A. Préambule
Guimauve est une petite chatte européenne de 1 an et demi, de 2,4 kg, amenée en consultation d’ostéopathie le 11 février 2013 car elle souffre depuis trois mois de cystites récidivantes.
B. Anamnèse
Il y a trois mois, lors de sa première crise de dysurie, la propriétaire de Guimauve apporte des urines de la chatte à la clinique, en expliquant qu’elle ne souhaite pas pour le moment contraindre Guimauve à un voyage en voiture et à une venue à la clinique. En effet, celle ci est si stressée, que chaque trajet ou voyage se solde par sa disparition pendant 3 à 5 jours.
Une analyse urinaire est effectuée sur l’échantillon porté, et il ressort :
* Sur la bandelette :
– Densité 1.025 confirmée au réfractomètre
– pH 5,5
– protéines 3+
– leucocytes 4+
– sang 4+
* Sur le culot urinaire :
Présence en grande quantité de cellules et d’hématies, absence de cristaux
* Sur cytologie urinaire :
Absence de germes
Il est alors mis en place un traitement per os d’antispasmodiques urinaires, de cortisone et de Zylkène ND (à base de protéine de lait maternel agissant sur les problèmes de comportement) durant 10 jours. Les symptômes cessent rapidement, mais reprennent dès l’arrêt du traitement.
Guimauve est alors mise sous traitement de Zylkene ND et Uricystyl ND (complexe homéopathique préconisé en cas de cystite) pendant 2 mois. De nouveau, les symptômes disparaissent dès les premiers jours de traitement, mais 15 jours après l’arrêt de celui-ci, Guimauve recommence à souffrir de dysurie et strangurie.
Il est alors décidé un abord ostéopathique de ce problème urinaire récurrent.
C. Déroulement de la première consultation ostéopathique
Guimauve arrive à la clinique dans un état de stress indéniable. Elle est en mydriase, présente une hyperventilation à gueule ouverte et a uriné et déféqué dans sa cage. Toute tentative d’approche de la cage se solde par un feulement et une attaque. Une discussion avec sa propriétaire permet de comprendre que Guimauve, d’ordinaire douce et câline avec ses maitres, est devenue fuyante et rétive à la caresse depuis une bagarre avec un congénère nouvellement arrivé dans le quartier. Depuis ce jour, Guimauve reste beaucoup plus souvent à la maison et refuse de sortir dans le jardin, alors qu’elle y était volontiers auparavant, s’adonnant à de longues parties de chasse.
Illustration : Guimauve à l’arrivée à la clinique
Une attention particulière est portée sur le premier contact, qui restera le plus délicat et progressif possible afin que Guimauve accepte de se laisser toucher. Une fois le contact établi, il reste permanent pour éviter tout recul dans la progression.
Un examen clinique sommaire ne met en évidence aucune modification des paramètres physiologiques. La vessie est petite et très douloureuse. La propriétaire relate une diminution de l’appétit depuis quelques semaines.
A l’examen ostéopathique, Guimauve présente :
– un système limbique en forte dysfonction, en particulier au niveau des amygdales, bloquées en position caudales et ventrales et médiales,
– des surrénales caudales, ventrales et médiales,
– une L2 en ERSd,
– une L6 en flexion,
– une vessie en restriction de mobilité, en position caudale et ventrale.
La dysfonction prépondérante est la dysfonction du système limbique. Les amygdales, les surrénales et la vessie sont toutes trois liées d’une part par le système nerveux sympathique, et d’autre part par le système hormonal par le biais de l’hypothalamus et de l’hypophyse, il ne semble pas étonnant de les voir toutes en dysfonction. Bloquée dans sa position ventrale et caudale, la vessie tire, de part ses ligaments latéraux puis le fascia iliaca sur la voute lombaire et plus particulièrement sur les dernières lombaires. Le fascia iliaca est lui même à nouveau concerné par les attaches rénales et surrénales.
Face à ce tableau clinique et ostéopathique, l’hypothèse d’un dérèglement vésical lié à des phénomènes de stress répétés peut être avancé. Ceci expliquerait en effet la modification de comportement de Guimauve, ainsi que ses cystites répétées.
D. Traitement ostéopathique
Un travail en crânien permet la libération des amygdales, et entraine un apaisement de Guimauve. Une écoute des surrénales permet de constater leur normalisation dès obtention de la libération des amygdales.
Une approche viscérale de la vessie permet de l’améliorer, mais de façon insatisfaisante. Elle se normalise après correction structurelle de la sixième lombaire.
A l’issue de la manipulation, Guimauve est plus sereine, et ne montre plus de signes de stress.
E. Suivi
Compte tenu de l’inefficacité des traitements proposés antérieurement à la consultation d’ostéopathie, tous sont arrêtés. Afin de limiter le stress de la chatte, et de faciliter la réappropriation progressive de son territoire de vie, il est préconisé de placer dans la pièce principale un diffuseur de phéromones apaisantes, ainsi qu’une litière supplémentaire dans la maison.
La propriétaire s’engage à donner rapidement des nouvelles de Guimauve, et il est convenu avec elle d’une consultation de contrôle dans un mois. Celle-ci me précise que si la minette est toujours aussi rétive, elle ne viendra peut-être pas en contrôle afin de ne pas la stresser.
F. Evolution du cas
Nouvelles téléphoniques à J +15 :
Le comportement de Guimauve a complétement changé. Elle se comporte calmement à la maison, avec ses maitres, mais refuse pour le moment toujours l’accès au jardin. Elle ne souffre plus aucunement de la vessie.
Malheureusement, le souvenir de l’état dans lequel était Guimauve au moment de sa venue à la clinique lors de la première consultation, a dissuadé sa propriétaire de la montrer en contrôle lors du rendez vous convenu.
Nouvelles téléphoniques à J +60 :
Guimauve a le comportement normal d’un chat. Il n’y a plus eu aucune émission d’urine en dehors de la litière, et plus de signes de cystite. Elle a retrouvé son caractère docile et doux envers ses maîtres et recommence depuis un mois environ à explorer le jardin, au départ timidement, puis avec de plus en plus d’aisance.
G. Synthèse et discussion
Le système limbique est le centre des émotions. Il joue un rôle très important dans le comportement, et en particulier dans diverses émotions comme l’agressivité, la peur, le plaisir, ainsi que la formation de la mémoire.
L’amygdale, incluse dans le système limbique gère tout particulièrement les manifestations de peur et d’agressivité.
Une étude effectuée en 1963 par S.M.Hilton montre que chez le chat, la stimulation électrique de l’amygdale conduit à :
– Un arrêt immédiat du comportement en cours, suivi par des mouvements de recherche.
– Une érection des poils,
– Une miction
– Des grognements, sifflements
– Une posture d’attaque
– Une augmentation du niveau de corticostérone du plasma sanguin.
Selon Thomas et al, 2001, l’activation de l’amygdale serait exagérée chez les sujets anxieux, ou en état de stress post traumatique.
Dans le cas de Guimauve, la dysfonction des amygdales pourrait donc expliquer la modification comportementale, le stress excessif éprouvé durant le transport, les problèmes urinaires récidivants et la restriction de mobilité des surrénales. Cette dysfonction des amygdales pourrait bien avoir été engendrée par le contact tumultueux avec le nouveau voisin.
H. Conclusion
Guimauve a été présentée au départ pour un problème urinaire isolé, récidivant à l’arrêt de chaque traitement. L’état de stress dans lequel elle était, pourtant complétement inhabituel, ne semblait pas éveiller l’attention de ses propriétaires. Un traitement d’accompagnement à base de phéromones apaisantes a permis de consolider les effets du traitement ostéopathique, en favorisant l’apprentissage progressif et la réappropriation de son territoire par la chatte.
Bibliographie
S. M. Hilton and A. W. Zbrozyna, « Amygdaloid region for defense reactions and its efferent pathway to the brain stem », J Physiol vol 165, n°1, 1963
K. M. Thomas and al, « amygdala response to fearful faces in anxious and depressed children, Anch Gen Psychaitry, 58 : 1057-1063, 2001