Author: Véronique Martin Morvan
Introduction :
L’abord de l’ostéopathie est holistique et vise a redonner une liberté de mouvement à la personne. Mais parfois ce n’est pas suffisant, le résultat escompté n’est pas au rendez-vous, pas de mieux-être, la douleur ne cède pas.
C’est pourquoi j’ai entamé ce DIU en Posturologie Clinique pour mieux comprendre la posture, et également pour comprendre le travail des podologues et des orthoptistes. L’ostéopathie peut avoir toute sa place en posturologie du fait de sa vision globale et peut être un bon complément du travail de l’orthoptiste, du podologue et de l’orthodontiste.
Dans ce mémoire, nous allons nous intéresser à l’entrée visuelle. Et nous poser la question si un traitement ostéopathique portant sur la musculature oculomotrice retentit sur le système postural ?
Dans un premier temps, nous allons aborder la méthode, le choix des sujets, décrire les tests posturaux, et la technique ostéopathique, puis nous donnerons les résultats et enfin nous discuterons.
I. Méthodes
Nous allons faire une étude pour voir si l’ostéopathie sur les muscles oculomoteurs a une influence sur le système postural.
Il s’agit d’abord de recruter des sujets.
L’orthoptiste va faire un bilan de convergence et d’hétérophorie au groupe témoin et au groupe traité. Puis il sera proposé au deuxième groupe un test de Fukuda, un test des rotateurs externes, un traitement ostéopathique sur les muscles oculomoteurs, un temps de repos et enfin un test de Fukuda, un bilan orthoptique en fin de séance et à une semaine d’intervalle.
A. Le recrutement
1. La population
Le recrutement se fait avec des personnes qui viennent faire un bilan orthoptique pour des troubles de la vue, des vertiges, des céphalées.
Il a été décidé de recruter des adultes. En effet avant 20 ans le système postural n’a pas fini sa maturation. La station debout requiert un minimum de ressources attentionnelles chez des sujets en bonne santé (Bernard-Demanze et al, 2009).
Deux groupes sont formés : un premier groupe témoin et un deuxième groupe à qui l’on proposera le traitement ostéopathique.
2. Critères d’exclusion
Ne sont pas retenus dans cette étude, les sujets avec une pathologie oculaire, une pathologie neurologique ou prenant des neurotropes.
3. Critères d’inclusion
Les sujets retenus présentent un trouble de l’hétérophorie et la convergence, quantifiées par une orthoptiste.
-L’hétérophorie est une déviation latente des axes visuels.
Quand on a les yeux ouverts, le réflexe de fusion se met en place et les deux yeux regardent le même point de fixation. Pour mettre en évidence une hétérophorie, il faut disposer d’un dispositif qui supprime le réflexe de fusion. Il faut masquer un œil et regarder s’il y a un mouvement de restitution au démasquage de l’œil. On mesure le mouvement apparent de l’œil avec une barre de prisme en cherchant à annuler le mouvement.
-La convergence mesure la capacité des yeux à fusionner une image avec un mouvement interne des yeux.
4. Constitution des groupes
a. Groupe témoin
Le groupe témoin est constitué de 11 personnes âgées entre 28 et 85 ans. Ces personnes viennent faire un bilan orthoptique avant d’entamer une rééducation.
b. Groupe étudié
Le groupe étudié est constitué de 6 personnes âgées entre 25 et 61 ans qui ont accepté de participer à l’étude. Ces patients viennent pour des céphalées, des douleurs oculaires voire des cervicalgies.
B. Méthodes
Le groupe témoin est testé par l’orthoptiste à T 0 et à T +15 minutes afin de mesurer la reproductibilité de la mesure.
Le groupe traité est testé à T 0, puis le test de Fukuda est effectué, le test des rotateurs qui permet de déterminer différents groupes. Il reçoit le traitement ostéopathique. Après un temps de repos, il y a à nouveau test de Fukuda et l’orthoptiste mesure de l’hétérophorie et de la convergence à T+30 minutes. Les mesures d’hétérophorie et de convergence se font également à J+7.
1. Test de convergence et d’hétérophorie
L’orthoptiste a choisi d’utiliser le test de Maddox pour mesurer l’hétérophorie parce que c’est un test dissociant, qui rend la fusion des images difficile.
Lors des mesures d’hétérophorie et de convergence, le patient porte ses lunettes quand il en a.
a. Mesure de l’hétérophorie
La baguette de Maddox est un filtre rouge strié, un test très dissociant qui empêche la fusion sensorielle. Les baguettes de Maddox sont des cylindres de 100 à 200 dioptries de puissance. Ce test est utilisable en vision de loin en plaçant devant le sujet un point lumineux à 5 m ou en vision de près (à 40cm).
La baguette est placée stries horizontales devant l’oeil droit du patient. Dans cette étude, un point lumineux de fixation est placé à 40cm devant le sujet, dans le plan médian et dans le plan horizontal contenant la ligne de base.
Le sujet voit une droite rouge verticale et un point lumineux blanc. L’orthoptiste interpose une barre de prisme devant l’oeil gauche jusqu’à ce que le patient voie la lumière sur le trait et la valeur de l’hétérophorie est égale au prisme ou s’il voit la lumière changer de côté, la valeur de l’hétérophorie est intermédiaire.
Utilisation du Maddox
Prenons l’exemple suivant: le sujet portant le Maddox sur l’oeil droit extériorise la droite rouge à 10 cm à droite du point blanc. – En examen de vue : On dit que les images “décroisent” (l’image de l’oeil droit est extériorisée à droite). En utilisant la loi de Desmarres, on en déduit qu’il s’agit d’une ésophorie de 2 D.
b. Mesure de la convergence
La quantification de la convergence se fait avec une barre de prisme. Il est demandé au patient de fixer un objet à 40 cm (vision de près) ou à 5m40 (vision de loin) et dire quand il voit double. La valeur du prisme avant la diplopie donne la valeur de convergence. Dans notre étude nous nous intéressons à la vision de près.
2. Test du Fukuda
Après que l’orthoptiste ait mesuré l’hétérophorie et la convergence, le protocole est expliqué au premier groupe.
La pièce dans laquelle s’est réalisée l’expérimentation avait une luminosité diffuse, peu de bruits externes : c’est-à-dire de bonnes conditions expérimentales.
Nous avons ensuite réalisé le test de Fukuda dans les trois positions de la tête.
Tout sujet normal, tête en position neutre, les yeux fermés, qui piétine sur place tourne sur lui-même de 20° à 30° à droite ou à gauche au maximum en 50 pas.
Le sujet, avec ses lunettes s’il en porte, pieds nus, mâchoires en posture mandibulaire (les dents ne se touchent pas) est debout.
L’opérateur se place derrière lui avec un métronome placé au niveau de la septième cervicale qui bat à une cadence de 72 battements/minute et compte les pas. Le sujet regarde une ligne verticale, ferme les yeux et fait 50 pas sur place, les genoux montant à 45°.
On mesure l’angle formé entre la bissectrice entre les deux pieds et l’horizontale perpendiculaire à la ligne verticale avec un goniomètre.
Puis le sujet se replace devant la ligne verticale( une porte), la regarde, ferme les yeux, se met à marcher sur place puis tourne la tête à droite. En effet lorsque l’homme normal tourne la tête à droite (ou à gauche), le tonus de ses muscles extenseurs du membre inférieur droit augmente, inversement pour la gauche. Ainsi lorsque l’homme normal répète un test de Fukuda en gardant la tête tournée à droite, il pivote davantage vers sa gauche que lorsqu’il avait exécuté le test en gardant la tête en position neutre, inversement pour la gauche.
La différence entre les angles de pivotement entre tête neutre et tête tournée, chiffre le gain nucal, droit ou gauche. On mesure l’angle formé entre la bissectrice entre les deux pieds et l’horizontale perpendiculaire à la ligne verticale avec un goniomètre. Une nouvelle fois, le sujet se replace devant la ligne verticale, la regarde, ferme les yeux, se met à marcher sur place puis tourne la tête à gauche.
Par convention, le déplacement vers la gauche est noté négativement, le déplacement vers la droite est noté positivement.
On calcule le gain nucal droit et le gain nucal gauche.
Il est admis que les asymétries de la posture orthostatique est normale en dessous de 50°.
3. Test des rotateurs( Gagey et al, 2010)
Comme le test de Fukuda, le test des rotateurs est un test posturodynamique.
Le sujet est en décubitus dorsal sur la table, bras étendus le long du corps, tête en position neutre, regard en position primaire, c’est-à-dire regardant un point devant lui, mâchoires en position mandibulaire, les dents ne se touchant pas.
L’opérateur est placé en bout de table, empaume les talons, éminences thénar et auriculaires restant à la limite de la sole plantaire sans jamais les toucher ; le bord interne des éminences thénars est appuyé sur le bord antérieur de chacune des malléoles externes du sujet.
Il décolle les pieds du sujet d’un ou deux centimètres, les bras étendus. Le sujet est relâché, les pieds suffisamment écartés, l’opérateur imprime une série de 5 ou 6 mouvements enchaînés de rotation interne de ses pieds simultanément pour tester la résistance opposée à ce mouvement passif par le tonus des muscles rotateurs externes de chacune des cuisses.
9 fois sur 10 c’est le tonus des rotateurs externes de la cuisse droite qui oppose la résistance la plus forte : on dit alors que ces muscles sont dans un état d’hypertonie relative par rapport aux muscles symétriques.
Ce test est fait mâchoires en position mandibulaire(DNS), yeux ouverts (YO) puis le test est à nouveau fait, le sujet les bras le long du corps, regard en position primaire, mâchoires en position mandibulaire, on lui demande de fermer les yeux (YF).
On refait le test. Cette fois, en repartant de zéro – le sujet les bras le long du corps, regard en position primaire, mâchoires en position mandibulaire-, il est demandé au sujet de serrer les mâchoires (DS).
Enfin le sujet les bras le long du corps, regard en position primaire, mâchoires en position mandibulaire, on lui demande de fermer les yeux (YF) et de serrer les mâchoires (DS).
Une différence de plus de 10° donne plusieurs sous-groupes.
La manoeuvre des rotateurs a été notée 1 quand il y avait plus de 10° d’angle entre les deux pieds (le pied droit descendant plus bas), 2 quand le pied gauche descendait plus bas et O quand il y avait moins de 10 ° d’angle entre les deux pieds.
Il en ressort des sous-groupes :
1- Pas de différence YO/YF et DS/DNS
2- Différence YO/YF et DS/DNS
3- Pas de différence YO/YF et différence DS/DNS
4- Différence YO/YF et pas différence DS/DNS
Notre attention se portera d’abord sur les sujets pour lesquels il y a une différence de tonus YO/YF mais pas de différence DS /DNS et nous comparerons avec les autres groupes.
4. Manoeuvre ostéopathique des muscles oculomoteurs
a. Les muscles oculomoteurs
On dit que les mouvements oculaires sont associés. C’est cette conjugaison des deux yeux qui permet à la vision binoculaire de jouer pleinement à toutes distances et qui nous donne la possibilité de voir en relief.
Au nombre de sept, ces muscles dits striés assurent pour six d’entre eux la fixation et le mouvement du globe oculaire, le septième commande la paupière supérieure. Le mouvement d’un œil, entraîne automatiquement le même déplacement pour l’autre.
Les muscles oculomoteurs ont des actions spécifiques qui permettent à l’œil de bouger dans 9 directions.
Tous les muscles droits s’insèrent sur l’orbite par le tendon de Zinn, leur origine orbitaire est donc située au fond de l’orbite. L’origine orbitaire du petit oblique est à l’angle inféro-interne du cadre orbitaire. Le grand oblique, bien qu’ayant pour origine le tendon de Zinn, aura pour origine la trochlée puisque la force qu’il exercera sur l’oeil par sa partie tendineuse sera dirigée vers ce point.
La loi de Sherrington s’applique: quand un muscle se contracte, le muscle ayant une action opposée (antagoniste) se relâche. Ainsi que la loi de Héring: dans tout mouvement binoculaire de version, l’influx nerveux est envoyé en quantité égale aux muscles concernés des deux yeux.
L’action des muscles oculomoteurs :
-Le droit supérieur (DS) a pour action principale l’élévation et action secondaire, l’intorsion et l’adduction.
-Le droit inférieur (DI) a pour action l’abaissement et action secondaire, l’extorsion et l’adduction.
-Le droit médial (DM) a pour action principale l’adduction et action secondaire, aucune.
-Le droit latéral (DL) a pour action principale l’abduction et action secondaire, aucune.
-Le grand oblique supérieur (GO) ou oblique supérieur a pour action principale l’intorsion et action secondaire l’abaissement et l’abduction.
-Le petit oblique (PO) ou oblique inférieur a pour action principale l’extorsion et action secondaire l’élévation et l’abduction.
Par contre le champ d’action des muscles n’est pas identique à leur action.
En effet les mouvements d’adduction ou d’abduction n’atteignent jamais des angles très importants mais il demeure de l’étude précédente un certain nombre d’indications :
– Lorsque l’œil est en abduction, son élévation et son abaissement sont surtout provoquées par les droits verticaux;
– Lorsque l’œil est en adduction, son élévation et son abaissement sont surtout provoqués par les obliques et accessoirement par les droits verticaux. On peut définir le champ d’action d’un muscle comme la direction de l’axe visuel dans lequel le muscle agit de façon prépondérante.
Ce qui signifie que lorsqu’on veut étirer ces muscles, il faut étirer le droit supérieur vers le bas, vers le dedans en rotation interne ou incyclotorsion.
Pour le droit inférieur, il faut étirer vers le haut, vers le dedans et en rotation interne ou incyclotorsion.
Pour le droit médial, il faut étirer vers l’extérieur.
Pour le droit latéral, il faut étirer vers l’intérieur.
Pour le muscle grand oblique, il faut étirer en rotation externe ou excyclotorsion , vers le haut et le dehors.
Et pour le muscle petit oblique, il faut étirer vers le bas et le dehors et en rotation externe ou excyclotorsion.
b- Technique ostéopathique :
Sujet en décubitus dorsal, yeux fermés. Opérateur assis latéralement, la pulpe du majeur et du pouce de la main craniale posée sur les grandes ailes du sphénoïde, la pulpe de l’index et du pouce de la main caudale posée délicatement sur la paupière du globe oculaire à travailler.
Test des muscles à travailler :
Les doigts de la main caudale exercent une pression de 100g. vers le haut et l’intérieur pour le muscle droit inférieur, vers le bas et l’intérieur pour le muscle droit supérieur, vers le côté externe pour le muscle droit latéral interne, vers le côté interne pour le muscle droit latéral externe, vers le côté externe et le haut avec une légère rotation externe pour le muscle grand oblique, vers le côté externe, le bas et une légère rotation interne pour le muscle petit oblique.
Si le muscle est difficile à étirer, il est corrigé, en maintenant la pression 2 minutes 30. Le globe oculaire est équilibré en technique fasciale, pouce et majeur de la main craniale sur les grandes ailes du sphénoïde, et pouce, index et majeur de la main caudale sur le globe oculaire. Puis le deuxième oeil est traité.
Enfin les deux yeux sont équilibrés ensemble.
L’opérateur est debout, les doigts de chaque main étant posée sur un œil. Le travail sur muscle, entre 50 et 150 grammes, 2.5 minutes
5. Repos
Pour des raisons pratiques et de confort des sujets, nous avons décidé d’un repos allongé de 8 minutes, avant d’effectuer le test de Fukuda. Et enfin d’un temps de repos assis de 20 minutes avant de mesurer l’hétérophorie et la convergence.
6. Test orthoptique et test à une semaine
a. Groupe témoin
Un test de convergence et d’hétéophorie est réalisé avec un groupe témoin. Deux mesures sont effectuées dans un laps de temps de 15 minutes. Cela permet de vérifier la reproductibilité de la mesure.
b. Groupe étudié
Une nouvelle mesure orthoptique est proposée à l’issue du traitement ostéopathique puis une semaine après.
II – RESULTATS
A. Résultats du groupe témoin
La moyenne de l’hétérophorie : -0,45 et son écart-type 3,75.
La mesure de la convergence varie en moyenne de -0.63 avec un écart type de 2,9.
B. Résultats du groupe étudié
1- Mesure de l’hétérophorie et de la convergence
D’une manière générale la convergence s’améliore sauf pour Mr R. L’exophorie diminue et pour Mme E, le spasme sur les yeux a diminué : passage d’une ésophorie à une exophorie de 2 (le norme étant X’4). Alors que pour Mr R, il y a apparition d’un spasme (passage d’une exophorie à une ésophorie).
2- Test de Fukuda
a. Test de Fukuda avant traitement
Le déplacement des personnes était modéré sauf pour Mme L qui a heurté la table. Lors du test, Mr R avait un équilibre plus instable.
Si l’on considère que la norme en prépondérance est de 50° : tous, sauf Mme R, présentent une hypertonie d’un côté, surtout Mme D et Mr R.
b. Test de Fukuda après traitement
Il est possible de constater que le degré de prépondérance diminue après traitement ostéopathique même s’il reste supérieur à 50° pour Mr R et Mme P ainsi que pour Mme E. Il augmente pour Mme R et Mme E.
3- Test des rotateurs
1: différence de + 10°: le pied droit descend plus bas
2: différence de + de 10°: le pied gauche descend plus bas
0: pas de différence
1- Pas de différence YO/YF et DS (dents serrées) / DNS (dents non serrées) : personne n’appartient à cette catégorie.
2- Différence YO/YF et DS (dents serrées)/ DNS (dents non serrées) : Mme P appartient à cette catégorie.
3- Pas de différence YO/YF et différence DS (dents serrées) / DNS (dents non serrées) : Mme R et Mme E appartiennent à ce groupe.
4- Différence YO/YF et pas DS (dents serrées)/ DNS (dents non serrées) recrutement parmi cette population. Mme L, Mme D et Mr R appartiennent à ce groupe.
III – DISCUSSION
A- Analyse qualitative : comparaison des différents groupes.
Il est possible de constater qu’il y a une amélioration de l’exophorie ou de l’ésophorie, une amélioration de la convergence, avec une amélioration de l’asymétrie de la posture orthostatique qui devient inférieur à 50°.
Comparons avec les autres groupes.
Le groupe suivant une différence dents serrées/ dents non serrées mais pas de différence YO/YF, c’est-à-dire que l’entrée mandibulaire semble plus importante. L’évolution à une semaine est variable d’une personne à l’autre.
Ce qu’il est possible de dire c’est que le traitement ostéopathique sur les muscles oculomoteurs a une influence sur l’hétérophorie et la convergence, même à une semaine et que ce traitement entraine une modification de l’asymétrie posturale. Pour savoir si l’évolution du traitement est favorable ou pas il conviendrait de faire une étude statistique en recrutant un plus grand nombre de personnes.
Il est aussi possible de se poser la question si un traitement global (crâne/sacrum) pourrait stabiliser le traitement des muscles oculomoteurs.
B- Intérêts et limites de ce travail
1. Limites de ce travail
a. Limite de la technique ostéopathique
Il apparaît que les yeux peuvent être sensibles au toucher, même si la main est très délicate. Il peut donc être difficile d’employer cette technique ostéopathique de manière régulière. De plus il peut y avoir des effets secondaires (maux de tête, sinusite). J’avais oublié de prévenir qu’il pouvait y avoir effet secondaire. Il me semble que pour bien mettre en valeur le travail sur les yeux, certaines personnes auraient eu besoin d’un équilibrage crâne-sacrum. Mais cela n’aurait pas montré l’effet de cette technique.
b. Limite de l’étude
La limite de ce travail est que le trop petit nombre de sujets ne permet pas une étude statistique.
2. Intérêts de ce travail
L’intérêt de ce travail a d’abord été pratique pour moi apprendre à effectuer le test de Fukuda et le test des rotateurs. Ensuite il a été de m’interroger sur les tests utilisés et la technique ostéopathique.
Le test des rotateurs est un test qui explore la composante visqueuse des propriétés mécaniques et les récepteurs à adaptation rapide (Gagey et al, 2010) et permet de différencier rapidement une asymétrie du tonus postural lié à une entrée visuelle ou mandibulaire pour chaque sujet du groupe étudié.
Le test de Fukuda évalue l’asymétrie du tonus postural sachant que celui-ci s’exprime mieux dans le mouvement, enseignement fondamental de Fukuda (Gagey et al, 2010). Le sujet ayant enregistré la verticale visuelle, soumis à la gravité, et donc activant son vestibule et ses facultés proprioceptives va étirer ses muscles sous occipitaux en tournant la tête d’un côté et exprimer son tonus postural du fait du réflexe nucal. La rotation de la tête entraîne l’extension des membres controlatéraux et la flexion des membres homolatéraux.
L’ostéopathie a pour objectif de redonner une liberté de mouvement à la personne en améliorant le fonctionnement articulaire, musculaire.
On sait par Frange et Scheibel (2008) qu’un traitement ostéopathique permettait de recentrer des nageurs avec palme et en aveugle par l’équilibration du tonus.
Le résultat du test de Fukuda avant et après traitement met en évidence que le travail ostéopathique sur les muscles oculomoteurs modifie le tonus orthostatique et la proprioception, quelque soit l’entrée visuelle ou mandibulaire établie.
Et l’on peut remarquer que le test de Fukuda semble ici montrer une diminution de l’asymétrie orthostatique après traitement ostéopathique des muscles oculomoteurs si le sujet appartient au groupe « entrée visuelle ».
L’influence de l’étirement des muscles oculomoteurs peut s’expliquer par la présence de fuseaux neuromusculaires dans ces muscles. Même si la littérature se contredit.
En effet, dans le livre « Neurophysiologie : organisation et fonctionnement du système nerveux », Daniel Richard et Didier Orsal écrivent que « les muscles oculomoteurs possèdent de nombreux fuseaux neuromusculaires », mais « les motoneurones correspondants ne sont pas activés par l’étirement des muscles ».
Alors que Ch. Van Nechel dans son article «Bouger les yeux pour stabiliser le corps » faisant référence à Roll et Roll (1987) écrit que la vibration des muscles oculomoteurs induit une déviation posturale et une illusion de mouvement comme si le muscle était étiré. De plus, il semblerait que la recalibration de la représentation spatiale soit rapide et que cette représentation soit convertie en référentiel égocentrique.
Ch. Van Nechel a schématisé dans son article « Bouger les yeux pour stabiliser le corps » que les mouvements oculaires parce qu’ils permettent de compléter la représentation de l’espace et parce qu’ils permettent l’ajustement proprioceptif du corps agissent sur l’équilibre.Jean-Pierre Roll renchérit lors de son intervention sur la proprioception à Marseille en disant que la représentation du corps était un préalable à son pilotage et que le corps a pour fonction de déplacer les yeux dans l’espace.
Alors que la vision est un sens incontournable pour fournir des informations fiables et précises à notre schéma corporel, notre contrôle postural et notre mobilité, le test de Fukuda utilise de nombreuses compétences posturales sans l’ajustement de la vue- puisque les yeux sont fermés: représentation spatiale, représentation mentale du corps debout, proprioception.
Et il met en évidence que le traitement ostéopathique des muscles oculomoteurs change la proprioception de ces muscles et provoque une recalibration rapide de l’espace visuel mental.
Conclusion
D’habitude on regarde l’effet de la vision sur la posture comme dans le travail de Ch. Van Nechel ou la thèse d’Eric Matheron (Incidence des phories verticales sur le contrôle postural en vision binoculaire, 2009).
Dans ce mémoire, nous avons regardé l’effet d’un traitement ostéopathique sur la musculature oculomotrice sur le tonus postural et pouvons constater qu’il est modifié ainsi que l’hétérophorie et la convergence. Cela corrobore les résultats de Stéphanie Houllier dans son mémoire de fin d’étude à l’ESO, «l’influence de l’équilibration fasciale de l’oeil sur la posture» qui a montré sur une centaine de sujets que l’équilibration fasciale de l’oeil modifiait le statokinésigramme dans le sens latéral mais surtout antéro-postérieur.
Il pourrait être intéressant d’étudier l’effet de ce traitement ostéopathique sur les muscles oculomoteurs sur la posture du cavalier, du chanteur dans laquelle l’arrimage visuel dont parle Madame Zamfirescu dans son cours peut être un frein à la pratique.
Ce travail met en évidence la difficulté à mettre en œuvre une étude.
Et même si ce travail dans l’état actuel ne permet de rien conclure sur le plan statistique, il montre à quel point la collaboration entre professionnels peut être riche et bénéfique au patient. En effet, il me semble que le vrai enjeu de la posturologie est le travail en réseau de professionnels différents, dont les langages sont différents pour le mieux être d’un patient. Ce qui n’est pas facile à mettre en œuvre dans nos pratiques respectives et notre culture du travail individuel.
Bibliographie
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– C.Assaiante.- Construction du contrôle postural au cours de l’ontogénèse : concepts et résultats expérimentaux chez l’enfant sain et pathologique in Posturologie clinique : Tonus, posture et attitudes. Masson,2010,78-96.
– L.Bernard-Demanze, M.Dumitrescu, P.Jimeno,L.Borel,M.Lacour.- Vieillissement du contrôle postural et double tâche in Posture, exercice physique, vieillissement et pathologies, Solal, 2009, 29-46.
– P-M Gagey, B.Weber. – L’examen clinique postural in Posturologie : régulation et dérèglements de la station debout. Masson, 3ème édition, 2010, 42-46,49-51
– Le globe oculaire http://www.infovisual.info/03/045_fr.html
– Paul JEAN.- Vision binoculaire et déséquilibres oculomoteurs M:Mes documentsVAEHÉTÉROPHORIES2.doc http://p.jean2.pagesperso-orange.fr/vae/Groupes/heteroph.pdf
– G.K.Lang.- Motilité oculaire et strabisme in Atlas de poche en couleur Ophtalmologie. Maloine, 2002, 459-465.
– L’optique de A à Z, http://www.dicoptic.izispot.com/prisme_358.htm
– Daniel Richard, Didier Orsal.- Neurophysiologie : organisation et fonctionnement du système nerveux. Dunod, 3ème édition, 2007,215
– Ch. Van Nechel.- Bouger les yeux pour stabilliser le corps in Contrôle postural et représentations spatiales, Solal, 2007, 35-42.