà du corps physique. Avec éloquence, il affirmait : « Ici, vous vous trouvez au-delà des longs discours, et utilisez votre esprit avec la plus profonde et silencieuse application ; buvez à longs traits à l’éternelle fontaine de la raison, pénétrez la forêt de cette loi dont les merveilles sont la vie et la mort. Connaître tout d’un os, dans son entier, nécessiterait l’éternité (6) ». Point n’est besoin de proclamation ou de tentatives alambiquées pour définir l’indéfinissable. Still était intentionnellement vague concernant les détails de son approche personnelle de la spiritualité, mais il était convaincu que ses étudiants seraient de meilleurs ostéopathes s’ils reconnaissaient que quelque chose de plus grand influence les actions thérapeutiques initiées par les interventions ostéopathiques.

L’ostéopathie a toujours été plus grande que la somme de ses parties. Cependant, pour mieux expérimenter l’holisme de l’ostéopathie, nous devons décrire en détails un ensemble de principes essentiels informant notre travail. Ces principes essentiels distinctifs donnent à quiconque apprécie l’approche ostéopathique des soins de santé, un fondement cliniquement pertinent. Plus important encore, ces principes sont historiquement pertinents et sont dérivés des nombreux écrits d’Andrew Taylor Still. Ils sont une amélioration et une transposition du style d’écriture typique du 19e siècle en celui du 21e siècle.

 Références

1. Commission spéciale sur les principes et les techniques ostéopathiques, Collège d’Ostéopathie et de Chirurgie de Kirksville. Une interprétation du concept ostéopathique. Tentative de formulation d’un guide d’enseignement pour le corps enseignant et le staff hospitalier et le corps étudiant. J. Osteopathy 1953 ;60:7-10.

2. Educational Council on Osteopathic Principles de l’American Association of Colleges of Osteopathic Medicine. Glossary of osteopathic Terminology. Chevry Chase, Maryland 2009. p. 33. www.aacom.org/resources/bookstore/Documents/GOT2011ed.pdf

3. Sutherland WG dans : Sutherland Adah, Wales Anne, éditeurs. Contributions of Tought. Portland, Oregon : Rudra Press ; 1998. p. 351.

4. Smuts JC. Holism and Evolution. New York : The Macmillan Company ; 1926. p. 86. https://archive.org/details/holismandevoluti032439mbp

5. Still AT. Philosophy and Mechnical Principles of Osteopathy. Reprinted, Kirksville, Missouri : Osteopathic Enterprise 1986. Originally published, Kansas City, Missouri : Hudson Kimberly Publishing Co ; 1902. p. 18-44, 73, 255-6. https://archive.org/details/philosophymecha00stil En français : Philosophie et principes mécaniques de l’ostéopathie, Vannes, Sully, 2008. p. 66, 64, 76, 51, 49, 379, 378, 297.

6. Still AT. Autobiography of A. T. Still. Reprinted, Colorado Springs, Colorado : The American Academy os Osteopathy 1981. Originally published, Kirksville, Missouri : Self-Printed by A. T. Still ; 1910. p. 2-14, 66. https://archive.org/details/autobiographyofa00stiliala
En français : Autobiographie d’A. T. Still, Vannes, Sully 1998. p. 132, 209, 360, 178, 135.

7. Still AT. Osteopathy research and practice. Reprinted and reformatted, Eastland Press, Seattle 1992. Originally published Kirksville, Missouri : Self-Published by A. T. Still ; 1910. p. 2-14, 66. https://archive.org/details/osteopathyresea00stilgoog
En français : Ostéopathie, recherche et pratique, Vannes Sully, 1999. p. 28, 35, 5, 21, 16, 20.

8. Still AT. Philosophy of Osteopathy. Reprinted, The American Academy of Osteopathy, Colorado Spring, Colorado 1977. Originally published Kirksville, Missouri : Self-Published by A. T. Still ; 1899. p. 28, 146, 197. https://archive.org/details/philosophyofoste00stil
En français : Philosophie de l’ostéopathie, Vannes, Sully 1999. p. 51, 110, 83.

Article paru dans l’International Journal of Osteopathic Medicine, Volume 16, Issue 1, pages 11-16, Mars 2013 www.journalofosteopathicmedicine.com/article/S1746-0689%2812%2900070-3/abstract sous le titre An historical perspective on principles of osteopathy par Steve Paulus - Article reçu par le IJOM le 19 février 2012 ; révisé 5 juillet 2012 ; accepté 16 août 2012 - © 2012 Elsevier Ltd. Tous droits réservés. Publié avec l’autorisation des éditions Elsevier www.elsevier.com
© 2013 Elsevier Ltd. Tous droits réservés.
© 2014 SARL Site de l’Ostéopathie pour la traduction française
1re publication sur le Site de l’Ostéopathie le 3 février 2014



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