Grotte de Niaux

Autour des rencontres de 2011, était organisée une visite complète de la grotte de Niaux …. voici le compte rendu d’un des visiteurs ostéopathe de ce soir là.

Une vingtaine de joyeux ostéopathes, vétos et nini devaient se retrouver devant la grotte ce vendredi soir, prélude à l’intense week-end qui nous attendait.

Il restait quelques places encore vendredi après-midi et ils étaient trois de nos comparses de promo à s’être inscrits : Karine, Hakim et Eric, le troisième mousquetaire.

En discutant le midi avec les intervenants dépités de ne pouvoir faire cette visite, nos trois collègues ont fait montre d’une grande générosité en cédant leur place. L’après-midi se passe, et le départ sonne bientôt, cependant certains inscrits étaient en retard et des places se libérèrent, Patrick expliqua la situation et proposa donc un ticket.

Ayant terminé nos TP, nous étions Pierre et moi devant le porche de la maison, j’hésite une seconde, gêné de sauter sur une si belle occasion mais elle était trop belle et le hasard n’existant plus ce devait être écrit sans doute, je grimpai à l’arrière de la voiture et secouai ma main en guise d’au-revoir à mon Pierrot en plein atterrissage d’une semaine 1 particulièrement dense.

La voiture se lance et c’est parti pour trois-quarts d’heure de route vers Niaux. Nous profitons du splendide paysage, les collines verdoyantes, les vaches, ça tourne, ça vire et les arêtes des Pyrénées pointent leur nez au détour des détours. Nous grimpons, des à-pics frôlent notre véhicule, nous empruntons un chemin à flanc de montagne et arrivons devant des portes métalliques magistrales, œuvre d’art sortie du cerveau mégalomaniaque d’un sculpteur italien, le tout sous un porche de pierre de 55 mètres de haut, vertigineux.

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Le groupe d’osteo-touristes se forme devant le magasin de souvenirs et un homme se présente. Barbe noire couvrant sa mâchoire néandertalienne, les cailloux du torrent le plus proche roulent sur son accent pour reprendre une image éculée, il est sympathique le bonhomme, et visiblement passionné.

Vétérinaire de profession, il nous explique qu’il est depuis longtemps féru de préhistoire et goûte chaque jour sa chance de pouvoir vivre dans une région si riche en reliques de nos ancêtres les hommes de cro 2, les hommes de ma, les hommes de Cro-Magnon !

La grotte de Niaux est la troisième par ordre d’importance en Europe, pas rien le trou dans la montagne ! Il nous allèche en nous décrivant les peintures uniques que nous allons bientôt pouvoir admirer.

Préambule à la visite, il vérifie que nous sommes tous équipés correctement, pull ou polaire (il fait 12° dans la grotte), chaussures adaptées, c’est humide, ça glisse et il y a des flaques d’eau. L’un de nous se fait remonter les sandales et est prié d’aller changer ses tongs si peu adéquates. Les guides nous sont présentés, nous prenons chacun notre lampe torche et c’est parti, nous entrons dans le sein des seins, ou le saint des saints, ou le seing des seings ou le sain des sains, vous bifferez les formules impropres.

Porte métallique s’ouvrant sur un tunnel en béton (la véritable entrée n’est plus utilisée, là c’est un gigantesque entonnoir que nous empruntons). Un vent coulis nous refroidit et nous annonce la température.

Nous descendons le tunnel, passons une nouvelle porte métallique et Jules Verne nous accueille au centre de la terre (non, il n’était pas là, figure de style on va dire).

Enfin nous découvrons la grotte, le début tout au plus, car nous devons progresser sur 800 mètres pour atteindre le Salon Noir, clou de la visite. Nous avançons à la file indienne, les faisceaux de nos torches illuminent les parois mais nous ne pouvons trop y prêter attention et devons éclairer le sol et nous concentrer sur nos pas sinon c’est la gamelle assurée.

Effectivement, ça glisse, il y a des trous, des reliquats de stalagmites détruites par des visiteurs précédents peu respectueux, quand je dis (ou écris) précédents, c’est vraiment précédents, des graffitis apparaissent bientôt sur les murs, cursives dévoilant des noms et des dates, la plus vieille que j’ai pu lire : 1664. Et je n’avais pas bu !

Un escalier et sa rampe de métal, des aménagements modernes facilitent la visite, au sol des trous et encore des bosses, des plateaux creusés de larges cupules de dépôts calcaires et une hauteur incroyable au-dessus de ma tête, attention à la tête quand même ce n’est pas haut partout, il y a des rétrécissements.

Nous passons un goulet, débouchons dans une grande salle, je ressens un certain émoi en y accédant, comme si la montagne expliquait à mes tripes que me surplombent plus de 400 m de roches. Ou est-ce un autre sentiment ? Celui de suivre les pas de ceux qui m’ont précédé, des aristocrates à jabot, des hommes en peau de bête. Je suis saisi d’une émotion étrange, est-ce cela une porte énergétique ? Nous y reviendrons.

Le guide s’est arrêté devant une clôture qui protège un pan de muraille. Nous nous serrons pour l’explication. La lampe torche éclaire des points rouges et noirs, des bâtons les uns à côté des autres, d’autres lignes de points, des claviformes (bâton avec un demi cercle sur le côté). Les spécialistes se perdent en conjectures pour nous donner la signification de ces signes. Est-ce un code, des signatures, un panneau indicateur, les gamins des peintres qui s’entraînaient pour faire comme papa tandis que ces derniers s’échinaient à reproduire leur bison mythique ? Le mystère plane, pour ma part, je pense que c’est simplement des essais de couleur, ou pas, ou les prémisses d’une écriture ?…

Avant de reprendre la route, notre précepteur nous invite à reculer d’une dizaine de mètres et de ressentir se qui émane de cet endroit et comme nous sommes des gens particulièrement sensibles à ce genre de choses (sic) nous devrions nous aussi noter ce phénomène.

Nous nous exécutons et de fait, ils sont plusieurs à remarquer quelque chose, de mon côté c’est plus succinct, oui, peut-être, je ne sais pas, ou alors un chouya, mais je note quand même une atmosphère particulière.

Nous avons en fait passé plusieurs portes de cette nature sans que je ne m’en doute et plusieurs visiteurs l’ont noté. Petit padawan doit avancer sur chemin du ressenti. Il en est même qui me précise que ce lieu ne goûte guère de se faire visiter sans que quiconque ne respecte ces portes, si elles sont là, il doit bien y avoir une raison, et les hordes de touristes traversant au pas de course les galeries humides de la grotte n’ont pas grand-chose à faire de ce respect, il y a les torrents à aller voir après et il faut être à l’heure pour l’apéro parce que faut compter avec les bouchons sur Foix.

Bizarrement je conçois parfaitement qu’un tel vestige doit être abordé avec humilité, il existe au cœur de cette montagne une ambiance magique.

La troupe poursuit la visite et nous arrivons à un carrefour. Nous avons parcouru 800 m dans le ventre de la montagne, nous avons un peu froid, il y a une odeur d’humus, de champignons, de minéral, des stalactites descendent de la voute gigantesque et j’imagine le travail du temps et de l’eau pour creuser un tel édifice. Le groupe se scinde, nous ne pouvons accéder au Salon Noir que par groupe de dix, le CO2 et l’humidité que nous dégageons pourraient abîmer les fresques. Nous déposons les torches à l’entrée, la lumière aussi est néfaste. Alors quoi, nous sommes aveugles et comment qu’on va faire pour les voir les dessins ? Seul le guide garde sa torche (oui, c’est une lampe mais imaginez un peu avec une torche, ça a de la gueule non ?).

Le Salon Noir, un écho immense, 50 m de hauteur sous plafond, une cathédrale lithique, un dôme préhistorique. J’ajouterai c’est magnifique mais ça fait un lourd, non ? Trop de « ique ». Bref, c’est de toute beauté !

Le guide nous demande de nous placer devant un garde-corps, lui et notre vétérinaire d’accompagnateur passe derrière. Soudain, noir absolu, un vide humide nous entoure. Flash contre la paroi, pupilles qui s’étrécissent et le spectacle commence.

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Sur la paroi apparaissent des courbes noires, simples traces de pigments minéraux d’abord elles s’entrecroisent, s’associent et révèlent l’animal fétiche d’un peintre vieux de 10 000 ans. Un bison. Puis un cheval. C’est impressionnant. Le trait est sûr, les détails précis. L’animal est là, devant nous. Nos guides ne tarissent pas d’éloge pour le chef-d’œuvre et nous décrivent avec minutie et passion chaque centimètre de l’ouvrage.

Regardez la maitrise du trait, ici la volupté de la courbe, regardez la précision de ce paturon, ce fanon. Vous noterez que l’artiste s’est plus intéressé à l’avant main, la croupe est presque bâclée, tout le génie se concentre sur le museau, les cornes, notez cet effet de perspective dans le traitement de la deuxième corne, et cet œil, n’est-il pas splendide ?

Maintenant intéressons-nous à ce cheval. Voyez cette ligne, ce M qui débute au jarret, souligne le ventre et arrive au coude, c’est ce qu’on appelle une convention dans l’art rupestre. Sur des œuvres tout juste amorcées, nous reconnaissons immédiatement qu’il s’agit d’un cheval en repérant ce « M » conventionnel. Dès lors nous pouvons parler d’école magdalénienne (époque à laquelle remonte les peintures). De manière similaire, nous reconnaissons le bouquetin à sa ligne horizontale sur le ventre.

Car après ce premier tableau viennent un deuxième, un troisième et encore avec une croissance dans le spectacle, des animaux de plus en plus beaux, bisons, chevaux, bouquetins et peut-être un carnivore, mais ça on en est pas certain, le peintre devait être pressé, ou est-ce une ébauche, ou un débutant, mais regardez celui-ci, approchez-vous, non, vous ne pouvez pas, admirez cet effet de trois-quarts. Et quand le guide camoufle sa lampe-torche de ses doigts, qu’il les agite, mimant la lumière mouvante d’une torche pour le coup, la bête semble se tourner vers nous. Nous plongeons 10 000 ans en arrière et imaginons le peintre devant son œuvre, à la flamme vacillante de sa lampe à graisse, l’animal prend vie… la télévision ne viendra que beaucoup plus tard. Il y a un brin de perversion à aller se coltiner un kilomètre de marche, de grimpette dans le boyau humide et escarpé d’une montagne pour aller faire des graffitis sur une paroi, non ? Ou alors c’est bien plus profond (sans jeu de mot) que cela.

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Nous nous émerveillons et écoutons avec attention, posant des questions, appréciant les notions anatomiques que notre collègue ne manque pas d’ajouter à son discours. Mais ça pèle dur quand même ! Et c’est avec soulagement que nous terminons la visite du Salon Noir, refroidis, certes, mes ayant gravé de splendides souvenirs dans notre système limbique (c’est là que ça se passe, non ?). Il nous reste à tester l’acoustique de la grotte, nous nous plaçons à l’endroit idoine et quelques-uns entonnent un chant diphonique. Les vibrations se répercutent en tourbillon dans tout l’espace, j’en ai des frissons.

Il est temps de laisser la place aux suivants qui s’impatientent à quelques pas de là. Notre demi-groupe s’aventure ensuite dans une partie interdite au public, petits veinards transis de froid que nous sommes. Non, Pas transis, j’abuse. Nous explorons une galerie adjacente et regardons des signes pariétaux et un bison gravé dans le sol. La fin de la visite est annoncée.

Sans prendre le temps d’attendre les autres nous prenons le chemin du retour, nous captons tout ce que nous pouvons, nous imprégnons de cet univers unique, de ce climat tellurique. Dehors, il fait encore jour, la visite a duré 3 heures, soit le double d’une visite classique. Une bien belle visite, ma foi.

Pour mettre des images sur ces mots je vous invite à visiter le site de la grotte de Niaux : http://www.sesta.fr/grotte-de-niaux.html

Merci à Patrick d’avoir proposé cette visite. Merci également à notre vétérinaire barbu 3 si sympathique et aux 3 guides compétents.

En espérant que vous pourrez la visiter à votre tour, j’espère vous avoir fait partager un peu de ce moment unique.


  1. Cours d’ostéopathie de l’école de Nantes délocalisés à la ferme
  2. attention vocabulaire littéraire sans doute fausse paléontologiquement…
  3. Dr Jean Pierre Alzieu
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