« Je me suis assis sous un pommier, et le chat m’a raconté des aventures qu’il était seul à connaître (…). Ces Contes du chat perché, je les donne ici sans rien y changer. L’opinion de mon ami le chat est qu’ils conviennent à tous les enfants qui sont encore en âge où on peut comprendre les bêtes et parler avec elles »
Marcel Aymé
Le Cagou, seul représentant de son genre et de sa famille, est une espèce d’oiseau calédonienne de couleur grisâtre, aux longues plumes occipitales, aboyant au lever du jour et incapable de voler..
Le cagou – Bonjour, je cherche le chat, le chat-très-haut-perché.
Le perroquet – C’est pour une consultation ?
Le cagou – Non, je ne crois pas.
Le perroquet – Dans ce cas, regardez, c’est là haut.
Et en effet sur une branche, très-haut-perché, on pouvait apercevoir le chat arborant un large sourire..
Le cagou –Whaouuu, c’est grand ici !
Le chat-très-haut-perché – Oui heureusement ! On organise des stages pour apprendre à planer ! Et il faut bien loger tout le monde ; les caribous, les lamas, les cochons, les zébus, les moutons, les chevaux… Ils ont tellement de choses à dire.. !
Le cagou – En effet, quel brouhaha !
Le chat-très-haut-perché – Tu ne veux pas t’asseoir là haut avec moi ?
Le cagou – Euh non merci ça va, puis.. j’ai un peu le vertige et je ne grimpe pas si bien.. Je vais m’asseoir là, sur ce caillou..
Le chat-très-haut-perché – Alors, qu’est ce qui t’amène ?
Le cagou – Eh bien voilà, je voudrais être un vrai oiseau ! Mais je me demandais pourquoi, comment, combien de temps, avec qui et peut-être que.. quand ? (…) Sans compter qu’à l’époque déjà, quand j’étais en Calédonie, je voulais apprendre l’aérospatiale mais mon cousin-le-kiwi m’en a dissuadé ! Trop long, trop dur, trop risqué me disait-il..
Le chat-très-haut-perché – Eeeeh, je le connais le-kiwi, quel salaud celui là ! Je vais l’engueuler !
Le cagou – Hihi, et toc !
Le chat-très-haut-perché – Non mais attends le cagou, je plaisante ! Il n’a rien à voir là dedans ton cousin.
Le cagou – wourf
Le chat-très-haut-perché – En plus, t’as rien loupé ! L’aérospatiale, c’est nul. Tu sais, apprendre l’aérospatiale et être un oiseau, ça n’a rien à voir !
Le cagou – Ah ? Parce quand j’habitais en Cagonie, je suivais les cours du soir d’aéronautique..
Le chat-très-haut-perché – L’aéronautique ?! Quelle drôle d’idée ! C’est l’aérospatiale pour les nuls !
Le cagou – Mais pour devenir un oiseau, il faut bien que j’apprenne les bases de la physique, de l’aérodynamisme, de la mécanique, de la portance, c’est très technique tout ça..
Le chat-très-haut-perché – Eh oh, le cagou, n’importe quoi ! Pas besoin d’être un cosmonaute, un spationaute ou un ingénieur en aéronautique pour devenir un oiseau : prends de la hauteur et saute !
Le cagou – Admettons mais bon.. qu’est ce qu’il va m’arriver si je me lance comme ça, dans le vide ? Puis ils sont susceptibles les corbeaux, non ? Ils ne risquent pas de croasser un peu fort s’ils me voient débarquer dans leur ciel, avec mes plumeaux sur la tête ?
Le chat-très-haut-perché – Bon, si tu ne veux pas vivre ta vie, suicide toi tout de suite ! Tu sais moi, quand je n’étais encore qu’un petit chat, on m’a dit : laisse tomber, tu n’y arriveras pas, tu ne seras jamais un oiseau ! Alors j’ai tout appris : l’aérospatiale, l’aéronautique, l’aéroportage et même l’aéromodélisme ! Et voilà le résultat, est-ce que ça a fait de moi un oiseau ?
Le cagou – Euh.. non (bizarre quand même ce chat)
Le chat-très-haut-perché – Bon, ça ne m’a pas empêché de prendre de la hauteur et.. de planer ! Mais dis moi le cagou, qu’est ce que t’as dans le dos, ça ne serait pas des ailes par hasard ?
Le cagou – Mais oui, c’est vrai ça ! Incroyable.. !
Le chat-très-haut-perché – Tiens ! Si tu regardes une poule, c’est un oiseau non ? Bon son truc à elle, c’est de caqueter en mangeant des verres de terre. Et ton truc à toi, c’est quoi ?
Le cagou – Mon truc à moi ? C’est d’expérimenter de nouvelles sensations, explorer de nouveaux horizons, découvrir de nouveaux paysages.. Voler quoi !
Le chat-très-haut-perché – Bon très bien, alors il serait peut-être temps d’arrêter de tourner en rond ?!
Le cagou – Oui mais.. si jamais je ne vole pas assez haut, pas assez vite, pas assez loin ?
Le chat-très-haut-perché – Dis donc le cagou, tu ne serais pas un peu pétochard ? Parce que si tu veux apprendre à voler, il va surtout falloir t’alléger un peu : défaire tes nœuds, tes attaches, laisser tomber ta carapace, bref, tout tes machins ! Crois moi, ça va gicler !
Le cagou – Les amarres aussi, il faut les larguer ?
Le chat-très-haut-perché – Oui, surtout les amarres ! Et je vais te dire une bonne chose : si tu te lances, tu ne pourras jamais savoir pourquoi, comment et jusqu’où ça va t’emmener !
Le cagou – Waouuurf
Le chat-très-haut-perché – Bon c’est sur, ça risque de ne pas plaire à tout le monde. Les rapaces, les charognards et autres corbeaux n’aiment pas trop voir des chats ou autres ovnis voler mais si toi, tu sais que ta place est là haut, ce ne sont quand même pas quelques chiures d’oiseaux qui vont t’en empêcher ??
Le cagou – Oui mais..
Le chat-très-haut-perché – .. J’ai bien essayé de raisonner les plus coriaces pour que tout le monde puisse voler en harmonie, tu parles ! Les tourterelles ne mangent pas de cadavres et les chouettes ne volent que la nuit, impossible de les mettre d’accord !
Le cagou – D’autant que moi, je ne mange que des lézards !
Le chat-très-haut-perché – (bizarre quand même ce cagou) Bon et puis, tu ne crois pas qu’on ne sera jamais assez nombreux pour faire le bien sur cette planète ? Et regarde le ciel, il n’appartient à personne ! Tu ne penses pas qu’il est bien assez grand pour accueillir aussi les drôles d’oiseaux ?
Le cagou – Si le chat, tu as raison. D’ailleurs, il y a même des gens qui disent qu’au ciel, quoi qu’il arrive …
Le chat-très-haut-perché – Bon allez, viens le cagou, on va demander aux dromadaires ce qu’ils en pensent..
Petit clin d’œil en souvenir d’une visite au siège de la revue (et du cabinet vétérinaire du chat perché), sur la ferme de St-Ygnan qui mérite un grand Merci ! Merci à Patrick et à tous ceux qui, en dépit des préjugés, ont eu le courage de croire en eux et de vivre à leur façon, le plus beau métier du monde…