SDO 8 – 50A – La « dysfonction ostéopathique », un pur concept a priori ?*

En ostéopathie on oppose la dysfonction à la lésion en usage dans la médecine. La lésion est une zone où ont lieu des altérations tissulaires (inflammation, nécrose, etc … donc symptomatiques et du ressort classique de la médecine. Une Dysfonction ne présuppose pas une telle altération tissulaire (même si les deux peuvent en partie coexister) mais est qualifiée comme une perte de mouvement, macro ou micro, une diminution de la capacité à être mobilisée. On sous entend que cette état dysfonctionnel altère le fonctionnement des tissus en dysfonction (cf tenségrité et mécano transduction). Cet état dysfonctionnel, s’accompagne ou non de douleur qui n’est qu’une résultante possible. La preuve de la dysfonction devrait alors se faire en mesurant les quantités de mouvements perdues. Peut être mesurables s’il s’agit de la rotation d’une vertèbre par exemple, mais impossible à apprécier avec un écran quand on teste le mouvement d’un organe par rapport à un autre. D’où les querelles sans fin quantitatif contre qualitatif …. Une main entraînée perçoit qualitativement cette perte de mobilité (densité des tissus, résistance au mouvement, etc ..) et perçoit de facto l’amélioration qui entraîne régulièrement une amélioration de la fonction du dit tissus (fut-ce l’hypophyse dans le crâne !). La preuve radiologique à laquelle monsieur Lepers s’est longtemps attaquée supposerai qu’à un même stimulus (mais est ce possible d’en imaginer un simple quand on parle d’un amas de milliards de cellules ?) la pièce sélectionnée réagisse toujours pareil. Hors l’expérience clinique prouve que la simple rotation d’une C4 dépend de 10 000 choses, dont l’état du bassin, du genou, sans parler de viscères, etc. Donc sans tenir compte de tout cela, on ne peut mesurer une simple rotation et conclure … La mécanique articulaire dans laquelle on voudrait enfermer l’ostéopathie n’existe tout simplement pas. Une mécanique tenségritive serait tout à fait plus appropriée, encore faudrait-il adjoindre à sa réaction purement physique (réarrangement des microtubules) sa réaction à la nourriture, aux pensées, aux émotions, à l’histoire vécue, à l’environnement large …

++++Présentation Yves Lepers (1), Walid Salem (1,2) – La « dysfonction ostéopathique », un pur concept a priori mainslibres_16_04a.jpg Mains Libres, 4-2016; 43-47 – www.mainslibres.ch 1. Unité de recherche en ostéopathie, Faculté des Sciences de la Motricité, Université libre de Bruxelles, Belgique. 2. Haute école Bruxelles-Brabant (ISEK), Bruxelles, Belgique Résumé L’ostéopathie naît au XIXe siècle, de la pensée d’Andrew Taylor Still. Il est médecin et pour lui, l’homme fait à l’image de Dieu ne peut être que parfait. S’il tombe malade c’est uniquement en raison de forces extérieures à lui-même. Ces contraintes peuvent entraîner une ou plusieurs « lésions ostéopathiques ». La lésion ostéopathique est une modification des rapports entre certaines structures anatomiques. L’avènement de l’imagerie médicale n’ayant pas validé l’existence de ce concept, les successeurs de Still créent la dysfonction ostéopathique afin de conserver leur identité. Cet argument ad hoc ne sera jamais, à son tour, validé par les sciences expérimentales. L’abandon des principes métaphysiques fondateurs au profit de modèles issus des sciences expérimentales et cliniques est la seule voie à suivre pour l’intégration d’une ostéopathie progressiste au sein de la médecine moderne. Mots clés : Lésion ostéopathique, dysfonction ostéopathique, science, métaphysique, diagnostic. The « osteopathic dysfunction », a pure a priori concept – Y. Lepers, W. Salem Abstract Osteopathy was born in the nineteenth century, from the thought of Andrew Taylor Still. He was a doctor and for him, man was made in the perfect image of God. If he gets ill, it is only because of forces external to himself. These constraints can supposedly lead to one or more «osteopathic lesions». The osteopathic lesion is a modification of the relations between certain anatomical structures. As the advent of medical imaging did not validate the existence of this concept, the successors of Still created osteopathic dysfunction in order to preserve their identity. This ad hoc argument will never, in turn, be validated by the experimental sciences. The abandonment of foundational metaphysical principles in favor of models from experimental and clinical sciences is the only way to integrate progressive osteopathy into modern medicine. Keywords: Osteopathic lesion, osteopathic dysfunction, science, metaphysics, diagnosis ++++L’ article Une tentative de rationalisation de la médecine Andrew Taylor Still invente l’ostéopathie au 19e siècle. Ce médecin, déçu par les pratiques empiriques de la médecine de son temps, veut en rationaliser les fondements. Il est fortement influencé par sa culture religieuse méthodiste ainsi que par l’observation de la nature et en particulier de l’anatomie. Sa théorie est simple, voire simpliste : le sang, à la manière d’une rivière, transporte des « semences de vie » (blood seeds) qui apportent la « force vitale » aux différents organes. D’autre part, l’homme étant fait à l’image de dieu, il en possède la perfection. Dès lors, la maladie étant une imperfection, selon lui l’ensemble des problèmes de santé ne peut avoir pour origine que des contraintes externes entraînant une diminution de la circulation de ces fameuses semences. Ces forces extérieures (chocs, chutes ou encore répartition « anormale » des forces gravitationnelles) engendrent des luxations articulaires au sens strict, elles-mêmes sources de contractures musculaires ralentissant la circulation de la force vitale. La maladie n’existe donc pas en tant que telle et Still réfute tout modèle ontologique de la maladie. La lésion ostéopathique Pour Still, il suffit de parfaitement connaître l’anatomie pour corriger manuellement les « dislocations » responsables de l’ensemble des phénomènes pathologiques. En effet, toujours selon le maître, il existe plusieurs stades de luxation. Cela va de l’expulsion complète à l’infime déplacement, mais néanmoins suffisant, pour entraîner contracture, compression vasculaire, ralentissement de la force vitale et finalement la pathologie. Il faut, par conséquent, une connaissance exhaustive de l’anatomie pour reconnaître pareilles « subluxations » qu’il appelle « lésions ostéopathiques ». Mais, de ce fait, l’anatomie se suffit à elle-même. C’est pourquoi Still rejette en bloc la biologie, la physiologie et, bien évidemment, la physiopathologie qui les accompagnent. Quant aux techniques correctrices, elles seront empruntées au savoir-faire ancestral de ses amis les indiens shawnees ainsi qu’à un de ses voisins rebouteux. Toute la théorie de l’ostéopathie des origines repose donc sur la conviction de l’existence d’une entité, ignorée jusqu’alors et appelée « lésion ostéopathique » cause de tous les maux. Cette conviction Still la tient de ses observations en tant que Major médecin pendant la guerre de sécession. Les luxations de hanche sont fréquentes chez les cavaliers. Elles s’accompagnent fréquemment de multiples complications. Il va en faire une généralité.« Sans connaissance approfondie et une grande pratique nous commettons de nombreuses erreurs à propos des maladies consécutives aux traumatismes de la hanche […] Après un examen critique j’ai découvert qu’une dislocation de la tête de l’os de la cuisse peut provoquer une contracture des muscles et de la chair de la région et de ce fait entraîner un arrêt du retour veineux, une congestion, une stagnation, une fermentation, et des varicosités dans tout le membre inférieur de la cuisse jusqu’à la plante des pieds. J’ai découvert que la fermentation peut évoluer vers un état inflammatoire; que le processus inflammatoire peut s’étendre de l’articulation coxofémorale à l’occiput entraînant toute une série d’effets connus sous le nom de névralgies, de sciatique, de lumbago, d’enraidissement de la colonne vertébrale (1) ». Cet homme qui voulait sortir la médecine de l’empirisme des saignées et autres lavements, y retourne par la voie détournée des spéculations métaphysiques. Il ignore, et c’est bien normal pour un médecin généraliste du Middle-West américain du 19e siècle, la naissance de la médecine expérimentale et les écrits de Claude Bernard. Ce dernier écrit à propos de l’empi-risme médical : « Si le médecin empirique possède le sens ou l’esprit scientifique, il aura conscience de son ignorance, il ne considérera plus l’empirisme que comme un état transitoire de la science qu’il faut se hâter de traverser; mais, si le médecin empirique n’a pas le sens scientifique qui lui donne conscience de son ignorance, il croira que l’empirisme est l’état définitif de la médecine, il tombera nécessairement dans l’empirisme non scientifique et deviendra charlatan (2) ». On ne peut mieux résumer le travers dans lequel tombera le « bon docteur Still » comme l’appelaient ses patients. Mais si l’époque et le lieu excusent bien des dérives, le fait de maintenir et de propager des théories médicales obsolètes au nom de la « tradition », relève de l’esprit sectaire et du charlatanisme. Rappelons à ce propos une phrase de Still lui-même, « Le traditionalisme est le pire des esclavages ». De la lésion à l’argument « ad hoc » de la dysfonction Aux Etats-Unis, ce souci de préserver à tout prix le concept de la lésion ostéopathique est probablement lié à des contingences historiques. L’ostéopathie va en effet y connaître une évolution tout à fait originale. En un peu plus d’un demi-siècle, elle va obtenir un statut légal et académique comparable à celui de la médecine. Les DO (docteurs en ostéopathie) américains et les MD (docteurs en médecine) ont aujourd’hui la même formation et le même accès aux diverses spécialités médicales. Comment alors se distinguer des confrères MD ? Une des réponses possibles à ce souci identitaire est probablement le maintien coûte que coûte du mythe de la lésion ostéopathique. Mais hélas, l’avènement d’une imagerie médicale de plus en plus précise, va annihiler définitivement tout espoir d’objectivation dès 1955 (3). La plupart des ostéopathes américains vont alors se tourner totalement vers la médecine « allopathique ». Pourtant, certains, en particulier les membres de l’Académie Américaine d’Ostéopathie, vont tenter le sauvetage identitaire en inventant la « dysfonction ostéopathique ». Ce nouveau concept sera repris rapidement par les ostéopathes européens, trouvant là l’occasion de se distinguer des autres médecines manuelles. La dysfonction ne serait pas visible aux examens d’imagerie mais uniquement palpable sur le vivant (4) et par une main exercée, celle de l’ostéopathe bien entendu. Ce procédé est logiquement fallacieux. Il s’agit de ce que l’on appelle un argument « ad hoc ». Une affirmation X (la lésion ostéopathique) prétend être vraie en raison d’une preuve Y (la subluxation palpable). Or, on peut démontrer que la preuve Y est inacceptable (imagerie médicale). On invente alors une nouvelle explication Z (la dysfonction) sans que soit possible d’apporter la preuve de l’existence de Z. De fait, si nous effectuons une recherche ciblée dans les banques de données référencées comme Medline ou encore la Cochrane Library, nous ne trouvons pas le moindre article concernant l’objectivation par les différents moyens de mesure ou d’imagerie de cette fameuse dysfonction. Cette dernière serait, aux dires de ses adeptes, une diminution du jeu articulaire dans n’importe quelle articulation, voire une diminution de mobilité tissulaire n’importe où dans le corps, et serait essentiellement identifiable par la perception manuelle. Bien évidemment qu’il existe des vertèbres ayant une mobilité moins importante de droite à gauche ou de gauche à droite, il est certain également que nous pouvons, en examinant un genou, ressentir une différence de résistance au mouvement de glissement latéral du tibia sous le fémur d’un côté par rapport à l’autre, mais en quoi est-ce a priori anormal ? Et si c’était le cas, quelle est la norme ? Il pourrait nous être répondu que l’anormalité réside dans l’association d’une restriction de mobilité et d’une douleur. Soit, mais alors pourquoi ne serait-ce pas la douleur qui serait responsable de la diminution de mobilité (pensons aux attitudes antalgiques) et non l’inverse ? Et comment expliquer, d’autre part, que ces restrictions de mobilité se retrouvent également chez des personnes asymptomatiques, comme le prouvent les nombreuses « dysfonctions » découvertes dans le cadre des travaux pratiques entre étudiants en ostéopathie ? Il semble que ce type de raisonnement soit conditionné par une confusion, du reste fréquente en médecine, entre causalité et corrélation. Cette confusion étant largement induite par l’a priori faisant d’une asymétrie de mobilité un phénomène potentiellement morbide. C’est le serpent qui se mord la queue. Les tests ostéopathiques Récemment, dans les colonnes de « Mains Libres », on pouvait lire un article très intéressant de Paul Vaucher sur « La place des tests dans le traitement ostéopathique » (5). Il nous y fait très justement remarquer que « la place des tests et les modèles pédagogiques pour les introduire dans l’enseignement sont mis à défis par les résultats des recherches de ces dernières 25 années ». Or, ces tests visent à mettre en évidence l’existence d’une ou plusieurs dysfonctions. Et si nous étudions la littérature scientifique à propos de cette soi-disante sémiologie ostéopathique, nous découvrons par exemple que le test de dysfonction segmentaire lombaire par mobilisation postero-antérieure présente un K (kappa) = 0.0 (-0,04 à 0,03), que le K pour le test de mobilité passive à la recherche de fixation lombaire est de 0,07 (-0,03 à 0,23). Des valeurs proches de zéro sont retrouvées pour les tests de Gillet ou encore pour les TFA et TFD (6). Cette absence de reproductibilité associée à une absence totale de sensibilité et de spécificité, faute de comparaison possible à un « gold standard », est certes une démonstration suffisante de l’absence de fiabilité des tests ostéopathiques, mais surtout apparaît comme un argument supplémentaire pour douter raisonnablement de l’existence même de ce que ces tests prétendent rechercher, à savoir la dysfonction ostéopathique. Un peu de biomécanique Une fois affirmé le postulat de la dysfonction, les premiers ostéopathes ont élaboré une biomécanique totalement théorique afin que l’on puisse déceler les dysfonctions à partir d’un modèle logico-déductif. Harisson Fryette, ostéopathe américain, publie en 1918 une série de « principes de mouvements physiologiques de la colonne vertébrale » (7). Il s’inspire du livre de Rober Lovett « Spinal curvatures and round shoulders » qui lui est contemporain. Il y décrit des lois universelles du mouvement vertébral. Par exemple, selon son premier principe, en position neutre (sans flexion ni extension), la latéroflexion précède toujours la rotation axiale. Cette rotation se réalise toujours dans le sens opposé par rapport à la latéroflexion. Il suffit donc de repérer visuellement et manuellement la ou les vertèbres qui échappent à la règle pour en corriger très précisément la dysfonction. De tels dogmes sont non seulement totalement en contradiction avec les récentes découvertes en matière de biomécanique vertébrale, mais en plus, elles imposent des normes fausses. Toute colonne sortant de ces normes devient alors pathologique et toute plainte sera mise en relation causale avec cette dysfonction. De plus, ces lois sont en contradiction épistémologique interne par rapport au fondement même de l’ostéopathie. En effet, l’approche ostéopathique du patient se veut singulière. Elle ne peut donc, théoriquement, se laisser enfermer dans des lois universelles. Beaucoup de formations « traditionnelles » en ostéopathie se réfèrent, hélas, encore à ce modèle obsolète. Elles n’hésitent pas à se réclamer avec une suffisance à peine feinte, de la médecine holistique. Une dysfonction dite primaire entraînant de soi-disantes dysfonctions secondaires, tertiaires etc. Ces infatigables créateurs de modèles nous expliquent qu’une perte de mobilité du foie peut entraîner une dysfonction vertébrale qui à son tour engendre une compensation sacro-iliaque qui in fine peut aboutir à une entorse de la cheville. Nous touchons là un problème crucial, l’absence de formation scientifique et de recours à l’esprit critique de la part de ceux qui propagent à tous vents de telles contre-vérités. La science tient pour principe cardinal le principe de parcimonie. On ne peut en aucun cas émettre une série d’hy-pothèses sans avoir validé chronologiquement chacune d’entre elles par une mise à l’épreuve expérimentale. La méthode expérimentale nous apprend que les mouvements tridimensionnels au sein de la colonne vertébrale ont une origine multifactorielle. L’interaction de facteurs multiples influence le mécanisme de couplage et sa variabilité sur les plans quantitatifs et qualitatifs. Prenons un exemple au niveau de la colonne cervicale : le fait de tourner la tête fait intervenir au moins 34 articulations avec une cinématique particulièrement complexe à six degrés de liberté pour orienter et stabiliser le regard dans le plan transversal. Nous pouvons théoriquement modéliser la colonne cervicale comme un système complexe. Un tel système est le résultat de l’interaction de plusieurs sous-systèmes. Ce qui rend la détermination de la position d’une vertèbre dans l’espace totalement imprévisible. Ainsi la combinaison des mouvements de chaque vertèbre pendant la rotation de la tête est propre à chaque individu, et irréductible à une loi contraignante (8). Un autre exemple clinique associé à la recherche dogmatique d’une dysfonction est celui du test de flexion assis (TFA) et du test de flexion debout (TFD). Ces tests évaluent l’asymétrie cinématique des épines iliaques postéro-supérieures lors du mouvement de flexion du tronc. Ils sont couramment utilisés en clinique ostéopathique pour diagnostiquer des dysfonctions des articulations sacro-iliaques. D’une part les études scientifiques sur la cinématique de cette articulation montrent que les axes de mobilité de deux sacro-iliaques ne sont pas symétriques (9) et, d’autre part, que chaque articulation sacro-iliaque est unique de point de vue cinématique. Chacune d’entre elles présente un axe de mouvement unique selon sa localisation et son orientation dans l’espace (10). Ainsi, on peut déduire que la mobilité des articulations intrinsèques du bassin est physiologiquement asymétrique (Figure 1). lepers_salem_fig1.jpg Ajoutons à cela que les études morpho-anatomiques (in vitro) et radio-anatomiques (in vivo), les plus récentes au niveau de la colonne vertébrale (11-13), s’accordent à confirmer qu’il existe une asymétrie d’orientation au niveau des facettes articulaires dans les trois régions vertébrales. Cette asymétrie concerne les angles d’orientation des facettes articulaires dans les plans sagittaux et transversaux, ainsi que le rayon de courbure au niveau lombaire (Figure2). lepers_salem_fig2.jpg Enfin nous reprendrons l’argument clinique cité également par Paul Vaucher (5), « Dans le cas de l’articulation sacro-iliaque, le concept selon lequel les trouble résulteraient d’une restriction de mobilité sont contredits par le fait que les douleurs seraient d’avantage liées à un défaut du mécanisme de verrouillage de l’articulation et donc à une hypermobilité de l’articulation… » Une croyance non exempte de risque Souvenons-nous en effet que selon la tradition ostéopathique la « dysfonction », qu’elle soit une sorte de luxation ou qu’elle soit une perte de mobilité, serait la source de tous nos maux, la cause à traiter. En ce cas, l’ostéopathe à l’instar de l’orthopédiste face à une luxation de l’épaule, serait tenu séance tenante, de corriger cette anomalie. Le but, c’est-à-dire la correction des rapports de structure, l’emportant sur la douleur. En suivant un tel raisonnement on pourrait même imaginer des manipulations sous anesthésie ! Pourtant, la plupart d’entre nous comprend facilement qu’en présence d’une mise en position pré-manipulative douloureuse et pourtant dirigée dans le sens de la restriction, il faut éviter de poursuivre la technique. Il existe en effet, par exemple, dans certains cas, un risque d’expulsion herniaire. Mais ce risque est évidemment associé au fait que la hernie supposée puisse être la cause de la douleur ainsi que de l’asymétrie de mobilité et non l’inverse. En ce cas, il faut admettre que notre rôle consiste à soulager les symptômes en manipulant dans le sens opposé qui est celui du soulagement de la douleur et non de risquer de les aggraver afin de sauver l’orthodoxie ostéopathique. Alors que soignons-nous ? L’ostéopathie est un accident de l’histoire de la médecine américaine. Une théorie fausse fondée sur des arguments métaphysiques s’est institutionnalisée avant de se confondre avec la médecine académique. Le mérite en est toutefois d’avoir redonné, au passage, ses lettres de noblesse à ce grand domaine de la thérapeutique qu’est la médecine par l’usage de la main. Celle-ci s’était vue trop longtemps reléguée dans les arrière-cuisines des rebouteux. En Europe et chez une faible partie des ostéopathes américains, l’ostéopathie a conservé sa tradition de médecine manuelle et il faut s’en féliciter. Mais elle ne peut conserver ses dogmes fondateurs et ignorer les progrès des sciences biomédicales. Elle doit, pour survivre et s’institutionnaliser à son tour, se soumettre à l’épreuve de l’expérimentation fondamentale et clinique. Les techniques manuelles de traitement existent depuis toujours et ont rendu des services cliniques bien avant la création de la théorie ostéopathique. Pour progresser et développer de nouveaux modèles théoriques il faut d’abord reprendre les techniques dégagées des modèles explicatifs stilliens. Ensuite, à la lumière des connaissances biomécaniques, neurophysiologiques et physiopathologiques, énoncer des hypothèses que l’on soumettra alors à l’épreuve de l’expérimentation. Faut-il pour autant s’abstenir de traiter en attendant les résultats de ces recherches ? Certainement pas. Après avoir évalué la non dangerosité des techniques et évalué également leur intérêt clinique (ce qui fait aujourd’hui l’objet de nombreuses publications), il serait contraire à l’éthique de suspendre l’action thérapeutique faute d’en comprendre les modes d’action. Nous traitons des malades et nous devons mettre en œuvre tout notre savoir-faire pour les soulager. Pour cela, la première démarche est de transformer le motif de consultation en diagnostic. Ce dernier permet la réflexion physiopathologique qui orientera le traitement ainsi que le pronostic. A partir de ce diagnostic nous devons valoriser les tests les plus fiables qui guideront nos gestes thérapeutiques. Or, force est de constater que si les raisons pour lesquels on consulte un ostéopathe sont variées, elles sont, dans leur grande majorité, motivées par la douleur. Il se trouve que les tests cliniques de provocation de la douleur sont particulièrement reproductibles, sensibles et spécifiques. Pour ne prendre que quelques exemples le test de Lasègue bénéficie d’une sensibilité de 0,85 à 0,97 lorsqu’il s’agit d’évaluer la probabilité de présence d’une hernie discale en cas de lomboradiculalgie. Le test d’élévation jambe tendue (EJT) hétéro latéral quant à lui se voit attribuer une spécificité de 0,92. Le kappa (K) pour le test de provocation de la douleur lombaire est de 0,56 à 0,94. On pourrait ainsi multiplier les exemples en évoquant les tests d’évaluation de la douleur cervicale, le signe de Lasègue du membre supérieur, etc. (6). Notre thérapeutique doit précisément se focaliser sur ce qui fait notre expertise. Les ostéopathes par leur attachement à l’examen clinique et leur savoir-faire en anatomie palpatoire, sont les mieux placés pour diagnostiquer et préciser dans la foulée l’origine d’une douleur. Ils ont pour ce faire, les connaissances sémiologiques et la maîtrise de l’examen par la palpation. L’arsenal des techniques peut s’adapter aux différents types de douleurs qu’elles soient tendineuses, musculaires, discales ou encore neurogènes. Cet exercice raisonné de la thérapeutique peut s’appuyer sur les données de la science et en tout cas ne pas se trouver en contradiction avec elle. Comme cité dans un article précédent (14), « Il n’est pas indispensable d’identifier une « dysfonction », par ailleurs mythique, ni de se l’approprier, pour justifier de l’efficacité des manipulations. Plusieurs travaux montrent, par exemple, que les manipulations de type HVBA, modifient l’amplitude des réponses corticales sensori-motrices en dehors de tout diagnostic ostéopathique de dysfonction. (15) ++++Conclusion Conclusion L’ostéopathie moderne doit tuer le père. Le respect des médecins pour la figure emblématique d’Hippocrate ne va pas jusqu’à l’abandon des sciences biomédicales au profit de la théorie des humeurs. L’ostéopathie appartient à l’histoire plus générale de la médecine manuelle. Elle a eu le mérite aux Etats-Unis d’abord, en Grande-Bretagne, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Belgique et au Portugal, et finalement en Suisse d’amener cette médecine au niveau universitaire. Ces formations doivent, par la recherche scientifique et l’abandon des vieilles croyances, montrer l’exemple aux cliniciens tout en leur apportant de nouveaux modèles théoriques compatibles avec les connaissances du vingt-et-unième siècle. L’ostéopathie ne doit pas pour autant abandonner ses spécificités, ni son expertise: l’usage exclusif de la main à des fins thérapeutiques (car on ne fait bien que ce que l’on fait souvent), mais aussi le caractère singulier qu’elle accorde à la relation avec le malade. Si nous devons connaître les résultats des recherches cliniques, nous ne devons pas pour autant réduire nos patients aux seules statistiques de ces dernières. L’ostéopathie a développé cette capacité d’observation individuelle du patient. Ne la gâchons pas avec des théories universelles a priori qui sont, à coup sûr, bien pire encore qu’une interprétation dogmatique de l’evidence-based medicine.

Implications pour la pratique

– L’ostéopathe moderne doit abandonner tout concept a priori dans l’explication de sa pratique clinique. – La recherche de la «dysfonction» est une démarche vaine qui s’apparente à la recherche du « Graal ». Chercher à améliorer la mobilité à tout prix n’est pas sans risque, en particulier par l’utilisation de techniques HVBA. – L’efficacité clinique est indépendante des tests ostéopathiques prétendument spécifiques. Ceux-ci ont une fonction plus rituélique que sémiologique. – Seul le diagnostic éclairé par l’expertise palpatoire de l’ostéopathe peut mener à une pratique cohérente et réellement efficace. – Les techniques de traitement gardent toute leur actualité jusqu’à preuve du contraire et pour autant qu’elles ne soient aucunement en contradiction avec les données des sciences biomédicales. ++++Références Références 1. Lepers Y. Histoire critique de l’ostéopathie, de Kirksville à l’Université Libre de Bruxelles. Éditions universitaires européennes, 2010. 2. Bernard C. Principes de médecine expérimentale, p. 48; 1878. 3. Cole WV, The principle of osteopathic medicine, Academy of Applied Osteopathy, Yearbook; 1955. 4. Northup GW. Osteopathic medicine, an american reformation. Chicago, éd. AOA, 1979. 5. Vaucher P. Ostéopathie et rationalité scientifique: la place des tests dans le traitement ostéopathique, in Mains Libres n°1, mars 2016, pp. 33-37 – Article téléchargeable sur le site ResearchGate de l’auteur 6. Cleland J. Orthopedic clinical examination: An evidence-Based approach for physical therapists. 7. Fryette H. Physiologic movements of the spine, Journal of the American osteopathic association, year book; 1965. Salem W. Physiologie de la colonne cervicale: Fryette, hors-la-loi ? Ostéopathie Magazine. 2013 ; 19 :22-28 Lavignolle B. Vital JM, Senegas J, Destandau J, Toson B, Bouyx P, et al., An approach to the functional anatomy of the sacroiliac joints in vivo, Anat Clin. 1983;5(3):169-76. Jacob HA, Kissling RO. The mobility of the sacroiliac joints in healthy volunteers between 20 and 50 years of age, Clin Biomech. 1995;10(7):352361. Masharawi Y, Rothschild B, Dar G, Peleg S, Robinson D, Been E, et al. Facet orientation in the thoracolumbar spine: three-dimensional anatomic and biomechanical analysis, Spine 2004;29:1755-63. 1. Panjabi MM, Oxland T, Takata K, Goel V, Duranceau J, Krag M. Articular facets of the human spine. Quantitative three-dimensional anatomy, Spine 1993;18:1298-310. 2. Salem W, Klein P. Morphologie 3D des articulations zygapophysaires lombaires : comparaison entre un groupe lombalgique et non lombalgique, La Revue de l’Ostéopathie. 2011;1:5-12. 3. Lepers Y. Dysfonction ostéopathique : mythe ou réalité ? L’ostéopathe magazine 2013 ; n°19. 4. Haavick-Taylor H, Murphy B. Cervical spine manipulation alters sensorymo-tors integration : A sensory motor evoked potential study. Clin Neurophy-siol. 2007;118(2):391-402. ++++Discussion
J’ai proposé aux membres du réseau de réagir à cet article qui me semble au cœur de la problématique de la position des médecines complémentaires par rapport à la médecine universitaire. Voici les réactions reçues.
A – Cet article nous propose d’abandonner la notion de concept en ostéopathie, pour des notions prouvées (sic…) en particulier de tordre le cou au concept de dysfonction. Cette notion qui affirme juste : cette zone fonctionne mal, ce qui est évident puisque son propriétaire songe à la faire détendre … pour la faire fonctionner mieux. Et tout cela pour satisfaire un concept, une vision, une notion, un a priori qui n’est pas plus prouvé : le corps est matière et mécanique et n’est que cela ….et la notion de dysfonction ostéopathique est trop floue hors de ce concept là. Alors oui, c’est vrai, et il y a juste à dire une chose : un concept sert à donner un pattern à une sensation manuelle, à permettre d’en parler et de noter ses modifications. Il ne doit pas effectivement prétendre à être réel et prouvé ou prouvable, mais doit prétendre à être pertinent. Ce dernier point, tous les ostéopathes vous le confirmeront : les concepts qu’ils utilisent personnellement sont pertinents. Alors remplacer des concepts pertinents par des concepts plus restrictifs sur l’explication de la vie sous prétexte qu’ils sont prouvés ou prouvables ou quantifiable est d’une stupidité rare du point de vue de l’efficacité. Et du point de vue de la rigueur scientifique aussi d’ailleurs. L’univers est incomplet et indécidable nous a prouvé le mathématicien godel il y a 70 ans maintenant. Cela signifie que toute tentative de démonstration scientifique se heurte au fait qu’il faudrait sortir de l’univers pour prouver que la première brique d’un raisonnement est juste … que l’on parle de dysfonction “viscérale” ou de tout autre vision quantifiable de l’ostéopathie. inutile donc de changer une équipe qui gagne pour satisfaire quelque chose de pas plus prouvé. On ne se doit de changer ses propres outils conceptuels que quand ils semblent moins pertinents …. ce qui nous arrivent tous avec le temps dans notre carrière d’ostéopathe, ne serait-ce parce que notre perception s’affine encore et encore … Et puis quand ces messieurs inclueront la vie dans leur équation corporelle, et pas seulement CHON (carbone, hydrogène, oxygène, azote) alors … la discussion pourra s’engager ! (1712 ; 913 Patrick CHENE B – Salut, J’ai lu l’article car la notion de concepts et surtout la question de leur pertinence m’intéresse bien en ostéopathie. Si on comprend l’article comme une tentative de faire rentrer l’ostéopathie dans le cadre d’une evidence based medecine, c’est sûr que c’est très agaçant et un peu triste. Et la critique des anciens trop naïfs versus un pro-modernisme bon teint, un peu facile… Mais au fur et à mesure qu’on avance, dans la deuxième partie, je trouve l’argumentation plutôt bien faite. D’autant plus qu’ils recommandent bien de surtout ne pas s’arrêter de faire, de soigner, sans avoir les preuves tant souhaitées, par pur pragmatisme. Je dois dire que la recherche de concepts ostéopathiques (les grands historiques, les plus personnels, les “copyrights” déposés à découvrir en 10 modules et petit livre rouge associé…) dont la diffusion semble souvent si facile, l’accueil enthousiaste sans critique a priori me laisse depuis longtemps dubitatif, peut-être parce que j’ai du mal à me les approprier. C’est vraiment nul de s’auto-citer j’avoue, désolé vraiment, mais c’était ce que j’avais voulu raconter confusément il y a quelques années à St-Girons, et j’avais dû bien sûr tenir mon engagement auprès de Patrick d’en faire une version écrite, qui du coup se trouve là : 1473 . J’ignore si mes doutes ont trouvé un écho ce jour là ou par la suite. Mais je voulais simplement témoigner qu’il me semblait impossible de rationaliser une pratique viscéralement et totalement subjective puisque uniquement basée sur la relation soignant / soigné, à travers le toucher. Non reproductible par définition. Cela s’enseigne peut-être, mais à force d’essayer de (mal) copier les profs, on finit surtout par apprendre tout seul, +/- pas trop découragé par les copains et les “enseignants” désignés. Et c’est très bien ainsi, je crois. Alors, critiquer les tentatives de rationalisation maladroite de l’ostéopathie, pour se faire bien voir des vrais docteurs, ne me semble pas plus infondé que de s’auto-satisfaire trop vite d’avoir cru, à travers une belle technique toute neuve, être responsable d’une si belle transformation du vivant au contact d’une empathie bienveillante, quant on n’en est que le témoin chanceux (et, à la rigueur, le modeste initiateur). Je trouve que la quête de légitimité est bien périlleuse, quelque soit le chemin choisi. L’absence d’explication ne me dérange pas, personnellement. En revanche, les donneurs de leçon tout comme la multiplication de fondateurs de nouvelles approches (bonnes pour l’égo et le porte-monnaie), un peu. J’espère ne pas avoir été trop sibyllin 😉 mais comme je trouve le débat intéressant, j’avais envie d’écrire ces quelques lignes. Et pour finir par de vraies citations, vraies ou fausses, mais on s’en fiche un peu… ” La vie n’est pas un problème à résoudre mais une vérité à expérimenter.” Bouddha ” Nous ne voyons pas les choses comme elles sont. Nous les voyons telles que nous sommes.” Anaïs Nin Bises Romain C – Bonjour Patrick, J’aime ta réaction, les combattants poursuivant un idéal sont rares..ou fatigués ? Jeudi, je causais avec José Bové sur son voilier, en le quittant, je lui dit: « continues le combat »….sa réponse : « il faut profiter de la vie »… Hier soir, fort tard, j’ai lu l’article de Lepers, les belges ont l’art de manier la langue française, utilisent des mots rares et font de longues phrases…j’ai trouvé son texte assez indigeste et peu compréhensible..(je vais faire l’effort de le relire !) Ce type de démarche, a pour but de vendre « sa formation », tous les autres n’ayant rien compris ? Donc but commercial. Après, je pense qu’il faut revoir quelques concepts biomécaniques..(.le tout puissant redresseur de vertèbres qui reharmonise tous les axes a vécu) ce n’est pas pour rien que je fais de l’ostéopathie biodynamique. L’art vétérinaire nous est d’un grand secours : tu soignes, mon cheval ne boîte plus….tu devais être dans le vrai au niveau réharmonisation biomécanique et énergétique ? Peut être a tu joué aussi sur le neuro émotionnel ? Le psycho affectif ? As tu eu une action sur ses peurs…mon cheval est il un guerrier ou un craintif ? Tous les tissus sont un continuum…la dure mère peut tordre une vertèbre, une artère de 3 mm aussi. À suivre, Amitiés Alain Bost D- Bonjour à tous, Ma première réaction a été de me demander s’il avait compris quelque chose à l’ostéopathie ou senti quoi que ce soit. Puis je me suis dit qu’il détestait être dérangé, et que l’ostéopathie venait déranger son schéma de pensée. Ça peut être très perturbant et difficilement supportable. Mais alors, pourquoi persévérer dans cette voie ? À quoi bon s’acharner à montrer que l’ostéopathie c’est du raisonnement, point barre ? Ceci dit, rien que ça (mettre le bazar) justifie qu’on fête l’ostéopathie et les autres pratiques de soin qui font une place à la métaphysique et la spiritualité. Car c’est bien cette spécificité qui fait leur intérêt et leur valeur. À vouloir les faire rentrer à toute force dans le moule de l’évaluation, des indications et des protocoles, on les ampute de leur saveur, de leur richesse, et finalement de leur efficacité. S’il y a une chose que je pense savoir, c’est bien que c’est le soin du patient et non le traitement d’une pathologie qui fait le résultat de nos pratiques. Isolées, les techniques n’ont pas ou peu d’intérêt. Ce qui ne veut pas dire que nos thérapies n’ont pas leur place aux côtés de la médecine occidentale classique. Elles l’ont, mais avec leurs spécificités et dans l’acceptation réciproque des différences et des complémentarités. À eux, la science, à nous, l’indicible 😀 Nicolas Berthon E- Il est difficile d’expliquer ce que l’on ressent sous les mains et l’efficacité de « nos corrections » sur le patient. (en termes de chaine réactionnelle qu’elles engendrent au niveau de l’organisme). Ce que j’essaie de dire c’est qu’effectivement il a du flou dans l’explication intellectuelle et mentale de mes interventions (il me manque certainement des données à la ” lumière des connaissances biomécaniques, neurophysiologiques et physiopathologiques, ». ). Monsieur Still avait donné son explication et essayé de structurer son travail je l’en félicite et je le remercie. Qu’il faille, aujourd’hui, revoir ses propos et ses affirmations va de soi dans la mesure où notre compréhension du corps physique et de son fonctionnement évolue.Faut il tuer le père pour autant, je n’en suis pas sûr? Le remercier pour ce qu’il nous a apporté et faire évoluer ce qu’il nous a donné me convient pleinement. Bonne pratique à tous et très belle journée. Pascal Duquesne F- Bonjour, Je suis tout à fait d’accord avec l’analyse de Romain. En effet je trouve que l’auteur se lance au début de son article dans une caricature simpliste par la décontextualisation de son propos sur l’ostéopathie au 19é siècle avec son regard du 21è…en tirant à vu sur le concept de la “dysfonction”, (qui est un point de vue). Il juge et fait presque un procès d’intention. C’est une démolition en règle de la démarche “conceptuelle” qui a pour objet de tenter de rendre compréhensible une pratique manuelle de soins. Tout ce tintamarre pour admettre et reconnaitre que les pratiques de soins manuels, dont l’ostéopathie, sont efficaces. Et qu’il faudra sans doute beaucoup d’observations, d’analyses et de nouveaux concepts pour appréhender, comprendre et expliquer un système aussi complexe que le “vivant” entre le soignant et le soigné. Je suis d’accord avec l’auteur sur la nécessité d’établir un diagnostic, tout d’abord d’inclusion ou d’exclusion au soin manuel. Et ensuite la recherche et l’établissement, si c’est le cas, d’un diagnostic ostéopathique… Il reposera forcément plus ou moins sur la connaissance conceptuelle du moment. En conclusion, il exhorte “ces formations …” (en fait …qui?) à faire de “la recherche scientifique pour établir de nouveaux modèles théoriques”. D’accord, c’est intéressant car c’est là, à mon avis, un vaste champs d’investigation pour pouvoir établir une corrélation entre une perception manuelle, donc subjective, et la “réalité” (objective?… mesurable avec …?) du mécanisme pathogénique à l’origine du motif de consultation (douleur, gène, dysfonction, …). A propos savez-vous qui fait de la recherche? … Y a t il des publications? … Heureusement, en attendant l’arrivée de nouveaux concepts valables ou pas, nos manipulations réalisées en conscience (la meilleure si possible) avec intention et attention (de bonnes, de préférence) font encore des satisfaits parmi nos patients. Science et médecine … c’est aussi une vaste réflexion où il faut nécessairement de la philosophie … pour ne pas dire plus. Bruno Denis G- Je ne pensais pas écrire autant, je vous livre une prise de notes réalisée au fur et à mesure de l’article. Définition de la médecine moderne ? Car pourquoi vouloir y intégrer une ostéopathie « progressiste » si les valeurs sont antinomiques progressiste = qui est partisan du progrès ce qui fait évoluer l’ostéopathie, c’est de progresser (dans le sens se développer, grandir, avancer) et cela concerne chacun d’entre nous. Car se qui nourrit l’ostéopathie, c’est l’évolution de chacun d’entre nous. ce n’est pas parce que nous ne voyons pas une chose que cette chose n’existe pas. Nous ne voyons pas le vent mais il existe. Nous pouvons le ressentir. Nous pouvons en observer les effets, et nous pouvons le mesurer. De même pour une « dysfonction » ostéopathique. Nous pouvons la ressentir, avec nos mains. Nos patients peuvent également la ressentir. Nous pouvons en observer les effets (par exemple : modifications de la démarche, dans le rythme, l’amplitude). Nous pouvons mesurer cette perte d’amplitude, enregistrer ce rythme altéré. Mais pour autant nous ne la voyons pas par les moyens d’imagerie classique. La preuve de son existence ? Qu’elle disparaisse après un soin ostéopathique ? C’est à dire gain dans l’amplitude de mouvement, rythme régulier de la démarche. Atomes, électrons, protons ont longtemps été invisible à l’œil humain, pourtant prend-on Démocrite, Épicure ou Lucrèce pour des fous ? Si l’imagerie médicale ne peut rendre une image du « concept » dysfonction ostéopathique, c’est qu’elle a à progresser. Notamment de façon à rendre compte du mouvement, des mouvements des différentes structures physiques, les unes par rapport aux autres ; et ce à différentes échelles du vivant. C’est peut-être aussi que nous n’avons pas les moyens au quotidien de coupler une imagerie fine à notre pratique. Voir les travaux du Dr Guimberteau. Qui n’a pas rêver d’avoir une imagerie d’un cal osseux avant et après traitement ostéopathique ? D’avoir une mesure des gaz du sang en continu lors d’un soin ? D’avoir un enregistrement de la cohérence cardiaque et des ondes cérébrales, du patient et du thérapeute de 20 minutes avant le début du soin à 30 minutes après ? D’avoir des mesures hormonales en temps réel ?…. Et oui l’ostéopathie se n’est pas que de l’ostéo-articluaire. Le savoir de l’anatomie « théorique » ne suffit de toute façon pas. La main se façonne au fur à mesure à ressentir les mouvements, et à réagir à l’harmonie ou plutôt à la dysharmonie de ceux ci. Ainsi le référentiel devient, non pas ce qui dysfonctionne mais ce qui fonctionne dans l’harmonie et la beauté. L’ostéopathe réagit ainsi de ses mains et de tout son être. L’empathie, l’absence de jugement, la présence douce et confiante sont nécessaires, mais non mesurables. Ce n’est pas une appréciation mentale de la beauté et de l’harmonie, c’est une vibration fondamentale qui nous entraîne à nous sentir bien quand la dysfonction cède. Et le « se sentir bien » ne se définit pas non plus à lui seul. C’est une sensation en mouvement. La dysfonction chez notre patient entraîne une tension en nous (qui peut aller jusqu’à l’oppression), cette tension se relâche, nous nous libérons en même temps que notre patient. Et c’est à ce moment là que nous apprécions beauté et harmonie. Comme l’on peut être parfois saisis, d’entrée de jeu, par la qualité exceptionnelle des tissus de certains individus. Dans le paragraphe «De la lésion à l »argument « ad hoc » de la dysfonction » Qu’est ce qu’une personne asymptomatique chez qui l’on ressent des dysfonctions ? Nous vivons tous avec des dysfonctions de degrés différents. Et il est bien courant que, pour gérer notre quotidien, nous oublions certaines gênes, si anciennes qu’elles sont devenus notre quotidien. Le nombre de patients qui viennent pour un problème,et nous nous retrouvons à leur dire : « mais vous avez aussi ça, ça, ça… » . la réponse fréquente : « Ah oui, mais cela fait tellement longtemps je ne vous en ai pas parlé » Et d’autre personne ne se sont même pas rendu compte qu’elles peuvent moi bien tourner la tête, qu’elles ont mis une stratégie en place pour tendre le bras, etc… Et l’asymétrie de mobilité peut, à terme, entraîner des lésions ligamentaires, cartilagineuses, tendineuses par répétition de gestes restreints, non fluides. De même on vérifie le parallélisme d’un véhicule pour de pas avoir une usure prématurée des structures. Paragraphe : « les tests ostéopathiques » rien à péter paragraphe « un peu de biomécanique » Je n’ai pas de normes pré-établies. J;essaie de ne pas imposer ma vision du corps au corps de l’autre. Je préfère me mettre à son service, avec, comme expliqué précédemment, un référentiel empathique : « si cela tire pour toi, je suis en inconfort. Partons ensemble vers plus de confort. Quand tu libères tes tensions, je suis soulagée. Merci » Eh mon gars, pardon, M. Lepers : quand vous listez une série de dysfonctions, que vous en levez une et que plusieurs disparaissent en cascade, c’est quoi ? Et bien sur que le patient se relâche, soupire, c’est quoi ? Quand une attention, intention sur les hippocampes d’une vache permettent la correction des 2/3 des dysfonctions listées, c’est quoi ? (expérimentation faite lors d’un TP osteo bovine pour Oniris) Par contre ok avec le fait que l’objectif recherché n’est pas la symétrie… Mais l’harmonie… Et cette harmonie est propre à chacun et évolutive. Elle s’apprécie à un instant t, etc. paragraphe « une croyance non exempte de risque » « Cas clinique » récent : fin juin un ami a empilé ses boules de foin sur 4 étages. Une boule (200 kg) lui est tombé dessus, le mercredi. Entre le jeudi et le vendredi il a subi 2 chirurgies : cage en C6 C7 et réduction chirurgicale d’une luxation scapulo-humérale à D. Il avait en plus une entorse du genou G et fracture du pied D. Je l’ai eu au téléphone le samedi pour un soin à distance peu avant une 3ème chirurgie (lombaire) Je lui ai demandé pourquoi chirurgie épaule ? « Il n’ont pas réussi à remettre autrement ». Ce que j’ai pu sentir à distance, c’est que sa cage thoracique était complètement vrillée ce qui avait, logiquement, empêché la réduction de la luxation. Et c’est là que je rêve d’une médecine intégrative avec ostéopathie en service d’urgence (ce que nous véto pouvons offrir comme service sur des AVP, AVC, …). Et hop un petit équilibrage crânio-sacré, une relance de MRP globale et régionale… et on a une relance des fonctions vitales et notamment moins de risques anesthésiques, et une convalescence moins longue (donc un service hospitalier moins saturé, et moins de frais médicaux…) J’ai accompagné cet ami pendant toute la matinée et le début d’après-midi. Le lundi, il se levait, à la surprise de l’équipe médicale. Certains diront peut-être, certainement, que ce n’est pas de l’ostéopathie ? J’ai en tout cas utilisé la même démarche intellectuelle et de ressenti que quand j’ai un patient sous les mains. Et si c’était de l’ostéopathie « progressiste » ? C’est à dire en accord avec son temps et qui utilise des concepts liés à la physique de la matière, à la physique quantique et à la physique des ondes. Car en ostéopathie, nous parlons bien de biophysique, de tenségrité jusqu’à l’échelle cellulaire et même intracellulaire, intra-organite, intra-protéine, intra-ARN, intra-ADN… Et ce sont les modifications de la biophysique, à ces différentes échelles, qui entraînent les modifications biochimiques (que j’aimerai que nous puissions objectiver). Et nul besoin de décennies de pratiques pour intervenir au niveau cellulaire. Les éleveurs, qui utilisent le protocole que je transmets, y parviennent après 2 jours d’apprentissage. Paragraphe « Alors que soignons-nous ? » De toute façon, nous pouvons partir de l’hypothèse que tous les concepts sont faux… mais utiles…à un moment donné. Nous pouvons toujours avoir besoin des concepts énoncés par Still pour commencer notre chemin en ostéopathie, ainsi que des concepts des différents courants de pensée ostéopathique. Mais soyons conscients, qu’à un moment donné de notre évolution, il pourrait paraître désuets, inappropriés, mais de la même façon qu’un enfant joue avec des jeux différents tout au long de sa croissance, quitte à ressortir de temps en temps, avec nostalgie, ses anciens jeux. Au quotidien nous expérimentons, en accumulant tout plein d’informations. Au bout d’un moment, nous avons suffisamment d’informations et d’expérience pour en extraire un concept. Concept que nous allons utilisé, diffusé, partagé… tout en continuant à expérimenter… jusqu’au prochain concept. Je n’aime pas bien l’expression « traiter un malade ». je trouve que cela restreint trop le champ d’action philosophique. Je préfère envisager une rencontre plus intime. Quant à utiliser des tests qui engendre de la douleur, c’est pour moi hors de question ! Et j’enjoins M. Lepers à mettre les mains sur un animal algique tel qu’un chat, un aigle royal ou une vache de course landaise… Pour moi, la différence fondamentale entre ma 1ère pratique de l’art vétérinaire et ma pratique actuelle (depuis 15 ans), c’est de ne pas avoir besoin de provoquer la douleur pour savoir où l’animal a mal. Les autres différences sont la capacité à soulager dans l’instant, dans une relation intime et non une mise à distance, d’une part physique (administration d’un médicament éventuellement transitant par une aiguille) et d’autre part émotionnelle et sociale (être « le sachant » met à distance). Paragraphe « conclusion » c’est pas le pire. Mais je ne me sens pas concernée. H- Re bonjour Pleine de bonne volonté, et après une bonne nuit blanche dans l’avion, je me suis lancée dans la lecture de : La dysfonction somatique : une énigme ostéopathique, Gary Fryer Je crois que je ne vais pas aller jusqu’au bout de la lecture. Pour moi l’objectif d’une « interaction » ostéopathique n’est pas centré sur une notion de douleur. Et oui j’écoute les commémoratifs quant à la douleur, et oui je ressens la douleur et j’identifie la « zone » active de douleur. Mais il se passe tellement d’autres choses dans un soin. J’ai rencontré il y a 15 jours une femme qui m’a demandé de l’aide pour une douleur chronique de l’épaule depuis le début de l’année, et prise en charge ostéopathique à raison de 1 fois par semaine pendant plusieurs mois !… mais si on n’interagit pas vers une recherche informationnelle, on ne rencontre pas l’âme du 1er enfant (grossesse qui n’est pas arrivée à son terme)… Une semaine, une autre femme avec également une douleur d’épaule. Et une curieuse démarche avec amplification de la rotation du haut du corps (les épaules tournaient de droite et de gauche). Au niveau informtionnel, on se retrouvait 17 ans plus tôt avec un enlèvement de plusieurs heures…. à la veille de l’acouchement de sa fille.. Alors, quand je vis de telles rencontres, franchement je n’ai pas envie de me tordre le cerveau avec des notions de dysfonctions structurelles. Surtout quand l’on peut vivre une libération des tissus dans nos mains au fur et à mesure que nos patients, en repensant à l’évènement traumatique, prononcent à haute voix et avec leur cœur, des mots tels que : Merci, Pardon, Bravo, Bienvenue,…. Bon je ne vais pas vous raconter toutes mes vacances. Mais quand vous voyez un cheval à la colonne saillante et raccourcie de douleur, avec la peau épaissie tout le long des apophyseuses épineuses. Et que vous enjoignez son propriétaire à le soigner : pose tes mains sur son bassin, mets tes pouces sur le pubis (à distance), une main sur le nombril l’autre sur les lombaires (à distance), les mains sur les omoplates, les pouces sur le front et les doigts sur les tempes (à distance). Et que vous voyez la colonne vertébrale s’abaisser et s’étirer, et le cheval Croix Rouge changer de regard. Et que ça y est, au delà des traditions, cet ami africain ose… Et… plus de batterie, et pas de prise. Etc … Bises aut20 H – Pour avoir connu Yves Lepers en tant que formateur pendant mes études, je ne suis pas profondémment étonné qu’il propose ce point de vue. Il me parait fondamental que dans le cadre d’un débat scientifique sur la réalité de notre concept, se manifestent des avis divergents, parfois d’une façon quelque peu véhémente. Pour autant, combien de constructions théoriques scientifiques ont franchi immédiatement le cut de la démonstration concrète ? La relativité restreinte, la mécanique quantique, le boson de Higgs pour ne citer que ceux-là, ont suscité force débat et des torrents d’encre avant leur mise en évidence. De ce fait, il me paraît nécessaire de modérer la force de l’écrit à l’aune de ce que nous vivons dans notre quotidien thérapeutique. Une tentative de rationalisation de quelle médecine ? Le rasoir d’Ockham, dit principe de parcimonie, nous propose d’aborder un problème en valorisant les hypothèses suffisantes les plus simples. A l’aune de nos connaissances actuelles, il semble aisé de réduire les prinicpes énoncés par Still à un discours de simplet, et notre ami semble s’y complaire. A l’aune des connaissances de l’époque, il semblerait que ces hypothèses soient plutôt dans le courant des connaissances du moment. Nous entendons dire que les sources sont absentes, mais était-ce l’habitude de l’époque ? « La maladie n’existe donc pas en tant que telle et Still réfute tout modèle ontologique de la maladie », nous dit-il, alors que Still affirmait avec véhémence : « N’importe qui peut trouver la maladie, l’ostéopathie peut permettre de recouvrer la santé » (de mémoire). Serait-ce du dénigrement ? Fort de ses observations cliniques, Still propose le concept de lésion ostéopathique dont il identifie 3 causes principales : Les traumatismes, les postures contraintes longtemps maintenues et les intoxications. Lepers n’en retient qu’une : les traumatisme ou les chutes. En les posant à l’origine de l’apparition des maladies, Still semble anticiper sur les concepts d’homéostasie de Claude Bernard et Walter Cannon, ainsi que sur les travaux de Hans Selye sur l’adaptation au stress. En recherchant les traces et conséquences de ces causes à travers la structure humaine, Still nous propose un cheminement non seulement au niveau physique mais aussi comprotemental et spirituel à travers la notion de Body, Mind, Spirit. Quand il nous propose une rationalisation conforme à son époque (cf les écrits de Pasteur, Koch, Béchamp, et autres), cela ne me paraît pas fondamentalement choquant. La lésion ostéopathique Comment expliquait on le manque ou la réduction de la fonction articulaire à la fin du XIXème siècle ? On parlait d’articulation démises, plus ou moins disloquées, et la terminologie n’a pas tant évolué que cela puisque nous parlons de dysfonctions par effet sémantique, que nous trouvons adaptées, compensées, qualifiant les subluxations de translations ou de strains pour les anglophiles. Comment peut-on affirmer que Still rejetait la biologie alors qu’il avait équipé ses salles de cours de microscopes ? De son expérience clinique, et selon ses étudiants, Still était un clinicien aussi fantastique pour l’époque de le Dr House l’a pu être pour les amateurs de séries télévisées, de son expérience clinique Still tire un modèle qu’il nous propose, cohérent par rapport aux connaissances de l’époque. Comment pourrions nous imaginer les fantastiques progrés de la connaissance de la biologie au cours du siècle qui nous sépare de sa disparition ? Lors de ses débuts, Stil se présenté comme « Le rebouteux éclairé ». A de nombreuses reprises, au long de ses écrits, il insiste sur l’importance de la compréhension du fonctionnement du patient, précisant que la technique choisie n’avait aucune importance et que son succès dépendait de cette compréhension. Sutherland le résumera plus tard en disant : « comprendre le système rend la technique aisée. Il est temps de cesser de revendiquer des techniques ostéopathiques, mais plutôt de s’interesser à la compréhension de l’ensemble des éléments qui ont contribué à la problématique qui ont amené notre patient à nous consulter. Cela passe certainement par la définition d’une véritable sémiologie ostéopathique plutôt que ce grand écart permanent que font les ostéopathes entre ce qu’il ont pratiqué et la sémiologie médicale. Cela finit par donner un discours qui décrédibilise notre profession du fait de ce fossé sémantique qui nous sépare de la médecine telle qu’elle est représentée aujourdhui. En ce sens, le pamphlet d’Yves Lepers nous offre l’opportunité de s’ouvrir vers une recherche plus précise du sens de nos gestes et de leurs conséquences ou le choix d’une posture outrée rejetant cet écrit qui pourrait être jugé de blasphématoire. Certains ostéopathes oeuvrent en ce sens, partageant leurs connaissances avec leurs pairs. D’autres, réinventant l’eau tiède chaque matin, proposent lucrativement des techniques mirifiques. En dénonçant les croyances qu’il condamme en revendiquant la supériorité des siennes, il nous propose de cheminer vers une validation scientifique de ce que nous faisons. Je préfèrerai que nous commencions par la compréhension. Mais ce chemin ne nous est pas si aisé que cela puisque l’accès à la recherche nous est si fréquemment barré, faute de justification suffisante. D’autre part, de mon point de vue et avec ma sensibilité je ne vois infliger des souffrances à des animaux comme l’a pu faire Luisa Burns, qui, au passage, à permis, au début du Xxème siècle, de montrer l’évolution d’une dysfoction sur les tissus péri articulaires. Mais peut-être que ces travaux peuvent paraître obsolètes à certains. Alors que soignons-nous ? Littlejohn disait que l’ostéopathie est une science biologique. Still revendiquait pour les ostéopathes la connaissance de la vie, et proposait un modèle neuro-vasculaire pour cheminer sur les chemins de la vie. Réduire l’ostéopathie à un corpus technique est une dramatique erreur, qui frise la niaiserie et démontre qu’il y a beaucoup à faire pour restaurer le corpus philosophique initial. En ce sens, il nous faut beaucoup de patience pour arriver à propager l’idée que ce qui fait notre succès n’est pas tant ce que nous faisons, mais ce que le patient en fait. Je n’ai pratiqué qu’avec des humains, n’ayant pas de compétence au sujet de l’animal, et compte tenu de la complexité de la vie humain, peu enclin à l’effort d’approfondir la connaissance de l’animal. Toutefois, il me semble au fil de ce que je lis, que la problématique est la même quelque soit le règne humain ou animal. « Notre thérapeutique doit précisément se focaliser sur ce qui fait notre expertise. Les ostéopathes par leur attachement à l’examen clinique et leur savoir-faire en anatomie palpatoire, sont les mieux placés pour diagnostiquer et préciser dans la foulée l’origine d’une douleur. » La modification de la typographie est de mon propre chef. Un grand scientifique ne devrait pas pouvoir négliger le fait qu’une douleur est avant tout une signal proprioceptif qui sera modulé par un contexte historique et environnemental, traduisant un appel du souffrant mais ne nécessitant pas toujours une action. Bien des souffrances sont apaisée par la chaleur d’une présence, et souvent, il est possible de trouver chez nos patients les fulcrum idoine et le bras de levier suffisamment long pour les aider à soulever leur monde pour y vivre mieux. aut324 I – D’abord j’approuve une grande partie des lignes de son encadré final : abandon des concepts a priori (la plume de Dumbo, que je suis d’avis d’abandonner dès qu’on est en vol de croisière), abandon quasi-total des HVBA, fréquente inanité des tests, et priorité à l’expertise palpatoire du praticien. Mais du coup, je ne vois pas que toutes ces considérations nous éloignent du subjectivisme prétendument abhorré, et que l’ostéopathie doit pourtant selon moi assumer. C’est peut-être la science qui est à la traîne pour prouver ce que ressent le praticien (et la science n’est pas vraiment humble, il faut bien le constater). En fait on peut se demander si par ce discours, Lepers ne cherche pas à s’affranchir des règles expérimentales de l’EBM (conscient de l’impasse), en lui livrant en échange le sacrifice du père fondateur. Erreur, la « partie adverse » en demandera toujours davantage, pas à pas, à la manière du voleur chinois, jusqu’à ce que nous ayons rejoint le giron de la maison mère ! C’est là qu’est l’erreur fondamentale : cet esprit à proprement parler révolutionnaire, purement destructeur car il ne cherche pas à établir un état meilleur, mais n’a pour autre but que la pulvérisation à chaque instant de tout ce qui existe auparavant. C’est ainsi que l’occident sacrifie encore et toujours (le laïcisme contemporain est à ce jeu le plus fort, car la standardisation du contribuable consommateur est à ce prix) ce que les savoirs précédents ont à nous dire ; la théorie des humeurs, les éléments celtiques, les intuitions de Still, doivent être au contraire des apports à la sédimentation des connaissances. La table rase que nous imposons régulièrement à notre civilisation nous prive d’un système construit pour nous par le temps et la nature, complexe mais efficient, parlant à notre être du plus superficiel au plus profond … comme par exemple la MTC ou l’Ayurveda. Comme d’ailleurs, sur le plan sociétal, ces mutilations ont fait de notre civilisation la moins solidaire qui soit entre ses propres membres. Si on veut s’attaquer aux fondations métaphysiques, que pensent ces gens de l’évolutionnisme ? Celui-ci, théorie montée à l’origine en réaction au créationnisme et proposant le passage d’une absurdité à une autre, s’appuie sur des constatations de bon sens apparent, pour échafauder un système ultra bancale qui continue à être enseigné tel que, dans le mépris complet de toutes les découvertes le contredisant (en l’occurrence l’homme de la Denise, en France, et tant d’autres), inventant des supercheries grotesques pour sa défense (Piltdown, sinanthrope, etc.). Pourtant je suis persuadé que Lepers le défendrait bec et ongles ; pourquoi ? Il faut être conscient de sa propre faiblesse et de ses conditionnements, et ne pas faire mine de s’élever contre une aliénation tout en restant obséquieusement au service d’une autre. Je pense que l’objectif de la vie est de s’affranchir autant que possible, au moins mentalement, de ses propres chaînes quelles qu’elles soient (chacun à son rythme, et je suis lent J). Il semblait il y a quelques temps qu’on en prenne le chemin, tout pousse hélas à suspecter le contraire. Nous sommes apparemment incapables d’accepter ce qui est sans l’enfermer dans un système, si pourri soit-il, qui prétende l’expliquer … L’esclave finit par aimer sa servitude, et souhaite l’imposer à tous. aut285

“… En outre, Newton et les autres scientifiques à sa suite n’avaient pas d’âme. En décidant qu’ils allaient seulement étudier ce qu’on pouvait vérifier sous des conditions certifiées, ils avaient tout bonnement restreint leur champ d’expérimentation. L’essentiel de la vérité se trouvait hors des limites bien nettes de la Science ; et même à l’intérieur de ces limites, grâce à son œil exercé à repérer ce qui s’accordait mal, En-Verité Cooper découvrit vite que si la prétention à l’impartialité était universelle, pareille qualité s’avérait rare. La plupart des savants, …, demeuraient prisonniers des idées reçues. Nager à contre-courant dépassait leur compétence, aussi la vérité restait-elle éparpillée en mille morceaux imbibés d’eau” Orson Scott Card, les chroniques d’Alvin Le Faiseur, Livre IV, Le Compagnon (pp 155-6)

 

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